NonNonBâ c'est le manga qui est nécessaire à tous ceux qui se veulent amoureux du Japon et/ou du neuvième art. Œuvre complète et must-have absolu qui met en scène l'enfance de son auteur, Shigeru Mizuki, il est difficile d'envisager une compréhension du manga sans passer par cette œuvre.
En effet, techniquement parlant, Shigeru Mizuki est un contemporain d'Osamu Tezuka, mais il a apprit à dessiner bien avant que le futur Dieu des mangas ne marque le Japon de son empreinte sacré. Une critique que l'on peut adresser à Tezuka (ou plutôt aux mangakas en général) est que cet homme a tellement apporté aux mangas, il a tellement oeuvré à codifier et théoriser son travail qu'il fut ensuite impossible pour ces successeurs de se sortir du carcan qu'il avait créé inconsciemment. A peine commence-t-on depuis 10 ans à se libérer petit à petit de son travail, mais en général, un mangaka cherche d'avantage à réfléchir à partir des codes de Tezuka qu'à inviter son propre système personnel.
Shigeru Mizuki, c'est donc l'occasion de voir à quoi ressemble un style qui "ne souffre pas de Tezuka", c'est aussi une façon de voir en quoi ils sont proches. Cette proximité, c'est l'héritage des caricatures japonaises, première forme de manga ... C'est donc un rare intérêt technique que cette BD contient et que je vous conseille de découvrir par vous même.
L'autre grand point commun entre les deux, c'est la beauté de leur récit, la naïveté, l’innocence presque ... Car au final, à bien y regarder, il n'y a nul innocence, mais l'horrible vision réaliste du Japon des années 30 avec ces beautés et ces horreurs ...
NonNonBâ nous permet de voir avec une précision rare ce qu'est une vie au Japon, dans un petit village de la campagne, au début des années 1930. Ca nous offre la possibilité certes de découvrir les Yokais, ces monstres japonais tous plus farfelus les uns que les autres, mais ça nous permet surtout de mieux comprendre ce pays.
Le bien et le mal se suivent et se ressemblent, l'esprit d'entraide est toujours présent. L'idée d'une tradition qui vise à une amélioration de tous les membres du villages, au désir de respect aussi, tout ça est plutôt beau ... Mais dans le même temps on peut se dire que cette culture de la tradition, cet amour du "non-dit", si cela préserve certes la fierté, ça nuit cependant à une amélioration réelle au final.
Les jeux des garçons à se faire la guerre, la sévérité des professeurs à l'école, tout ce background souligne le nationalisme exacerbé d'une nation qui provoque depuis des années des massacres et qui va bientôt entrer en guerre en allié de l'Allemagne Nazi.
L'horreur de la vie des enfants est aussi là, la mortalité infantile est élevé, très élevé et Shigeru nous montre 3 jeunes filles, 3 amies, toutes 3 condamnées ... Les deux premières par la mort, la dernière, incarnation de l'innocence va devoir devenir Geisha, et pas dans le sens noble du terme, mais dans l'idée de prostitution ...
Gégé (surnom de Shigeru Mizuki) est ici une sorte de bouffé d'oxygène. Réécrit il l'histoire pour se mettre en valeur .? On peut se le demander. Mais je pense qu'entant qu'artiste, c'est normal qu'il ait toujours été en décalage. Il croit à l'imaginaire des Yokais, à ces mondes fabuleux. Il cherche à se révolter contre les systèmes injustes et malgré les critiques de ces proches passe des heures à admirer le paysage, à collectionner des cailloux (pour étudier les formes surement).
Le plus beau moment reste pour moi le fait qu'il se dise que finalement, jouer à la guerre n'a rien de marrant ... Serait-ce encore Gégé qui parle ? Ou Mizuki, des années plus tard, amputé suite à cette satanée seconde guerre mondiale ?
NonNonBâ, c'est les rêveries et les souvenirs de Shigeru Mizuki, le tout en cherchant à souligner les aspects positifs et négatifs de son enfance, sans pour autant nier le regard et l'expérience que les années ont pu apporter à cette réminiscence.
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