Ça commence bien. C’est en tout cas ce que l’on dit usuellement lorsque tout débute mal. Et ce chantier branlant s’entame bien mal.


L’enchaînement des premières pages du chapitre d’introduction est fouillis au point d’être incompréhensible au regard du sens et de la logique strictement élémentaire tel que peut l'entendre un cerveau fonctionnel. L’auteur balbutie, bégaye, saute du coq à l’âne puis saute le coq et l’âne en quelques dizaines de pages, mêlant à peu près de tout sauf du concret afin d’entamer un récit parti sur ce qui ressemble très franchement à un faux départ.


Du Bôsôzoku de la fin décennie 1990, ça prend drôlement à Tôru Fujisawa, autant pour ce qui est des grimaces potaches – ici perpétrées sans contextes – que pour ce qui est du dessin strict. Un style indéfini, bâtard, sans réelle marque de fabrique propre à un dessinateur particulier, qui évoluera en plus pour le pire afin de n’être juste bon qu’à nous mettre sous les yeux des loubards aux airs de minet. À voir tous ces caïds aux joues roses, on se dit qu’il est loin Taison.


Au menu, des sous-vêtements féminins exposés si abondamment qu’on se demande pourquoi La Redoute édite à présent son catalogue en noir et blanc. Ces demoiselles, pour la plupart, n’étant alors guère plus que des cruches bonnes à remplir ; mais avec ce sens de la pudeur somme toute japonais, où l’on vante la pureté de la jouvencelle sans se priver toutefois de la dénuder le plus possible, à commencer lorsque la situation s’y prête le moins.


La narration est bancale, mal amenée, à ne pas dire les choses clairement et à ne pas savoir se servir de ses protagonistes pour leur donner la juste réplique. Tout y apparaît inconsistant et confus au possible, là où notre lecture, considération faite de la simplicité de l’intrigue, devrait en principe être limpide. Que vous appréciiez ou non l’œuvre, vous ne pourrez décidément pas vous satisfaire de son chapitre initiatique.


« Tu es un sorcier, Harry. »

« Pardon ? »

« Ah oui… on est au Japon, au temps pour moi. Tu es un ESP, Eiji. »

« Ouais. Là, ça me parle mieux »


Une petite conne d’inspecteur de police, sans qu’on sache vraiment pourquoi, est rencardée sur les gens capables de lire dans les esprits, en trouve un par hasard en la personne d’un loubard et, sans en référer à ses supérieurs ou même chercher à avoir la preuve que Eiji lit bien dans les pensées… le mobilise pour une enquête entourant un mystérieux et inintéressant tueur en série. Ah, ces flics qui embauchent des mineurs sur un coup de tête pour des affaires criminelles aux retentissements nationaux… comme tout cela est si crédible.


Les tournants de l’enquête, inutilement prolongée, seront exagérément dramatiques, pour émuler les polars américains de l’époque. Tout ce qu’on y lit ici, avec ou sans lecture psychométrique des événements, a déjà été vu ailleurs.


Mœbius est très vite retrouvé – pas pour s’occuper du dessin, hélas, la suite de l’histoire n’étant alors plus qu’une succession d’enquêtes du même ordre, sans inventivité aucune. C’est du Detective Conan format ESP, sans rien ayant trait aux astuces ; la logique alors tronquée au profit de confrontation avec le criminel et le héros qui, parce qu’il est un lycéen motard, est aussi un grand bagarreur n’hésitant pas à pourfendre les tueurs en série à mains nues.


Eiji est un Ryo Saeba priapique, croisé Eikichi Onizuka, alternant baston, psychométrie et reluquage immature. À moins d’être en phase de puberté incontrôlée, on lit difficilement Psychometrer Eiji sans soupirer de consternation, tout notamment devant ces « gags » eichi dont vous aurez déjà fait une indigestion en un tome de temps.

À lire cette énième resucée de ce qui avait déjà été digéré et décomposé, on se dit que City Hunter aura fait de bien vilaines émules après sa parution. On aura beau me rajouter le volet fantastique de la lecture des esprits, et détourner l’intrigue en direction de tueurs en série, apparemment en effectifs pléthoriques au Japon, ce que lis ici, et pas de gaieté de cœur, n’est qu’une des des infinies métastases du polar Shônen ; un genre qui ne m’avait par ailleurs jamais franchement intéressé pour commencer.


Le coupable étant toujours découvert le plus facilement du monde, parfois même par pur hasard si on y regarde à deux fois, le lecteur s’obstine à enfiler des enquêtes qui n’en sont pas afin que la résolution, tombant à point nommé du point de vue de la narration, puisse avoir lieu avant de relancer la machine à foutaises. Les arcs, de là, se suivent et se ressemblent inlassablement ; la seule lassitude permise incombant alors au lecteur.


Il faudra attendre presque la moitié de l’œuvre pouvoir surgir un deuxième Psychometrer ; celui-ci n’étant pas du côté des gentils, attention. Nous revivons les grandes heures de Death Note lorsque Kira découvre le propriétaire d’un deuxième carnet.

Ou bien allons-nous, avec Ikushima, avoir lieu à un de ces antagonismes faussement intelligents pour que tout, à l’arrivée, se règle à la mandale.


Imaginez-lui une fin à ce manga, n’importe laquelle, à commencer par la plus fainéante d’entre elles ; vous lui trouverez une conclusion sans doute plus originale et inattendue que ce qui vous viendra. On juge de la pertinence du parcours à la destination atteinte ; quelque chose d’aussi plat et convenu, lorsque cela nous saute à la gueule en un chapitre de fin, nous démontre l’inanité de ce qu’avait, d’un bout à l’autre, été le récit de Psychometrer Eiji. On s’y sera ennuyé tout du long, sans jamais être surpris en bien ou même en mal, épuisé que chaque arc soit couru d’avance. Oui, j’en ai deviné des résolutions de ces intrigues… peut-être suis-je moi aussi un Psychometrer. À moins que je n’ai suffisamment écopé de ces immondices pour les caractériser dans tous les aspects, même en ayant les yeux fermés.

Josselin-B
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Josselin Bigaut

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