Encore une fois fruit de la collaboration de Franquin et de Greg, même si cet album signera la fin définitive de cette collaboration du fait qu'André n'en fait qu'à sa tête et que Greg doit réécrire sans cesse le scénario, QRN sur Bretzelburg est sans aucun doute la plus grande réussite de Franquin avec le diptyque Zorglub sur la série Spirou et Fantasio.
Pourtant, l'accouchement de l'album ne s'est pas fait sans douleur, puisque la publication dans le beau journal de Spirou a du s'interrompre pour cause de dépression nerveuse carabinée suivi de deux hépatites d'André Franquin.
Au départ Franquin voulait réutiliser à nouveau Zorglub, mais Dupuis, met son véto, car Zorglub " fait peur aux enfants" (oui, c'était une autre époque!), résultat, il pédale un peu dans la semoule au niveau de son histoire, et Greg vient à sa rescousse avec cette idée de radio amateur, de roi retenu contre son gré, et de marsupilami faisant des parasites.
Lors de la reprise de la publication, lorsqu'il se sentira mieux, Franquin s'occupera de tout, et Greg se désintéressera de tout. Pour la sortie de l'album, Franquin remontera d'ailleurs toutes les planches et la chronologie du récit pour le résultat que nous connaissons aujourd'hui.
Continuant sur la lancée de L'Ombre du Z où on pouvait voir un Zorglub se transformer en publicitaire machiavélique manipulant les foules, Franquin utilise bien entendu à nouveau une dictature qui parait, jusque dans l'accent employé, très inspirée d'une réalité historique tristement récente pour parler à nouveau de manipulation et d'experts en communication qui utilisent la faiblesse du gouvernement d'une nation, et de son roi pour le transformer en un régime autoritaire, déclencher un conflit avec son voisin et transformer celui-ci également en dictature afin, à travers une vente d'arme qui est en soi également une arnaque, de s'en foutre plein les poches.
La mise à jour de cette manipulation à grande échelle est assez noire et assez bien vue d'un point de vue géopolitique pour une BD destinée à la jeunesse. Le récit parle également littéralement de torture avec le fameux docteur Kilikil qui rappellera les tortures psychologiques (en contournant la censure) qui sont à la mode au cours de ces années soixante, entre autre en Algérie.
Mais même si le propos est assez sombre, et la dénonciation d'à qui profite le crime de guerre assez juste, Franquin n'en oublie jamais de s'amuser avec ses personnages, et de nombreuses scènes sont géniales, comme entre autre ce combat se muant en partie de tennis en double ou la poursuite de Spip par un berger allemand. Le dessin de Franquin est comme toujours fabuleux dans sa capacité à donner l'illusion du mouvement.
QRN sur Bretzelburg est un album foncièrement pacifiste, anti-militariste, dénonçant les arnaques des lobbys de tous bords qui cherchent à monter les peuples et les gens les uns contre les autres pour en tirer profit, et on y voit poindre la rage qui s'exprimera dans toute sa force chez Franquin dans ses futures Idées noires.
Un des trois meilleurs album de Spirou et Fantasio de l'ère Franquin voire de la BD franco-belge de l'époque.