Punk Rock Jesus
7.6
Punk Rock Jesus

Comics de Sean Murphy (2012)

Nul n’est prophète en son pays. L’Américain Sean Murphy en a fait l’expérience en voyant deux de ses comics mieux traités en France qu’aux Etats-Unis. En publiant en simultanée dans une parution soignée sa première œuvre indépendante, Off Road, et son dernier graphic novel, Punk Rock Jesus, les éditions Urban Comics permettent de voir le chemin, tant personnel qu’artistique, parcouru en une dizaine d’années par cette figure montante du comics indé.

Secoué par le tour que prend la campagne pour la réélection de George W. Bush en 2003, l’idée d’une BD d’anticipation pointant la dérive de la religion aux Etats-Unis s’esquisse dans l’esprit de Murphy. D’autant que ce «fervent catholique» vient lui-même de rejeter sa foi. Mais, incapable de formaliser les choses, Sean Murphy suit les conseils d’un ami scénariste et laisse décanter le récit qui deviendra, dix années plus tard, Punk Rock Jesus.

Il se recentre alors sur Off Road, l’histoire plus simple et autobiographique d’une virée avortée entre copains, après que leur jeep s’est retrouvée noyée au milieu d’un étang. La sortie estivale tourne à la foire d’empoigne et les trois potes de lycées, incapables de s’extirper de là, finissent par régler de vieux différends. Le noir et blanc, clair, est assuré mais assez immature, Murphy lorgnant du côté du manga. Ce style cartoony et nimbé de lumière permet de contrebalancer la noirceur du propos et désamorce tout le côté plombant que pourrait prendre le récit de cette fin des illusions adolescentes.

Off Road rencontre un petit succès critique, mais il faut attendre encore près d’une dizaine d’années pour que Sean Murphy se sente suffisamment sûr de lui pour reprendre l’écriture de Punk Rock Jesus. Conforté dans son idée par l’émergence des Tea Parties et de personnalités comme Sarah Palin, il met en scène une Amérique hypnotisée par la naissance d’un nouveau messie, clone créée pour les besoins d’une émission de télé-réalité. Nourri au bon grain du créationnisme, le jeune Chris ne tarde pas à se rebeller et vire keupon.

Critique des médias autant que de la religion, ce récit d’anticipation est servi par toute la classe du dessin d’un Sean Murphy arrivé à maturité. Le trait se fait anguleux, nerveux. La simplicité et le dénuement du style de Off Road permettait de se concentrer sur les émotions. Le New-Yorkais ajoute à ce savoir-faire une minutie d’enlumineur, servi par une composition ultra-dynamique qui permet aux pages de ne pas crouler sous le poids des détails.
Marius
7
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Vertigo est au comics ce que HBO fut à la télé et Les meilleures BD de 2012

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le 29 sept. 2013

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Marius

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