Quai d’Orsay : L’Intégrale, c’est un peu comme un bon dîner d’ambassade : élégant en façade, mais avec des coulisses où tout le monde court dans tous les sens, un plateau de petits-fours à la main. Antonin Baudry, alias Abel Lanzac, et Christophe Blain nous invitent dans l’arène politique du ministère des Affaires étrangères, où les mots et les égos s’affrontent à coup de punchlines et de post-it.
L’histoire nous plonge dans le quotidien de la machine diplomatique française à travers les yeux d’Arthur Vlaminck, jeune chargé de rédiger les discours du ministre Alexandre Taillard de Vorms. Inspiré de Dominique de Villepin, ce dernier est un ouragan verbal et gestuel, mélange de poésie grandiloquente et de sautes d’humeur absurdes. Si la satire est mordante, elle n’en est pas moins affectueuse, montrant à la fois l’absurdité et la grandeur du jeu diplomatique.
Visuellement, Christophe Blain est en roue libre, dans le meilleur sens du terme. Son trait nerveux et dynamique donne vie à des personnages dont les expressions oscillent entre l’hilarité et l’exaspération. Taillard de Vorms, en particulier, est une tornade de cases déstructurées, chacune capturant son énergie démesurée. Les scènes dans le bureau du ministre, où les feuilles volent au rythme de ses éclats de voix, sont un régal visuel.
Le scénario, signé Baudry, ancien conseiller au Quai d’Orsay, regorge d’anecdotes délicieusement absurdes mais terriblement vraisemblables. Entre crises internationales et querelles internes dignes d’une sitcom, le récit oscille entre réalisme grinçant et comédie de situation. Les dialogues, souvent survoltés, sont aussi drôles qu’intelligents, avec une pointe d’ironie bien française.
Cependant, cette immersion dans le tumulte diplomatique peut parfois paraître répétitive. Les intrigues secondaires, bien qu’amusantes, manquent parfois de tension dramatique, et l’accumulation de gags, aussi brillants soient-ils, peut donner l’impression que l’histoire patine légèrement. On rit beaucoup, mais on aurait aimé un peu plus de progression narrative pour équilibrer.
En résumé : Quai d’Orsay : L’Intégrale est une satire brillante et hilarante de la diplomatie française, portée par des personnages hauts en couleur et un dessin qui respire la vivacité. Une lecture qui fait sourire, réfléchir, et parfois lever les yeux au ciel face à l’absurde beauté du chaos bureaucratique. À lire d’une traite, de préférence avec une citation de Héraclite en tête et un courant d’air dans le dos.