Filles de papier, mais pas en carton

Les années 1980 reviennent à la mode, effet nostalgie, vintage ou générationnel. Et dans le sillage du trentième anniversaire de Retour vers le futur l’an dernier, nous avons pu découvrir diverses œuvres rendant hommage à cette période. Côté comics, nous avons eu droit au très réussi Deadly Class de Rick Remender, ou au plus anecdotique The Goners qui lorgnait du côté des Goonies. Et la plus impressionnante synthèse de ce mouvement s’est manifestée dans la récente série télé événement Stranger Things.


D’une certaine manière, Paper Girls creuse lui aussi le filon, mais à la sauce Vaughan. La bande d’ados de la bourgeoisie blanche américaine cède la place à une bande de filles d’origines et confessions différentes. De même, les romances débordent le cadre de l’amourette hétérosexuelle. Et la bascule vers le fantastique et l’aventure adopte une échelle globale et collective, et non restreinte et individuelle, conduisant le récit à se ramifier et à glisser peu à peu vers le choral.


L’action se situe en 1988, dans une bourgade de l’Ohio, au lendemain d’Halloween. C’est le petit matin et quatre jeunes filles livreuses de journaux, organisent leur tournée pas si évidente que cela à mener du fait du comportement d’ados de la ville et du regard que pose la police sur ce qui est pour elle un moyen d’émancipation encore mal perçu. Témoins d’une série d’événements étranges, les jeunes filles voient leur quotidien basculer en l’espace de quelques heures.


Brian K. Vaughan livre là un récit de science-fiction plus que convaincant, déjà prenant et passionnant. Délaissant le space-opera de Saga, il semble revenir à une inspiration plus proche de Y, le dernier homme, mais dans un registre de science-fiction plus classique, d’ores et déjà habilement réinvesti : le voyage temporel. En outre, le scénariste amorce une réflexion sur les effets du temps sur la langue, rappelant lointainement ce qu’avait imaginé Edgar P. Jacobs dans Le Piège diabolique lors de l’étape futuriste de Mortimer.


Encore une fois, la galerie de personnages créés saisit par sa qualité et sa justesse d’autant que le choix d’adolescentes comme héroïnes se révèle rapidement un choix murement réfléchi et faisant sens, et corps, dans l’intrigue déployée. Et puis cette plongée dans les années 1980, avec ses marqueurs sociétaux et culturels, comme les BMX ou les walkmans, ne laissera pas insensible la tranche du lectorat ayant connu cette période.


Paper Girls a déjà été distingué en 2016. La série, publiée chez Image Comics, a en effet remporté cette année l’Eisner Award de la meilleure nouvelle série et Cliff Chang, son illustrateur, a reçu celui du meilleur dessin, pour un travail superbe, particulièrement expressif et dynamique. Deux Eisner Awards, et pas des moindres : rien que cela ! Et aucun doute : voilà des récompenses dûment méritées et qui confirme que nous avons là l’un des titres à suivre dans les prochaines années.


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seleniel
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le 27 nov. 2016

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