Ces derniers temps je traverse une période russe. après avoir relu "le pavillon des cancéreux" de Soljenitsyne, c'est "Michel Strogoff" que j'ai eu besoin de revisiter avant une fois de plus de replonger dans cet aussi glaçante que majestueuse ( ou plutôt Majesté Tueuse) "Partie de chasse".
C'est un album qui me fascine depuis toujours depuis ce jour des années 80 où mon prof d'histoire géo m'en avait parlé dans la cour du lycée.
Depuis périodiquement cette histoire étrange ne cesse de périodiquement me hanter et aujourd'hui j'ai envie d'aller un peu loin dans appréhension de cette étrange fascination. Histoire d'un peu mieux me comprendre et de comprendre le monde peut-être.
Je l'ai donc relu et autant le Soljénitsyne et le Jules Verne ne m'avait guère pris plus de deux jours c'est, cette fois, plus d'une semaine qu'il m'a fallu pour en sortir. Je l'ai trimballé de mon bureau au canapé de ma table de nuit à mon sac de chantier. Tout celà pour ne parfois pas l'ouvrir. Et tout celà pour quel bilan ?
D'abord celui d'une sorte de perfection aussi narrative que graphique, on peut aimer ou pas l'histoire raconté mais il est inconcevable d'envisager d'en supprimer un mot ou une image, tant l'ensemble s'organise et se répond pour composer une atmosphère aussi glaçante qu'éprouvante.
Le deuxième constat que je fais est celui de la rapidité formelle d'un récit aussi dense. Si le portrait du protagoniste principale occupe les 17 premières planche la suite du récit plutôt rapidement malgré un ton résolument contemplatif. En 84 pages Christin et Bilal développent une histoire qui, j'ai l'impression en aurait nécessité des centaines chez Grossman ou Tolstoï (quoique je n'arrive à à imaginer Tolstoï raconter pareil histoire).
Voilà pour la forme.
Pour le fond ? Qu'en est-il ? J'ai l'impression de ne pas être vraiment plus avancé. C'est un huis clos dans un univers figé autant par la glace que par l'idéologie totalitaire qui soutant tout l'enjeu et les personnages mais pourquoi cette fascination pourquoi ces personnages instruments des crimes atroces d'une histoire dont ils furent plusieurs fois les acteurs, ne me révulsent pas de la même manière que ceux du film "La chute" décrivant les derniers jours dans le bunker d'Hitler ?
Sans doute parce que les auteurs s'attachent à conserver une grande densité humaine à leurs personnages. S'ils sont devenu ce qu'ils sont c'est parce qu'ils ont cru sincèrement à un idéal et s'il sont lucide et désabusé sur ce qu'ils sont devenu ils conservent une lucidité assez amère sur leur présent. Humanité qui rend d'autant plus terrifiante cette monstrueux système qui fige tout, à l'image de cette séquence page 36 où l'apparatchik Tchevtchenko le visage figé par la maladie qui le transforme en statut vivante traverse silencieusement un village où des habitants qui semble sortie du moyen age le regarde passé sans un mot ni réaction.
Pourquoi le lire aujourd'hui (ou quid de ma fascination?)
Si la dénonciation contre l'idéologie communiste et le totalitarisme n'est plus d'actualité (d'autres combats sont apparus) le récit conserve la dimension intemporel de poser la question de savoir ce que l'être doit faire / peut faire dans le mouvement de l'histoire de son temps et que ayant vécu sa vie, de savoir comment il s'arrange avec sa conscience.
Bref vous l'avez compris cette histoire me touche profondément et continue à m'échapper. (et m’écharper).
Bon sur ce je vous laisse et pour continuer mon errance en russitude, je m'en vais sortir de son rayonnage le "...et le vent reprend ses tours" du dissident Vladimir Boukovsky. "L'archipel du Goulag" (lu en grande partie il y a si longtemps) viendra peut-être ensuite.
Bonne semaine à tous.