Ce tome contient une histoire complète qui suppose d'avoir lu la première saison de la série Black Hammer pour comprendre les enjeux, et pour apprécier les révélations contenues. Il contient les 6 épisodes de la minisérie, ainsi que les 12 pages d'introduction parues dans le Free Comic Book Day (FCBD) 2018, initialement parus en 2018, écrit par Jeff Lemire (le créateur de la série mère), dessinés et encrés par Wilfredo Torres, avec une mise en couleurs réalisée par Dave Stewart. Les couvertures ont été réalisées par Torres, et les couvertures alternatives par Christian Ward, Andrew MacLean, Marco Rudy, Brendan McCarthy, Tula Lotay, Jeff Lemire.


FCBD 2018 - 100 ans dans le futur, à Spiral City, le superhéros Archive arrive au quartier général de la Ligue Quantique, à bord de sa voiture volante. Il salue le superhéros Mechanos en train de réparer sa navette. Il pénètre à l'intérieur et salue les superhéros Glue Girl, Fireball, Gravitus et Stratum. Il pénètre dans son laboratoire et allume un écran où s'affichent les fiches des superhéros du vingtième siècle : Abraham Slam, Golden Gail, Barbalien, Colonel Weird, Madame Dragonfly, Black Hammer. Il s'interroge sur leur mystérieuse disparition lors de leur combat contre Anti-God, alors que Black Hammer lui assénait le coup de grâce. Il quitte son écran pour aller participer aux auditions pour le recrutement de nouveaux membres : Cosmo Girl, Erb. C'est à ce moment-là qu'apparaît une jeune femme en costume jaune déclarant s'appeler Hammer Lass. Elle porte le marteau de Black Hammer. 125 ans dans le futur à Spiral City, un jeune homme marche dans la rue, alors que le couvre-feu est en vigueur. Il achète une information confidentielle à un revendeur clandestin et poursuit sa route. Il est arrêté par la police qui vérifie que ses papiers sont bien en règle, au nom de Trev Trevz. Lors d'un deuxième contrôle, il est identifié comme un extraterrestre clandestin et doit s'enfuir.


25 ans plutôt, Archive supervise les interventions de plusieurs groupes de la Ligue Quantique, quand Hammer Lass (Lyndda) vient lui rendre visite dans sa salle d'observation. Ils échangent un baiser fougueux. Ils sont interrompus par un message d'alerte : un superhéros les avertit d'une invasion martienne en cours de réalisation, à l'encontre de la Terre. Au temps présent du récit, Trev Trevz a trouvé refuge dans un bar, où l'unique client harcèle la barista pour avoir encore un verre. Trev Trevz s'adresse à la barista en lui indiquant à voix basse qu'il connaît son secret : elle est Hammer Lass. Lynda l'entraîne à l'arrière et lui somme de s'expliquer : il lui révèle qu'il est un martien. Elle se souvient des dernières heures de la Ligue Quantique, lorsque ses superhéros se battaient à Spiral City, pour repousser l'invasion martienne. Elle se souvient de l'intervention désespérée d'Archive pour y mettre fin avec le minimum de perte en vies humaines possible.


La série Black Hammer a débuté à l'été 2016 et lentement mais sûrement Jeff Lemire étend sa surface de couverture thématique par le biais de miniséries dérivées. La première minisérie Sherlock Frankenstein Volume 1: From the World of Black Hammer (dessinée par David Rubín) permettait d'introduire un nouveau personnage : Lucy Weber. La seconde Doctor Star & The Kingdom of Lost Tomorrows: From the World of Black Hammer (dessinée par Max Fiumara) constitue un hommage extraordinaire à James Robinson et sa série Starman. Il ne faut pas longtemps au lecteur pour comprendre que la présente minisérie constitue un hommage à Legion of Super-Heroes, une équipe de superhéros DC existant au troisième millénaire. Le scénariste a décidé de situer son action plus tôt, seulement 125 ans dans le futur, mais le lecteur retrouve tout de suite la notion de quartier général, la pléthore de superhéros aux pouvoirs plus ou moins impressionnants, et aux noms très typés (avec Lass, ou Lad). Au cours de l'histoire, il apparait également un ennemi dont l'apparence évoque fortement Time Trapper, un ennemi récurrent de la Légion des Super-Héros. Pourtant cet hommage ne se fait pas envahissant, et reste même très secondaire, passant à l'arrière-plan dès l'épisode 2, pour ne plus être évoqué par la suite.


Du coup, le lecteur se rend compte qu'il ne sait finalement pas trop à quel genre d'histoire s'attendre. Il découvre petit à petit que la Terre est gouvernée par une dictature dont un ancien superhéros de la Ligue Quantique est à la tête, et qu'il implémente un programme politique xénophobe, fondé sur l'asservissement et l'annihilation de toutes les races extraterrestres. L'enjeu devient alors pour un duo de superhéros qui n'a pas abandonné espoir, de renverser le tyran, en essayant de convaincre 3 ou 4 autres superhéros de se joindre à eux. Alors que le lecteur s'attend à un récit secondaire présentant une importance toute relative par rapport à la série mère, il constate que Back Hammer est présent dans une nouvelle incarnation, et que Trev Trevz est issue de la même race de martiens que Barbalien. Plus il progresse dans le récit, plus de nouveaux liens très forts et très directs apparaissent avec la série mère, à la fois des personnages de premier plan ou leur descendant, à la fois la Ferme. En fait, il tombe même au détour d'une conversation sur la nature réelle de la Ferme, entièrement explicitée. C'est vraiment très inattendu que le mystère de la première saison de la série soit ainsi dévoilé. Le lecteur se rend compte que loin d'une simple histoire avec quelques apparitions anecdotiques des personnages principaux et basée sur un personnage secondaire, il s'agit d'une histoire avec une incidence forte sur la série principale.


Pour cette minisérie, Jeff Lemire a fait appel à un autre dessinateur que Dean Ormston : Wilfredo Torres, artiste ayant déjà travaillé avec lui pour l'un des 4 fils narratifs de la série Moon Knight (avec Greg Smallwood, Francesco Francavilla et James Stokoe), avec Mark Millar pour Jupiter's Circle, ou encore avec Matt Wagner pour The Shadow: Year One. Avec l'introduction parue dans le FCBD 2018, le lecteur découvre des dessins très, très propre eux, très proche de la ligne claire en ce qui concerne le détourage des formes, à la seule exception de quelques petits traits secs dans les formes pour marquer la pliure des habits. Par contre, Dave Stewart ne se cantonne pas à des aplats unis de couleur, jouant de manière limitée sur les nuances pour ajouter un peu de relief, et souligner les volumes. Pour les 6 épisodes, Wilfredo Torres s'éloigne un peu de la ligne claire, avec plus de traits de texture et de légères variations sur l'épaisseur des traits de contour, revenant à une apparence plus traditionnelle pour des comics, tout en conservant cette impression de propreté, mais sans plus cette impression que tout est lisse et poli. Le lecteur découvre donc un monde futuriste avec les rues de Spiral City propres et droites, les locaux aseptisés de la Ligue Quantique, le vaisseau spatial aérodynamique et sans trace d'usure de Modula, ou encore la salle de réunion de Gravik, bien rangée et fonctionnelle. Très étrangement, c'est finalement la planète artificielle gérée par une intelligence artificielle qui apparaît usée et irrégulière.


La Légion des Super-Héros a accueilli en son sein des dizaines de membres, aux pouvoirs et aux apparences très étranges, voire décalées. Wilfredo Torres (avec l'imagination de Jeff Lemire) fait honneur à cette tradition avec des personnages surprenants aux costumes bariolés, sans se limiter à décalquer ceux de la Légion, avec une sensibilité spécifique. Les principaux personnages sont présents sur plus de cases, et acquièrent plus d'épaisseur que ce soit Modula avec sa clope et son infirmité, Barbali-Teen et sa jeunesse, Erb et sa ressemblance avec un trilobite flottant, ou Archive et son cerveau apparent. Le lecteur prend conscience que la narration visuelle est la fois claire et dense, l'artiste s'impliquant pour donner à voir les personnages comme les différents environnements. Il en découle une science-fiction sachant concilier une saveur naïve (ce n'est pas une vision d'un futur plausible) et des informations visuelles, tant sur les personnages, les lieux et les actions. Au fil des séquences, le dessinateur impression par sa capacité à donner corps à des éléments très hétérogènes tout en conservant une cohérence visuelle impeccable : l'apparence des personnages déjà connus avec celle des nouveaux, les costumes des superhéros avec les tenues des civils, l'apparence artificielle d'Archive avec des postures très humaines, l'aspect immuable de l'intelligence artificielle mère avec une forme d'expressivité. En lisant, tout semble évident, alors qu'il s'agit d'un amalgame de conventions de nombreux genres différents.


Au début, le lecteur peut s'agacer de la structure du récit oscillant du temps présent à 125 ans dans le futur au temps passé à 100 ans dans le futur, avec un systématisme plus artificiel qu'organique. Ensuite il doit se rendre à l'évidence que l'histoire ne se situe pas tant dans l'hommage, que dans un développement direct de la série mère, avec des anciens personnages et quelques nouveaux. Puis il se rend compte qu'il s'agit d'une histoire très classique d'une poignée de rebelles souhaitant mettre fin au règne du tyran, tout en constatant qu'il s'agit aussi de l'histoire de la relation entre Archive et Hammer Lass, mais tout autant de celle d'Archive. Jeff Lemire met en scène avec une sensibilité épatante la séparation d'Archive d'avec l'intelligence artificielle à l'échelle d'une planète, qui remplit les fonctions de mère pour lui, évoquant la volonté d'indépendance d'un individu par rapport à un autre qui est tout pour lui, dont il a conscience d'être une partie. L'affrontement final contre le despote tyrannique et xénophobe a bien lieu sous forme d'un combat physique avec superpouvoir, mais avec un dénouement original reposant sur des conventions de science-fiction et plus de superhéros.


Après l'histoire émouvante de Doctor Star et son hommage parfait à James Robinson, le lecteur s'attend à découvrir un nouvel hommage identifiant immédiatement les caractéristiques de la Légion des Super-Héros. Il découvre un récit d'une autre nature, avec des dessins plus fournis que ne le laisse supposer leur apparence, et un scénario plus nourri que l'intrigue de rebelles contre un tyran. Par contre ce récit n'est pas autonome et ne prend toute sa saveur que pour ceux ayant lu la première saison de Black Hammer.

Presence
9
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le 4 avr. 2020

Critique lue 88 fois

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