Orbiter
6.9
Orbiter

Comics de Warren Ellis et Colleen Doran (2003)

Le rêve de la conquête spatiale

Il s'agit d'une histoire complète, parue initialement en 1 tome en 2003.


Un jeune adolescent s'apprête à sortir la poubelle à la demande insistante de sa mère. Ils habitent dans un bidonville, dans une baraque en cartons et leur tapis est un drapeau portant le symbole de la NASA. Ils habitent sur le site du Kennedy Space Center, à l'évidence désaffecté et occupé par un immense hameau de fortune. Les gens vivent dans des baraquements précaires ou sous des tentes. Après avoir accompli sa tâche domestique, le jeune homme va contempler l'immensité de l'océan pour se changer les idées. Une boule de feu s'approche dans le ciel et vient s'écraser sur le bidonville. Il s'agit de la navette spatiale baptisée Venture, partie 10 ans auparavant. Sa disparition et celle de son équipage avaient mis un terme à toute exploration spatiale par des humains. Les militaires investissent à nouveau la base et mettent le vaisseau au secret. Ils font appel à 3 spécialistes pour essayer de comprendre ce qui c'est passé et interroger le survivant : Terry Marx (spécialiste des motorisations alternatives), Anna Bracken (psychiatre spécialiste des astronautes, 10 ans auparavant) et Michelle Robson (astronaute et biologiste). Que s'est-il passé ?


Dans les 2 pages du texte d'introduction, Warren Ellis rappelle son amour de l'espace et sa passion pour la conquête spatiale. Il indique également que le scénario de cette histoire a été achevé à la même époque que la fin catastrophique de la mission STS-107 de la navette Columbia, le premier février 2003. Il précise également que Colleen Doran (la dessinatrice) partage la même passion que lui pour l'espace. Ce n'est pas la première fois qu'Ellis invente une histoire dont le thème principal est l'espace ; il y a déjà eu Ministry of Space (une histoire alternative de la conquête de l'espace), Ocean (une enquête dans station de recherche sur Europe, l'un des satellites de Jupiter, 100 ans dans le futur) et Ignition City (un récit se déroulant dans un port spatial dans une réalité alternative).


Pour cette histoire, il met en scène une situation assez classique dans les récits d'anticipation : un phénomène incompréhensible a perturbé une mission de la navette spatiale américaine. Dès les premières pages, il est évident qu'Ellis a décidé d'inclure dans ce récit des éléments scientifiques et factuels sur la conquête spatiale. Il arrive ensuite un moment où le récit prend toute son envergure d'anticipation et les personnages se lancent dans des extrapolations scientifiques plus ou moins crédibles. Si vous êtes allergique à cette composante des récits de science fiction, évitez ce tome car Ellis n'y va pas avec le dos de la cuillère. Les trois premiers quarts mêlent efficacement les investigations des 3 spécialistes avec des scènes de dialogues un peu bavardes dans lesquelles les personnages analysent et commentent ce qu'ils ont découvert. Ils formulent des hypothèses qu'ils tentent ensuite de vérifier au fur et à mesure, comme dans toute bonne démarche scientifique qui se respecte. Les illustrations de Colleen Doran sont dans un style sensiblement différent de ce qu'elle a fait dans sa propre série The Gathering. Elle utilise un registre assez réaliste, avec une attention soutenue pour les décors. Elle donne une vision complexe des visages et des émotions qui traversent les personnages. La mise en page est simple, avec de 3 à 5 cases par page en moyenne. Les décors ont tendance à disparaître lors des conversations. Pendant ces séquences, l'attention se fixe plus sur les personnages, avec une prépondérance de gros plans sur leurs visages. La mise en couleurs de Dave Stewart est magnifique comme d'habitude, avec une teinte prépondérante en fonction du lieu et des couleurs assez foncées (à lire avec un bon éclairage).


Puis arrive le dernier quart du récit. La narration repose presqu'exclusivement sur les dialogues des personnages. C'est une particularité dont Ellis a du mal à se défaire : dans ses récits courts (100 pages pour "Orbiter"), il arrive fréquemment un moment où Ellis case toutes les explications dans une scène de dialogues abondants. Ici cette particularité vire à la caricature. La narration n'est plus portée que par les dialogues ; les illustrations ne servent qu'à montrer les interlocuteurs immobiles pendant 16 pages sur 25. Tout se passe comme si Ellis avait oublié qu'il écrit le scénario d'une bande dessinée qui est un media visuel. A-t-il été obligé de faire plus court que prévu ? Impossible de savoir, mais la fin s'apparente plus à un dialogue de roman qu'à une bande dessinée.


Quoi qu'il en soit (et malgré ces pages malhabiles), la passion de l'espace d'Ellis et de Doran s'exhale de chaque page. L'appétence d'Ellis pour la technologie et même les concepts scientifiques liés à l'exploration spatiale tiennent une place importante dans le récit. Ellis a imaginé un récit de science fiction qui tient la route. Et Colleen Doran crée une ambiance très particulière autour de cette navette spatiale mystérieusement revenue. Tout n'est pas parfait, mais globalement l'histoire fonctionne bien.

Presence
9
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le 4 janv. 2020

Critique lue 91 fois

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