Mattéo est une série de bande-dessiné en cinq tomes écrit et dessiné par le talentueux Jean-Pierre Gibrat, qui retrace l'histoire totalement fictive d'une jeune héros du nom de Mattéo (oui, avec un accent sur le "e"), un jeune Français Catalan habitant de Collioure, ville balnéaire proche de Perpignan, mais d'origine Espagnole (cela a son importance car le héros va et vient entre la France et L’Espagne).
Ce jeune héros aura la chance (ou pas) de vivre différents événements majeurs du début du 20ème siècle, tous en rapport avec la guerre et/ou avec des mouvements sociaux de gauche.


Ainsi, le premier tome nous parle de son enrôlement dans l'armée française pendant la 1ere guerre mondiale, le 2ème tome amène le héros à fuir en Russie et à vivre la révolution de 1917, le 3ème tome fait un bond de 18 ans en avant et parle du front populaire et des premiers congés payés, et le 4ème tome, qui nous intéresse donc, nous parle de la guerre d'Espagne.


La continuité entre les tomes peut paraitre un petit peu tirée par les cheveux dans la mesure où il est très improbable qu'une seule et même personne ait vécu tous ces événements là.
Peu importe, c'est la magie de la fiction, non seulement le héros fait office de fil conducteur et en plus il ne semble pas ou peu vieillir (même si c'est bien le cas).
Il est une figure romantique et hédoniste, attiré par les femmes et la boisson, mais c'est aussi un idéaliste, toujours prêt à se battre pour ses convictions de gauchiste.
Ici donc, le héros se retrouve à combattre les nationalistes franquistes aux cotés des gauchistes républicains.
Sans être un chef-d’œuvre de narration, Gibrat, avec cette série, met en scène une époque de grand changement et donne vie à certains événements qu'on n'a peu vu au cinéma ou à la télé, si on exclue le premier tome centré sur les tranchées.


Car c'est véritablement ici que ce situe l’intérêt de cette série, Jean-Pierre Gibrat est un excellent dessinateur et chacun de ses dessins semblent vivants. On a comme le désir de plonger dans les images qui, malgré la gravité des évènements mis en scène (à part les congés payés du tome 3), émanent une certaine douceur, une certaine joie-de-vivre, voire même une nostalgie...
Et il semblerait qu'avec ce tome 4, Gibrat ait compris où se situe son immense talent car on a droit à une mise en page plus graphique et imposante qu'avant. C'est à dire que beaucoup de dessin prenne l’entièreté de la page, les cases sont plus imposantes d'une manière générale et les bulles sont moins présentes qu'avant.

Cela ne veut pas dire que les bulles de l'auteur ne sont pas désirables, loin de là, mais malgré tout cette radicalisation de son style fait du bien, car il propose ici quelque chose de plus atmosphérique, qui fait la part belle au soleil de cette Espagne, qui avant de connaitre des décennies franquiste, bouillonnait d'espoir pour l'avenir.


Si l'on devait définir son style en quelques mots, on est sur quelque chose d'assez réaliste, les paysages et les corps semblent bien proportionnés avec toutefois un peu petit quelque chose de drôle, de clownesque dans les visages, qui nous rappelle qu'on est en train de lire une BD.
Les couleurs sont faites à l'aquarelle et sont d'une grande beauté. Gibrat arrive à la fois à proposer quelque chose de très travaillé tout en gardant l'aspect "accidentel" de l'aquarelle, c'est à dire que les aplats de couleur ne sont jamais uniformes, on y retrouve toujours des taches ici et là, des débordements... Auquel vient se rajouter un encrage qui ne gommera pas tout à fait le crayonné original, un peu comme si l'artiste souhaitait laisser une trace de cette étape, souvent considérer comme intermédiaire et donc négligeable.
Il est donc très émouvant ici de tourner la page et de se retrouver surpris par un de ses dessins prenant l’entièreté de la page, à l'instar d'un tableau.


Vous l'aurez compris, ce tome 4 de la série Mattéo fait la part belle à ce que Gibrat sait faire de mieux, dessiner et peindre à l'aquarelle, et le résultat est magnifique.

FelixMarret
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le 6 avr. 2021

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Felix Marret

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D'autres avis sur Quatrième époque (août-septembre 1936) - Mattéo, tome 4

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