Première époque (1914-1915) - Mattéo, tome 1 par belzaran
Lors d’un passage à Bruxelles, j’avais eu la chance de tomber sur une exposition consacrée aux planches de Jean-Pierre Gibrat. J’étais alors tombé follement amoureux du trait de ce dessinateur et de ses planches en couleur directe. Plus que ça, c’est sa façon de dessiner des femmes qui m’avait simplement subjugué. Hélas, mes premières découvertes en bande-dessinée de cet auteur m’avaient déçues : je trouvais les scénarii bien légers et peu passionnants. Prenant mon courage à deux mains, je tentais de nouveau le coup avec « Mattéo », un diptyque se passant lors de la première guerre mondiale. Le premier tome, sous-titré « première époque : 1914-1915 », commence alors que la guerre va démarrer. Le tout est publié chez Futuropolis et pèse pas moins de 64 pages.
Mattéo est un jeune espagnol vivant en France, près de la frontière, avec sa mère. Son anarchiste de père a disparu depuis des années, sans que l’on sache trop s’il a fui ou s’il est mort. Alors que la guerre commence, Mattéo a la chance de ne pas partir au front comme la plupart des jeunes hommes du village. Mais après le soulagement, voilà que la culpabilité l’accable. Une culpabilité que la jolie Juliette attise d’autant plus… Si bien que Mattéo va finir par craquer et s’engager, découvrant alors l’horreur du front.
Guerre et jolie fille. Voilà le B.a.-ba de Jean-Pierre Gibrat ! Voilà donc notre pauvre Mattéo (pas foncièrement sympathique cependant, il faut bien l’avouer) au front pour essayer de reconquérir Juliette. Gibrat semble à la fois obsédé par les deux guerres mondiales et par l’influence que peut avoir une femme sur un homme… Il montre le mâle comme un jouet entre les mains d’une femme, faible et prêt à tout pour elle… Et ce n’est même pas par romantisme particulièrement…
Pour ma part, j’ai particulièrement apprécié la partie dans les tranchées. Le trait de Gibrat rend parfaitement la dureté des combats et de la vie. Les poilus ont de vraies gueules et les émotions sont au rendez-vous. A côté, les amourettes du village paraissent bien fades. Au final, l’album est plutôt dense et prenante. Je regrette que les ouvrages de Gibrat soient un peu bavards. C’est le cas ici, mais on se prend au jeu.
Le trait de Gibrat vaut le coup à lui seul. Les planches sont splendides, aussi bien dans les scènes intimistes que dans l’enfer des tranchées. En cela, c’est un véritable chef-d’œuvre graphique. Et que dire de ces femmes qu’il croque à merveille ! Si bien que l’on comprend bien que Mattéo ait du mal à leur résister. L’encrage léger (au crayon, visiblement) donne d’autant plus de force à la couleur directe. Simplement magnifique.
Au final, ce « Mattéo » se lit avec plaisir. Subjugué par le dessin, je n’en ai pas moins apprécié l’histoire qui peint des portraits de personnages tous plus maltraités les uns que les autres. Et arriver à nous faire croire que l’on peut s’engager dans les tranchées pour conquérir une fille, n’est-ce pas déjà un exploit ?