Objectif atteint ! Objectif Lune est sans aucun doute l'un des albums qui, en plus d'avoir marqué toute une génération et devancé, fictivement bien sûr, tout le monde sur le plan aérospatial, a été le plus lucratif de la série. Quand on parle de Tintin aux néophytes, la même image revient presque toujours : cette fameuse fusée rouge à carreaux blancs. En plus d'avoir marqué nombre de jeunes lecteurs du sceau de la curiosité, combien de goodies et autres dérivés ont vu le jour après cette incroyable anticipation digne des meilleurs romans de SF ?
Mais mettons de côté l'aspect mercantile de cet album (qui au demeurant ne devait pas être l'objectif premier de Hergé) pour nous pencher sur l'essence même qui a fait son succès comme autant de ses prédécesseurs. Pour commencer, l'idée pharamineuse qui sert de fil rouge est géniale car en vérité, qui n'a jamais voulu voler ? Faire découvrir l'espace et une autre planète aux bons-petits-propriétaires-terriens-bien-nichés-chez-eux à quelque chose de grandiose. De grand. Comme un rêve. Et c'est bien ce qu'Hergé a voulu dire en filigrane : aucun rêve n'est trop grand. Après tout, qu'est ce que qu'une fusée ? Un cylindre propulsé par des réacteurs, le reste ce ne sont que des détails.
Et des détails cet album n'en manque pas. Un vrai cours d'astrophysique pour les nuls (Tintin y compris niark niark) avec comme magister Mister Tournesol. Qui l'eût cru ? Bien qu'on ait jamais douté de l'érudit qui sommeillait en cette vieille baderne sourdingue, jamais je n'aurais cru qu'il serait à la tête d'une section d'ingénieurs pareils. D'ailleurs il ne manque pas de nous surprendre ce vieux desséché de l'enclume. Désormais il entend. Pris à la légère par un Haddock toujours autant volubile, il montrera qu'il n'est pas la personne âgée qu'il faut traiter de zouave dans une des scènes les plus hilarantes de la série. Côté drôleries, Objectif Lune atteint une nouvelle fois le coeur de la cible. Les gags et les péripéties s'enchaînent et s'entremêlent brillamment avec l'aspect plus réaliste dont il traite. Les Dupont et Dupond font une fois de plus le spectacle et nous tordent le bide. Une chose notable vient apporter une note de fraîcheur : Tintin est quasi absent de l'album. Fini le sérieux qui contrebalance le rire, les vannes sont ouvertes. Qu'il vienne donner des leçons : il sera hospitalisé sur le champ.
A cela vient s'ajouter un huis clos électrisant où bons et méchants se côtoient, des dessins parfaits et un suspens de roman policier sur fond politique... Tout est en place pour vous faire mourir d'envie de lire :
On a marché sur la Lune !