Ayroles doit maintenant équilibrer le sérieux et la facétie afin que la série conserve de la substance, et ne soit pas un simple enchaînement de bouffonneries, même agréables. De fait, les cruautés du réel sont rappelées sous l'espèce de l'agonie lamentable du malheureux chevalier Huon des Escrosses, imprudente victime de l'idéal courtois, qui s'est lancé dans un combat sans espoir contre l'ogre. C'est la première fois qu'il y a du vrai sang et un vrai mort autre que parmi la piétaille.

Donc, on rigole, mais aux moments désignés. Pas sûr que Garulfo ait apprécié le vigoureux coup de marteau sur les doigts que lui assène la gouvernante de la princesse Héphylie. Garulfo tombe vraiment, du haut de toute la tour, et en toute logique, il devrait se trouver super écrabouillé en se recevant mal. Ayroles (planche 2) le tire de là en le faisant rebondir sur la cape du roi tirée vers l'arrière (vachement fort, faut croire) par des pages, et Garulfo retombe en une élégante posture de gymnastique artistique. On y croit comme on peut, mais là, ça a du mal à passer.

Maïorana profite de cette chute pour nous refaire une planche 1 sur le modèle de son homologue du thème précédent : image unique montrant la tour et les remparts dans toute leur hauteur, et découpée en vignettes. La beauté un peu uniforme du rouge des murs mangés de lierre forme un contraste intéressant avec les bannières et étendards multicolores posés sur les murs.

La princesse Héphylie, décidément sortie de son état de pétasse maniérée, endosse jusqu'au bout son personnage de ravissante et lumineuse princesse, à deux doigts de se révolter contre les ordres stricts de sa gouvernante. Voir la planche 14 pour apprécier la métamorphose.

On apprécie les conciliabules de droit canon auxquels se livrent les prélats locaux pour décider si Garulfo remplit les conditions pour être admis au bénéfice de l'asile dans la cathédrale (planches 5 à 8). La parodie des moeurs télévisuelles lors du tournoi est assez drôle également (planche 28).

Si le Petit Poucet cherche à devenir gentilhomme, il est mal tombé : son chevalier de patron est un couard ravi d'être débarrassé de la corvée d'avoir à participer au tournoi. Les héros de contes doivent songer à leur avenir, eux aussi...

Le dit tournoi est la clé du récit : les gags s'enchaînent (foule exigeante sur la qualité du spectacle, roi affolé de n'avoir pas de combattants, complicité de Garulfo et de Romuald pour triompher lors des combats). Ayroles remet une couche de féérie peu crédible en faisant aider Garulfo par un cheval qui parle, comme dans les contes. Bien commode, la féérie, pour éviter au bon moment de faire éparpiller le gentil benêt.

Le couple Garulfo-Romuald, inséparable comme le Bien et le Mal, se resserre à travers des moments forts : Garulfo incendie la grenouille insolente en lui disant clairement son fait (joli vocabulaire planche 16), mais une véritable rivalité amoureuse se dessine entre les deux compères, alors que Garulfo ne cherche qu'à obtenir un bisou qui le rendra à sa mare. On appréciera d'ailleurs que la scène sous le balcon d'Héphylie évoque nettement celle de Cyrano : le benêt gentil se fait dicter ses paroles de charme par le plus malin des deux, qui n'en tire aucun profit spécial...

Maïorana continue à explorer son XVe siècle cossu au moyen de maisons à nombreux étages croisillonnées de colombages en réseaux denses. Le plus étonnant de sa recherche architecturale est certainement cette cathédrale atypique, à quatre contreforts de façade très saillants (ce qui n'est pas commun), épaulant deux tours se terminant vers le haut non pas en flèches conventionnelles à pans coupés, mais par une plate-forme débordante (ce qui n'est pas commun non plus) portant six pinacles fragiles qui semblent contreforter par des arcs-boutants une maigre flèche centrale. Vu leur diamètre, ils ne contrefortent rien du tout, évidemment. (planches 4 et 5).

Les chamarrures abondent dans ce milieu aristocratique en train de faire la fête : vêtements, oriflammes, écus, bannières... La gaieté lumineuse des couleurs continue à enchanter le regard. Vraiment soigné !
khorsabad
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le 5 janv. 2013

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