Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il regroupe les épisodes 0 à 5, initialement parus en 2013, écrits par Kieron Gillen, dessinés par Caanan White, encrés par Keith Williams, et mis en couleurs par les studios Digikore. La série a compté 27 épisodes pour la première saison, et 7 pour la seconde, sur un total de 20 de planifiés.
24 avril 1945, à 21h03, le général Sankt vient toquer à la porte de la résidence du général Heinz Guderian, pour requérir son aide. Guderian lui explique que c'est idiot, que la guerre est perdue, et que le troisième Reich a été écrasé. Il aperçoit une vingtaine d'individus derrière Sankt, dans un uniforme un peu différent de celui des troupes habituelles. le 29 avril 1945, à 13h20, dans un quartier nord de Berlin, deux soldats allemands descendent un escalier et trouve un groupe de civils qui a trouvé refuge dans ce sous-sol. Ils descendent mais sont abattus par derrière par trois autres soldats. Sur le front biélorusse, les alliés ont investi une maison, et un groupe de quatre soldats est en train de violer une femme à l'étage. Un autre s'enfonce plus avant dans le couloir et trouve une autre chambre avec une jeune fille et un homme qui le supplie de ne pas la toucher. Il flanque un grand coup de crosse dans le visage de l'homme et s'approche du lit dont il enlève le matelas qu'il emmène avec lui. Toujours le 29 avril 1945, dans un camp de recherche secret, à la frontière entre la Suisse et l'Autriche, Freya Bergen passe en revue les cobayes avec le professeur Wilhelm. Ils en choisissent un et l'assistante lui applique un petit cristal irrégulier sur le front : le cobaye est pris de convulsion. Son voisin Marek interpelle Bergen et elle lui applique également un petit cristal sur le front.
Dans le quartier nord de Berlin à Tiergarten, le soldat regarde ce qui se passe dans la rue depuis l'escalier du sous-sol. Un obus tombe et explose, tuant la dizaine de civils qui faisait la queue pour acheter du pain. Il redescend et se demande avec les deux autres quel est le bon moment pour se rendre : soit aux soldats SS, soit aux russes. Dans un autre quartier au nord de Berlin, le soldat qui a récupéré le matelas l'amène à l'équipage d'un char, pour le mettre sur le blindage afin d'atténuer les explosions des roquettes. Puis il avise une femme frêle dans un long manteau avec des médailles au beau milieu de la rue. Il l'accoste en lui faisant des avances. Un des autres soldats arrive rapidement pour s'excuser auprès de la femme, et pour tirer son collègue en arrière. À la demande de Maria, il lui donne sa montre, ainsi que son casque. le premier soldat comprend enfin qui elle est, et mesure toute l'étendue de sa méprise. À Beelitz au sud-ouest de Berlin, le général Guderian interpelle le général Wenck, responsable d'une unité blindée. Il explique que le temps n'est pas encore venu de se rendre car il est accompagné par le général Sankt et plusieurs de ses hommes. Au vu des explications données par Wenck sur la situation, Sankt décide de faire intervenir Werner Frei, appartenant au vaisseau Siegmund, l'armée des surhommes.
C'est la fin de la seconde guerre mondiale, et Berlin va bientôt être écrasée par les forces alliées. Mais le régime nazi sort un lapin de son chapeau, ou plutôt une arme inattendue. En fait, la recherche sur les missiles ne s'est pas avérée aussi prometteuse que prévue, et le Führer a choisi de privilégier le développement de surhommes. D'une certaine manière, c'est un retour aux temps premiers des superhéros, quand Superman luttait contre les nazis, et quand Captain America décochait une bonne droite dans le menton d'Hitler lui-même. À ceci près que ce récit ne se situe pas au début ou milieu de la seconde guerre mondiale, mais à la toute fin, et que les individus dotés de capacités surhumaines ne sont pas américains mais allemands. le scénariste avait expliqué que c'était une série qui lui avait demandé pas mal de travail, en particulier de recherches pour que les paramètres de son point de divergence vers une dystopie soi cohérent avec la réalité historique de la date qu'il a choisie, en avril 1945. Il ne met pas cette reconstitution historique en avant en assommant le lecteur de batailles, de composition d'armées, ou de stratégies militaires. Néanmoins, le lecteur identifie quatre personnages historiques Adolf Hitler (1889-1945), Winston Churchill (1874-1965), Alain Turing (1912-1954), Heinz Guderian (1888-1954). Il peut s'il le souhaite relever les éléments historiques implicites dans certaines situations.
Des superhéros et des nazis : a priori, mélange pas très original de deux genres. Effectivement, il y a des soldats allemands, des soldats alliés, des batailles, des individus dotés de superpouvoirs qui foncent dans le tas et massacrent de pauvres soldats normaux sans capacité extraordinaires. Pour le coup, le scénariste ne reprend pas la formule des comics de superhéros traditionnels : les combats impliquant l'existence de supersoldats ont une incidence sur le déroulement des événements, et leur intervention crée immédiatement une divergence dans L Histoire, situant le récit dans une dystopie qui ne reprendra pas le cours normal de l'Histoire. Ensuite, il met en oeuvre des noms de code, mais de type militaire (Siegmund, Siegfried, Sieglinde), pas de type ronflant et coloré. Il n'y a pas non plus de costume moulant aux couleurs criardes. Enfin, il n'y a ni superhéros, ni supercriminels, mais des soldats. En cours de route, il évoque le processus par lequel des cobayes acquièrent des superpouvoirs, ainsi que l'origine de ce processus qui ne provient pas d'une avancée scientifique inédite dans la réalité.
La couverture annonce clairement que l'utilisation de capacités extraordinaires par des soldats en situation de combat a pour conséquence un massacre des êtres humains normaux, qui plus est en temps de guerre. Sans grande surprise il y a donc une dimension visuelle gore affirmée et revendiquée, ce qui est souvent le cas avec les séries publiées par l'éditeur Avatar Press. le lecteur retrouve d'ailleurs une partie de l'esthétique associés à cet éditeur : la violence explicite jusqu'au gore, une mise en couleurs très sculptée avec des nuances très riches, des dessins descriptifs et réalistes, avec parfois des expressions de visage ou une morphologie un peu gauche. Pour autant, il est visible que l'artiste est bien en phase avec le projet, à commencer par les uniformes des soldats, ainsi que les gabardines en cuir évoquant les SS. Il a effectué le minimum de recherches nécessaires pour les insignes présents sur les uniformes des gradés allemands. Les armes ont l'air d'époque. La ressemblance des quatre personnages historiques est satisfaisante. Tout du long des épisodes 0 à 4 et de la première moitié du 5, il prend soin de représenter les différents environnements avec un bon niveau de détails. Il est moins impliqué dedans pour le combat de grande ampleur de l'épisode 5 qui se déroule à Paris : les arrière-plans étant vides tout du long de l'affrontement.
Le lecteur peut donc se projeter dans les différents lieux (sauf Paris un peu trop simplifié) essentiellement aux côtés de militaires. Il voit Berlin en ruine, et des civils qui souffrent, à la fois de blessures et du manque d'abri et de sécurité. Il voit des soldats étant parfois en pleine déroute, ou au contraire en train d'avancer sur l'ennemi, sûrs de leur avantage. le carnage commence dès la deuxième page de l'épisode 0 avec les soldats abattus dans le dos, et des giclées de sang exagérées, sans devenir de grosses rivières. Quelques pages plus tard, c'est un visage éclaté à coup de crosse. Puis une bombe éclate dans la rue où les habitants font la queue pour le pain, occasionnant un carnage. Effectivement, cela devient encore plus graphique quand les surhommes chargent des êtres humains normaux, ou quand une balle d'arme à feu fait exploser un crâne. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut être vite écoeuré par cette violence graphique exagérée dans l'éclatement des chairs et le sang versé, et vomir comme l'un des officiers de l'armée allemande devant une extermination massive. Il peut aussi ressentir comme une forme de prise de recul du fait des petites exagérations, ce qui rend les massacres moins réels, mais pas moins horribles. Il est également possible que l'usage de ces conventions gore finisse par le faire sourire.
Le lecteur se rend vite compte que le scénariste est parti pour un récit au long cours, dans lequel les Übermensch ne vont pas traverser la Manche à la nage pour assassiner Churchill, puis l'Atlantique à la nage pour exterminer le gouvernement des États-Unis. Cette nouvelle arme a modifié le rapport de force, évitant la capitulation de l'Allemagne à la toute dernière minute, mais le pays est très affaibli et il l'issue de la guerre reste incertaine. D'un côté, les alliés disposent d'espions et ils parviennent à récupérer les informations sur l'existence des supersoldats, ainsi que sur le processus pour les fabriquer. de l'autre côté, Adolf Hitler reste vivant, et continue d'exprimer sa vision (malsaine) sous forme de stratégies et d'ordre, restant un meneur fanatisé extrêmement dangereux. le scénariste met en oeuvre une narration élaborée, entremêlant différentes facettes : les combats avec une fibre de reportage, la vie de quelques personnages dont une espionne, les enjeux de chaque affrontement à l'échelle de la guerre mondiale.
La couverture annonce clairement un récit de genre, une dystopie propice à des massacres sadiques, avec une touche de gore. Ces épisodes tiennent cette promesse de conventions narratives de série Z. le dessinateur présente quelques faiblesses, mais la narration visuelle s'avère riche et détaillées, avec une bonne densité d'informations visuelles, et un goût pour le gore. le scénariste se montre beaucoup plus ambitieux qu'une simple suite de massacres gore, avec des questionnements sur l'incidence de l'introduction de supersoldats dans le conflit, et sur des individus qui sont littéralement devenus des armes, utilisés au bon vouloir de leurs supérieurs hiérarchiques.