Le second tome est plus marrant que le premier. D'abord, on voyage plus, ce qui renouvelle les occasions de frictions et de gags en présence d'étrangers. Surtout, le rythme de la narration laisse le temps de digérer les actions et les intentions cachées avant de les faire savourer en mettant en scène des réactions inattendues.
Le glissement, plus ou moins prompt, de scènes réalistes, voire copiées-collées sur le réel historique (voir le scrupule avec lequel les discours débattant de l'opportunité de la future guerre d'Irak sont retranscrits, avec l'indication des coupures pratiquées) vers des scènes de farce ou d'amplification fantasmatique est judicieusement pesé.
L'action en elle-même est sans grande surprise : après avoir construit un diptyque qui fait monter en neige les débordements politico-culturels de Dominique de Villepin, on ne pouvait moins faire que de présenter le morceau de bravoure qui a rendu célèbre son auteur : le discours d'opposition à l'unilatéralisme des Etats-Unis dans l'initiative de la guerre d'Irak.
Les riffs qui donnent de l'originalité à ce second tome sont attachés à différents personnages :
Arthur Vlaminck fait une fixation sur les chaussures hyper-cirées avec lesquelles les siennes ne peuvent rivaliser; son téléphone portable qui braille "Seek and Destroy" de Metallica, évidemment au moment où il faut faire preuve de discrétion... Son goût pour le rock va d'ailleurs le remettre en selle alors qu'il remettait sa démission.
Taillard de Worms, tout à ses inspirations culturelles, se métamorphose en Minotaure furieux à l'occasion. Il a tendance à faire des infidélités à Héraclite pour se rapprocher de Démocrite. Il aura peut-être atteint l'âge de la retraite quand il aura usé tous les présocratiques. Au Club Med en Colombie, sa nouvelle lubie est l'esprit de "Frontière".
Taillard de Worms est allergique aux poils de chat, sachez-le pour penser à des gags. Il n'aime pas les poignées de main broyeuses des Russes, ne veut pas féliciter un Africain pour son nouveau caïman. Il faut le voir en short, dégoulinant de transpiration après son jogging, négocier une résolution de l'O.N.U. dans son bureau. Très bon passage aussi, quand il exige un Airbus pour un déplacement et se voit contraint de se contenter d'un Falcon. On se rend compte qu'il joue de son importance politique pour emmerder son monde autant que possible avec son langage caustique et fleuri. Les vannes qu'il envoie à ses collaborateurs sont délectables et fréquentes.
Le gag des grandes confidences entre puissants de ce monde devant un urinoir est intéressant. Et, très drôle aussi, la négociation en espagnol avec un partenaire russe devant un staff qui n'y comprend rien.
Les réactions corporelles et gestuelles des personnages, fort bien rendues avec beaucoup d'expressivité, valent bien les meilleurs dialogues.
On rencontre George Walker Bush et Silvio Berlusconi. Le Secrétaire d'Etat des Etats-Unis à la Défense, Jeffrey Cole, apporte un peu de calme et de professionnalisme amical dans les nuées des emportements brouillons et passionnés de Taillard de Worms.
Sur le plan documentaire, outre le rendu des négociations relatives à la guerre d'Irak, (où l'on voit le facteur humain jouer à plein), on ressent la difficulté d'être diplomate : amadouer un diplomate étranger dans un dossier alors qu'on est en crise avec son pays sur un autre dossier.
On se demande, au finale, comment tant d'agitation et passion parviennent à déboucher sur des prises de position cohérentes et intelligibles dans le domaine de la diplomatie.
Drôle et bien enlevé.