Il s'agit du premier tome d'une série de 4, indépendants les uns des autres. Il est paru initialement en 2006, entièrement réalisé par Arthur de Pins, scénario, gags, dessins, mise en couleurs. Ce créateur est également l'auteur des séries Zombillénium et La marche du crabe.


Ce tome est un recueil de 44 gags en 1 page au parfum érotique. Il met en scène un personnage appelé Athur que le lecteur peut ou non prendre comme un avatar papier de l'auteur. Arthur se retrouve dans des situations à caractère sexuel où il n'est pas toujours à son avantage. Pour commencer, il informe ses amis, un par un au fur et à mesure qu'il les croise, qu'il a une nouvelle copine et ils lui donnent tous un conseil différent pour la première nuit, autant de conseils irrémédiablement incompatibles entre eux. Dans le deuxième gag, il effectue une course à pied et gagne à la photo de fin grâce à l'élan donné par une spectatrice exhibitionniste.


De page en page, le lecteur peut assister à une nuit d'amour au cours de laquelle Arthur s'endort au grand dam de sa compagne d'un soir, à un boulot de maintenance pour les cabines d'essayage d'un magasin de sous-vêtements féminins, à l'indécision quant à s'offrir une passe avec une prostituée, au comportement étrange d'un personnage en peluche dans un parc d'attraction. Arthur se comporte parfois aussi en frustré, à harceler une femme en la suivant, à rêver d'une relation avec une passante, alors qu'il est attablé avec sa copine en train de lui parler, à fantasmer sur la femme en train de mener son entretien d'embauche, à tenter d'intéresser sa copine en se traçant un sudoku sur le ventre. Bien souvent, il se retrouve dans la position du loser, pas à la hauteur, lâché, humilié, et même dans la position du partenaire attaché sur un lit aux mains d'une dominatrice avec de l'expérience.


Ces histoires sont initialement parues dans le magazine Fluide Glacial, et cet album est paru dans la collection Fluide-G dont l'appellation évoque le fameux point Gräfenberg (aussi connu sous le nom de point G). Effectivement chaque gag se tient sur fond de relation sexuelle, soit évoquée, soit explicite. Arthur de Pins représente les corps dénudés, aussi bien masculin que féminin, sans hypocrisie, c’est-à-dire en montrant également les organes génitaux (seins, sexe), mais sans gros plan sur eux, sans cuisses largement écartées, sans sexe en érection, et sans gros plan sur la pénétration. D'un point de vue visuel, il s'agit donc plus d'un ouvrage à ranger dans la catégorie érotisme.


Dès la couverture, le lecteur comprend que l'approche graphique de l'artiste n'est pas celle du photoréalisme. Arthur est représenté avec une tête beaucoup plus grosse que la normale. Il se produit un étrange phénomène visuel parce que ce mode de représentation évoque celui de l'enfance, où les bambins ont tendance à dessiner des têtes plus grosses que le corps, donnant plus d'importance aux émotions et à la personnalité qu'au reste du corps. Cette impression est encore accentuée par les yeux qui occupent souvent plus d'un tiers du visage, à nouveau pour renforcer les émotions.


Une fois cette approche acceptée, le lecteur se rend compte que cette manière de dessiner en exagérant la proportion de la tête a pour effet de déplacer le point focal des dessins vers les individus, reléguant finalement leurs activités au second plan, y compris les rapports sexuels. C'est une façon très originale de s'éloigner des habitudes des BD érotiques ou même pornographiques, souvent obnubilées par la perfection esthétique des corps et la performance physique, voire recourant systématiquement aux clichés de sexes masculins d'une taille telle qu'ils ne rentrent pas dans le slip, et par des tailles de bonnets de soutien-gorge qui conduisent à des douleurs dorsales de par leur poids et le déplacement du centre de gravité.


Effectivement, en découvrant les gags, le lecteur constate également qu'Arthur de Pins montre une prédilection pour une certaine morphologie féminine. Il ne semble pas obsédé par les poitrines, mais ses personnages féminins disposent bien de rondeurs très agréables à la vue. En fait elles apparaissent même potelées, avec des petits bras dodus, des cuisses très arrondies et un postérieur confortable (comme en atteste le dessin de couverture). Ce mode de représentation est indéniablement sexué, avec des seins formés, mais il évoque également une forme d'enfance, ou d'innocence. Le lecteur n'a pas l'impression de lire des fantasmes pédophiles, mais il se produit une forme de distanciation, et de dédramatisation. Cela induit que ces gags ne donnent jamais l'impression d'être malsains ou de mettre en scène des rapports de force sous-jacents dans lesquelles les femmes pourraient être assimilées à des victimes. Il n'y a pas de fantasme de domination, il n'y a pas d'affrontement. Le plus souvent ce sont les femmes qui tiennent la dragée haute à Arthur, qui ont la position dominante. Lorsque l'une d'elles se retrouve dans une position d'humiliation potentielle (une dame montrant ses fesses à cause d'un poisson d'avril collé qui lui remonte le bas de sa robe), le lecteur n'y voit que le gag visuel, sans volonté de dégrader l'individu.


Le lecteur s'immerge donc dans des gags de nature érotique, décomplexés et bon enfant. En outre la nudité féminine apparaît dans 22 gags sur 44, c’est-à-dire que ce n'est pas un dispositif systématique pour être sûr de retenir l'attention du lecteur mâle. Le plaisir des yeux n'est pas non plus réduit uniquement à celui lié à la nudité. Arthur de Pins est un artiste complet et le reste des images s'avère tout aussi intéressant. Au fil de ces pages, il représente de nombreux décors, toujours avec cette approche un peu acidulée, mais ce qui ne l'empêche pas de créer des endroits pleinement développés et concrets : tables dans différents bars et cafés, quelques lits, des cabines d'essayage, un trottoir avec une devanture fermée par un rideau métallique, des bureaux de travail, des immeubles parisiens, une scène de théâtre, une télécabine pendant la saison de ski, une salle de sport, une plage naturiste, un chemin de randonnée en pleine montagne, un parc où se déroule un cours de taï-chi, etc. Le lecteur peut également apprécier la diversité des tenues vestimentaires, la mise en couleurs acidulées, ou encore le travail de réflexion sur la façon de simplifier les formes sans perdre de leur pouvoir d'évocation (à nouveau une composante qui peut évoquer des illustrations pour enfant, mais avec une densité d'informations visuelles s'adressant à des adultes).


Le premier gag repose sur l'idée de la performance sexuelle, mais il ne s'agit pas d'une performance d'ordre athlétique, plutôt d'ordre psychologique. Arthur se demande comment s'y prendre cette première nuit. L'auteur utilise à plusieurs reprises le thème de l'insécurité masculine (légitime) pour faire rire. Il utilise également la manière dont les individus mâles pensent parfois avec ce qu'ils ont entre leurs jambes plutôt qu'avec leur vrai cerveau. Cela conduit Arthur à se fourrer dans des situations dont il ne ressort pas grandi. Ces gags mettent en avant la naïveté du mec, donnant ainsi le beau rôle à la nana. La situation est présentée de manière à mettre en évidence la bêtise du comportement d'Arthur, sans cruauté consciente de la part de sa copine du moment. De temps à autre, il arrive qu'Arthur soit à même de formuler une réflexion qui le mette à son avantage dans la relation, mais c'est loin d'être la majorité.


L'intégralité des gags repose sur l'éventualité ou la réalité d'une relation sexuelle entre Arthur et une belle demoiselle. Il s'agit de situations frivoles qui ne sous-entendent pas d'engament à moyen ou long terme. Systématiquement Arthur est attiré par le physique d'une femme, il n'est quasiment jamais question de la personnalité de l'un ou l'autre des 2 partenaires. La tonalité est à la gaudriole, pas à la comédie dramatique. Les histoires sont racontées du point de vue d'Arthur qui est le personnage récurrent, apparaissant dans toutes les pages. Cela n'empêche pas que ces dames aient une personnalité et qu'elles puissent prendre des initiatives, et régulièrement l'ascendant sur Arthur. Le thème central est donc celui de l'attraction physique qui conduit à des flirts plus ou moins heureux et à des aventures d'une nuit qui se passent plus ou moins bien.


Ce premier tome (sur 4) propose une approche du comique érotique tout à fait rafraîchissante. Arthur de Pins a choisi une approche graphique à l'opposé de la production habituelle, donnant un air mignon et inoffensif à ses personnages, ce qui dédramatise les relations et évite de tomber dans le racolage vulgaire et les anatomies stéréotypées. Il se tient également à l'écart de toute velléité dramatique, pour rester dans un registre humoristique léger et coquin. Les gags sont irrésistibles, avec une forme de gentillesse et de prévenance à l'opposé du sentiment de frustration ou de grossièreté qui peut être associé avec la galipette.

Presence
9
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le 24 févr. 2019

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