Ce tome fait suite à OutcastT07 (épisodes 37 à 42) et c'est le dernier de la série qu'il faut avoir commencée avec le premier tome. Il regroupe les épisodes 43 à 48, initialement parus en 2020, écrits par Robert Kirkman, dessinés et encrés par Paul Azaceta, et mis en couleurs par Elizabeth Breitweiser. Il se termine une postface de deux pages, rédigée par le scénariste expliquant la chronologie de la création de cette série sous ses deux formes : comics et série télé Outcast réalisé par Howard Deutch, avec Patrick Fugit et Philip Glenister.
Tout a commencé à s'accélérer, bien plus que ce à quoi s'attendait Rowland et son groupe. Ils pensaient juste avoir agi comme catalyseur en manœuvrant pour que les réprouvés se regroupent et soient livrés à eux-mêmes à la ferme. Ça les a rendus plus puissants, et ça a concentré le pouvoir. Ils sont devenus une véritable balise attirant les membres de son groupe. Cela aurait dû les éprouver, mais ça a éprouvé les deux clans. Dans le campement des réprouvés, derrière la haute palissade de fortune, Allison s'écroule sans connaissance à terre, et Kyle Barnes se précipite vers elle pour la prendre dans ses bras. Petit à petit, les autres réprouvés reprennent connaissance. À l'hôpital, Rowland Tusk est penché sur le lit de son épouse Mona et lui raconte tout ça, en ajoutant qu'il faut absolument que leur plan fonctionne. Elle l'assure que ça va marcher. Leur moment d'intimité est interrompu par l'irruption d'un policier en tenue qui vient lui demander ce qu'ils doivent faire. Son interlocuteur le regarde sans comprendre. Il jette un coup d'œil dehors : c'est l'émeute ! Les citoyens se livrent à des pillages, et se battent sauvagement entre eux.
Dans le campement des réprouvés, les membres ramassent les déchets et remettent les lieux en ordre. Allison est allongée avec Kyle à ses côtés : elle reprend connaissance et évoque la lumière qu'elle a vue. Il lui demande si elle le voit : elle est devenue aveugle. Il voit qu'elle a été blessée et indique aux personnes autour de lui qu'elle a besoin de consulter un médecin. Dans la pièce, une femme fait observer qu'il va être compliqué de se rendre chez un docteur au vu de ce que les médias disent sur eux. Le révérend John Anderson dit à haute voix que ce n'est pas ce dont Allison a besoin : il estime qu'elle est possédée. Kyle lui fait observer qu'il est en train de lui tenir la main et qu'il ne se produit aucun symptôme d'un exorcisme comme avec tous les autres possédés. Le révérend estime qu'elle a besoin de l'aide que lui seul peut apporter. Pour interrompre les adultes, Amber crie qu'elle est encore sa mère : ça fonctionne. Ayant ainsi capté leur attention, elle ajoute qu'elle aussi a vu la lumière et que c'est elle qui l'a guidée dans sa mère. Allison l'en remercie, et continue : elle est quelque chose de nouveau, et ils n'ont pas à la craindre. Elle a besoin d'eux, autant qu'ils ont besoin d'elle et ensemble ils peuvent sauver le monde et le sien.
C'est assez déstabilisant : le lecteur sait très exactement ce qu'il va trouver dans ce dernier tome. Les deux forces en présence vont à nouveau s'affronter dans une bataille de grande ampleur, et l'une d'entre elles en sortira vainqueur, avec la défaite plus ou moins totale de l'autre, peut-être son annihilation complète, et des conséquences pour tous les protagonistes du récit. Il y a l'éventualité d'une troisième voie suggérée par le titre : la fusion entre les entités de la lumière et celles des ténèbres, mais toujours avec l'idée que l'une doit dominer l'autre. C'est parti. Effectivement, l'intrigue se déroule sur ces grandes lignes, pour aboutir à un dénouement clair, et un épilogue qui permet de savoir ce qu'il advient des personnages principaux. La bataille est spectaculaire, et les individus souffrent, risquant leur vie, celle de leur proche, et peut-être leur âme, ou à tout le moins leur personnalité qui risque d'être pervertie ou supplantée par une autre. Grâce aux dessins à l'apparence frustes mais à la forte précision, le lecteur identifie tous les principaux personnages du premier coup d'œil : Kyle Barnes, son ex-femme Allison et leur fille Amber, le révérend John Anderson, Megan Holt, son époux Mark et leur fille Holly, Luke Masters, Brian Giles, Simon Barnes, Roland Tusk, sou épouse Mona et leurs enfants Kelly & Donald, sans oublier l'inquiétante Angelica.
Ce dernier chapitre contient son lot de moments horrifiques comme depuis le début de la série : le regard possédé d'Allison, la folie furieuse des citoyens ordinaires éprouvant les symptômes du début de la possession, un père (Rowland) voyant ses enfants se tordre de douleur sous ses yeux sous les effets de la possession, un homme devant demander l'aide de ses ennemis, la communauté de Kyle voyant arriver un camion et une foule prêts à forcer la mince palissade qui les protègent, la possession par la lumière, un enfant terrorisé par le comportement agressif de sa mère, etc. Le dessinateur sait composer des images qui opposent les forces en présence, en faisant ressortir la détermination des uns et l'inquiétude des autres, ainsi que le déséquilibre dans le rapport des forces, que ce soit pour un groupe de personnes contre un autre, ou entre deux individus. L'aspect un peu rêche et brut des dessins confère une forme d'honnêteté et d'instantanéité aux émotions et aux comportements des individus, générant une forte empathie chez le lecteur qui ne peut pas se retenir de s'inquiéter tout comme eux. Cette sensation est renforcée par la mise en couleurs souvent sombre d'Elizabeth Breitweiser et en apparence simple et basique, avec un goût prononcé pour un vert de gris et un violet pastel.
L'artiste a l'art et la manière de présenter les personnages et les lieux dans des dessins qui leur donnent une apparence simple, sans être simpliste. Cette impression d'absence de sophistication artificielle les rend plus vrais, plus présents. Il sait doser avec précision son niveau de détails pour que les cases soient lisibles au premier coup d'œil, malgré une bonne densité de noir, sans donner l'impression d'individus ou d'endroits fades ou factices. Il réussit à emmener le lecteur aussi bien dans un campement de fortune, que dans une chambre d'hôpital, dans une maison un peu délabrée, dans un fourgon de police, dans un sous-sol mal éclairé, ou au pied de la Maison Blanche, dans une cellule de prison, ou dans le jardin verdoyant d'un pavillon où se tient un pique-nique. Il continue d'utiliser des cases en insert pour attirer l'attention du lecteur sur un détail, un geste furtif, un mouvement essentiel. Dans la postface, Kirkman explique qu'il a préconisé l'utilisation de ces cases en insert, pour pouvoir rendre compte de ces menus détails, également utilisés dans la série télé. En effet, il a développé son récit en parallèle pour les deux médias, d'abord pour les comics, puis les épisodes télé ont été écrits avant que les comics ne soient dessinés.
Le lecteur est donc très curieux de découvrir l'intrigue proprement dite, les modalités d'affrontement entre la lumière et les ténèbres, le prix à payer pour les uns et pour les autres, et l'issue du combat. Il est pleinement satisfait par ces épisodes, et par le fait que le scénariste ait pris le temps pour indiquer quel genre de vie attend les survivants. Il ne s'attend pas à ce que l'auteur mette les points sur les i pour un certain nombre de questions en suspens. Certes, le choix d'opposer la lumière aux ténèbres porte en lui une forme de jugement de valeur moral, la première étant plutôt vue comme bénéfique, et les secondes comme étant propices au mal. Mais au fur et à mesure du développement de son récit, Kirkman avait habilement semé le doute dans l'esprit du lecteur. Les exorcismes sont montrés comme étant particulièrement violents, et le possédé peut ne pas y survivre. Kyle Barnes se bat pour sa famille, leur bien-être, leur futur, et Roland Tusk, exactement pour la même chose. Du coup, lequel est le plus dans son bon droit ? Les choix du premier impliquent de nombreuses souffrances pour sa communauté, sans certitude de triomphe. Les choix du second entraînent des souffrances pour les gens d'en face, avec une probabilité raisonnable de victoire pour son camp. Or en cours de tome, le scénariste tranche clairement qui sont les bons et qui sont les méchants. Il revient à l'une de ses thématiques favorites : celle de la famille. Toutefois, sa sensibilité semble s'être un peu émoussée par rapport à ses deux principales séries The Walking Dead, et Invincible : le retour en arrière sur la relation entre Kyle et sa mère n'a pas le temps d'avoir des conséquences sur son devenir après l'épilogue, et le revirement de Rowland après avoir vu ses enfants souffrir semble un peu artificiel. En revanche, Kirkman retrouve toute sa subtilité pour montrer qu'il faudra encore du temps aux survivants pour pouvoir surmonter les conséquences d'avoir été touchés par les ténèbres.
Le lecteur ressort de ce dernier tome un peu partagé. La narration visuelle de Paul Azaceta a gagné en qualité tout du long, et ces épisodes le montrent en pleine forme, pour installer un climat d'angoisse, bien renforcé par la mise en couleurs, et pour transmettre des émotions sans filtre au lecteur, tout en assurant un spectacle troublant. Le scénariste a décidé de rendre explicite des points qui ne le méritaient pas forcément, et de laisser le lecteur dans l'expectative pour d'autres (le devenir des entités qui semblaient pourtant dotées de conscience) faisant es choix qui peuvent sembler un peu arbitraires. En fonction de ses goûts et de ses attentes, le lecteur aura été plus ou moins immergé dans ce récit d'horreur. S'il est sensible aux ambiances, il aura été sous le charme inquiétant et menaçant de cette lutte contre des entités insaisissables. S'il s'interroge sur ce qui justifie les actions d'une communauté et de ses individus, il aura été très troublé par la similitude de celles qui animent aussi celles de Kyle Barnes, que celle de Roland Tusk, tout en regrettant que ce second niveau de lecture ne soit présent que par intermittence.