Ce tome est le troisième d'une série en cours de parution ; il fait suite à Femmes fatales. Il est initialement paru en 2007, publié par les éditions Nickel. Il a bénéficié d'une réédition en 2017 par les éditions Glénat. L'histoire a été écrite par Pat Mills, dessinée, encrée et mise en couleurs par Franck Tacito. Cette série est dérivée de la série Requiem d'Olivier Ledroit & Pat Mills. Ce tome peut se lire sans avoir lu la série Requiem.
À Gippeswick, en Angleterre, en 2002, Carly Blackwell se rend dans la maison de sa mère, accompagnée de Jim son fiancé. Elle se gare à l'extérieur de l'enceinte, sans se rendre compte qu'une autre voiture se gare à quelques dizaines derrière, avec à son bord le colonel et Pamela. Elle et Jim parcourent les pièces et commencent à trier les affaires personnelles de Claudia Blackwell. Jim découvre des sous-vêtements comme un corset de soie rouge, avec une ceinture ornée d'une tête de mort, que Carly trouve du plus mauvais goût. Il découvre également une mallette fermée par un code. Sa tentative pour l'ouvrir se solde par le déclenchement du système de protection qui libère un vol d'insectes agressifs.
Sur Résurrection, Claudia Demona se jette dans la bataille à laquelle se livrent les défunts politiciens, épée dans une main, pistolet dans l'autre. Elle est à la recherche du Pèlerin, un vivant parmi les morts, mais son odeur de vivant est masquée par des déodorants qu'il s'est injecté dans les glandes. Alors qu'elle se fraye un chemin en descendant sur une pente, elle aperçoit Elizabeth Bathory en contrebas, conduisant sa voiture. Elle se précipite pour se placer en avant de son chemin et grimper dans le véhicule, mais Bathory essaye de l'écraser. Claudia récupère une moto sur le champ de bataille et s'élance à sa suite, essayant d'écraser l'inspecteur Gol Gotha. Ce dernier la stoppe net dans sa course, la faisant violemment choir de sa moto. Claudia termine au poste, au quartier général de la police à Nécropolis. Gol Gotha l'interroge, et elle essaye de lui faire coup de la demoiselle en détresse, avec une bonne spontanéité dans les sanglots.
Le lecteur est complètement déstabilisé par le début de ce troisième tome car Pat Mills prend soin d'effectuer un rappel des principaux événements précédents, ainsi que des enjeux pour les personnages. Voilà qui ne lui ressemble pas du tout, que lui arrive-t-il ? Au-delà de la taquinerie pour ses tics d'écriture assez idiosyncrasiques, le lecteur retrouve la structure habituelle du récit, en particulier la séquence d'ouverture sur Terre à Gippeswick en Angleterre, aux côtés de Carly Backwell qui doit commencer à trier les affaires de sa défunte mère. Elle continue d'être observée à son insu, par les membres de la congrégation satanique, et elle commence à se retrouver face à des indices de la double vie de sa mère. Le langage corporel de son fiancé montre qu'il comprend très bien la nature de ce qu'il trouve, Franck Tacito s'amusant à faire apparaître le décalage entre sa compréhension et le comportement d'oie blanche de Carly. Dans cette séquence, il réalise également 2 dessins occupant 2 tiers de la page, absolument dantesques, que ce soit la nuée d'insectes infernaux, ou la vision de la porte de l'au-delà.
Claudia reprend le devant de la scène à partir de la page 7. Le lecteur est sensible à ce premier dessin occupant les 2 tiers de la page, où elle s'avance vers lui dans une tenue de cuir ajustée, les armes à la main, les canines dehors, et de petites lunettes rondes faisant penser à celle de Lara Croft. Elle se jette dans la mêlée dans la double page suivante. Le lecteur peut apprécier la construction de la page avec des cases en pourtour du dessin principal qui montre la progression sauvage de Claudia, sa détermination, et dans le coin diamétralement opposé le Pèlerin en train de l'observer. Tacito a dépassé le stade de la belle double planche pour une composition qui associe la force d'un dessin de grande taille, avec la dimension narrative de la planche. Il conserve également son goût pour les détails qui tuent, incitant le lecteur à observer les détails, comme les accessoires sur les pointes des bottes de Claudia, preuve à la fois de l'intensité de son implication dans les dessins, et de son sens de l'humour noir et sanglant. La double page suivante reprendre ce type de construction, avec une vision infernale de Claudia chevauchant sa moto, comme le motard sortant des enfers sur la pochette de Bat out of Hell de Meat Loaf, illustration légendaire de Richard Corben. À nouveau la narration est assurée par les cases plus petites positionnée autour de cette image centrale.
Tout au long de ce tome, le lecteur apprécie la progression de Franck Tacito en termes narratifs, ayant conçu une manière de concilier les images monumentales d'Olivier Ledroit présentes dans la série mère Requiem, et une narration plus fluide. Le lecteur peut se régaler de la vision dantesque du quartier général de la police et de son imposant statuaire, de la réserve personnelle de Gol Gotha en approvisionnement de sang sur des femmes bien en vie, d'Elizabeth Bathry chevauchant une bête infernale pour se livrer à a chasse, de Claudia prenant un bain de sang dans ses appartements, hantée par les visions du visage de Bathory, de l'hallucinante cérémonie de mariage, de la macabre promenade au jardin d'enfants, ou de la descente de police dans l'établissement Slimelights, avec la présence d'images pieuses. Le lecteur reste épaté par ces images choc et spectaculaires, avec un haut niveau de détails, et une force picturale à la hauteur des visions exigées par le scénario. Franck Tacito a réussi à développer son langage visuel personnel, à assimiler les influences d'Olivier Ledroit, sans le singer, et à progresser en compétences techniques, pour des pages sophistiquées, transcrivant avec force la démesure du scénario, la perversion macabre de Résurrection. Le lecteur s'aperçoit en cours de lecture qu'il en vient à oublier la série mère et apprécier les pages pour elles-mêmes.
La narration de Franck Tacito a gagné en naturel, en fluidité et en efficacité. Le lecteur peut se laisser porter par l'enchaînement des cases, le divertissement généré par leur force spectaculaire. Il peut aussi prendre le temps de ralentir sa lecture pour mieux savourer les détails visuels. La collaboration entre le dessinateur et le scénariste a gagné en harmonie, donnant l'impression qu'il s'agit d'un seul auteur. En particulier, Frank Tacito a réussi à trouver le bon dosage entre l'intrigue, les péripéties dans les scènes d'action, et l'humour si particulier de Pat Mills. Cette dernière composante pose un défi pour la plupart des artistes qui collaborent avec lui, car il faut savoir l'intégrer sans qu'elle ne prenne le pas sur l'histoire, mais sans qu'elle ne semble non plus rajoutée artificiellement, au risque que l'humour apparaisse en décalage avec le reste des composantes. L'exubérance des dessins permet que les exagérations y trouvent leur place, au point d'équilibre parfait entre des éléments à prendre au premier, et l'exagération d'une convention qui indique au lecteur qu'il lit une forme de parodie. Par exemple dans la page d'ouverture, une femme d'un certain âge porte un tailleur très serré et des talons d'une hauteur déraisonnable. Elle apparaît à la fois comme une femme avec une forte volonté refusant de se conformer aux exigences du politiquement correct, et à la fois comme une caricature de ce genre de personnage utilisant sa sexualité pour provoquer, même quand elle en a passé l'âge.
Par la force des choses, l'environnement parodique de Résurrection se prête plus à ce genre d'élément comique caricatural. Mais le degré de difficulté pour l'artiste reste élevé. Il doit éviter de forcer la dose pour ne pas réduire à néant la tension dramatique ou l'intérêt du lecteur pour l'intrigue, et trouver des éléments tellement outrés qu'ils ressortent quand même dans un environnement où tout est déjà exagéré. À nouveau Franck Tacito s'en tire haut la main, avec un naturel épatant. Il y a bien sûr l'apparence outrée des personnages, avec le petit plus qui fait toute la différence, comme les accessoires des bottes de Claudia Demona, les tenues mi-érotiques, mi-comiques des femmes de la réserve de sang de Gol Gotha, les différentes créatures rencontrées dans les rues de Nécropolis, et leurs occupations ou accessoires improbables, les expressions des damoiseaux d'honneur lors du mariage de Claudia, l'entrain avec lequel Claudia s'élance dans l'eau et son maillot de bain riquiqui à base de croix inversée, les tenues fétichistes dans le club Slimelights, etc. À chaque page, le lecteur peut se délecter de l'inventivité baroque et sarcastique de l'artiste. Il s'avère tout aussi efficace pour les éléments horrifiques, avec la cruauté et la perversion attendues dans un récit de ce genre.
Grâce à la partie graphique, le lecteur s'immerge tout de suite dans ce tome, mariant avec adresse l'intrigue, l'humour, le macabre, le gothique, le grotesque et les sentiments exacerbés. Le lecteur sait que l'intrigue va progresser vers sa résolution dans le tome suivante, Claudia Demona se rapprochant du Pèlerin qui sait où trouver une téléviza (le bidule qui permet de passer de Résurrection vers la Terre), Carly Blackwell se rapprochant de son sort funeste. Pourtant ses attentes sont dépassées par les développements contenus dans ce tome. Claudia Demona est arrêtée par la police, elle tombe amoureuse, elle se languit d'amour qui semble bien authentique. Pat Mills intègre d'autres personnages de la série Requiem avec naturel, comme le capitaine Kurse, ou Igor. Encore plus inattendu, il fait enfin un usage intéressant du concept que le temps s'écoule à l'inverse sur Résurrection. Le lecteur découvre abasourdi et enchanté Claudia et Shinodi emmener leurs enfants dans un parc avec des jeux. Une scène d'une rare perversion du fait de la nature des enfants sur Résurrection. Le scénariste prend ainsi le lecteur par surprise à plusieurs reprises, avec des nouveaux concepts pas encore abordés dans la série.
Lorsqu'il s'est lancé dans la série dérivée Claudia, le lecteur venait surtout retrouver l'ambiance qui l'avait séduit dans la série mère Requiem, tout en sachant qu'il ne retrouverait les mêmes visuels si riches d'Olivier Ledroit. Après 2 tomes plaisants ayant prouvé l'implication totale des auteurs, il découvre un troisième tome dans lequel ils sont en symbiose créatrice, avec une intrigue qui avance, des visuels à la hauteur de la démesure du récit, une narration fluide, et un humour qui fait mouche, sans supplanter les autres composantes du récit.