La maturité rebondie et pétulante de la série croise les thèmes de gags déjà mis en exploitation : Bière de Papa Talon / insécurité (511). Ne pas contrarier Papa Talon dans son addiction à la bière (414).
Achille Talon ne peut se départir de sa fatuité bien assise (croit-il), et de son rôle de donneur de leçons où son Ego déborde et reçoit quelques chocs en retour (464). Ses lubies, sportives ou autres, l’exposent à quelques avanies (476, 457). Si son Ego est localisé dans son bide, nul doute qu’il sache l’entretenir, même en dormant (485). Ce qui explique sa tentative de perdre du poids (496).
Papa Talon prend de l’importance (c’est de famille, surtout au niveau nombril), et on le découvre facétieux au point de monter des machinations pour se payer une pinte de bon sang (488) : on n’est pas loin de Pim Pam Poum.
Virgule est, décidément, de ce haut monde-petit-doigt-en-l’air qui n’est pas accessible au premier venu ; si Talon est maintenant reconnu comme son chevalier servant officiel, elle apprend à ses dépens qu’une mésalliance douloureuse peut être psychologique avant d’être sociale (492). La galerie de caricatures de gens-comme-il-faut, dans ce gag, vaut la peine, surtout par contraste avec la chute. Et Achille rate de peu les prévenances attendues d’un vrai gentilhomme, faute de prendre ses renseignements (497).
Lefuneste joue le rôle du faire-valoir, même dans le subconscient de Talon (482, 446).
Vincent Poursan vend définitivement tout et n’importe quoi, et roule son monde à coups de baratins calculés (435, 349). Il faut dire que si Talon n’avait pas d’argent à claquer, il ne lui arriverait rien. Le commerçant est spécialiste du rassemblement de ses répliques autour d’une même famille sémiologique (435, 455).
Goscinny, curieux comme un DRH, teste, avec un certain succès, les sentiments de Talon à son égard (472) ; et malheur au Talon qui refuserait les propositions commerciales d’un représentant de commerce appartenant à sa famille (478) ! Colérique, le petit-rédacteur-en-chef, même devant les caméras (493) !
Le monde change, et pas forcément en bien : Greg met en scène d’absurdes inversions de valeurs populaires (417). IAchille essaie un chauffage électrique au sol (420), et se fait piéger dans la correspondance envoyée à « Polite » par un énorme ordinateur (censé, à l’époque, pouvoir tout deviner...) (484). La banalisation de l’usage de la drogue est toujours évoquée (457).
L’abondance verbale de Talon, et son érudition souvent fantaisiste mais bien observée, donnent une énergie puissante à cette série, par la densité d’effets comiques qu’elle peut conférer à des situations d’attente, où la tension monte sans que l’action n’avance beaucoup. L’énergie greguienne se déploie avec jubilation dans le dynamisme arrondi du dessin, et l’exagération explosive des moyens utilisés par les personnages pour parvenir à leurs fins.
Talon est entré dans les mœurs, et le lecteur de « Pilote » en recevait hebdomadairement sa ration d’énergie nécessaire à surmonter les effets de la crise, qui n’a jamais vraiment cessé depuis 1974. Jusqu’au jour où ladite crise va toucher « Pilote » lui-même...