Ce tome fait suite à Planète en flammes (épisodes 1 à 6) et il contient les épisodes 7 à 12, soit la fin de la série.
Ces aventures reprennent le même dispositif que dans le premier tome : une organisation civile de 1.001 personnes appelée Golbal Frequency (GF en abrégé) qui intervient pour régler des situations extraordinaires que les autorités normales ne savent pas gérer. Le lecteur retrouve les 2 personnages qui servent d'ancre à la série (Miranda Zero qui dirige GF, et Aleph l'opératrice qui assure le lien entre les membres de l'organisation). Il découvre également de nouveaux agents de GF au fil des missions. Dans ce tome, GF intervient pour protéger des hauts dignitaires des services secrets anglais, allemands et russes. Puis Miranda Zero est détenue en otage par des individus souhaitant démanteler GF. Ensuite un agent assez particulier est contraint par Aleph à reprendre du service pour évacuer un hôpital pratiquant des traitements expérimentaux. Je vous laisse la surprise des 3 autres histoires.
Le premier tome regorgeait de concepts surnaturels et de science-fiction passés à la moulinette créatrice de Warren Ellis. La question qui se pose tout naturellement est de savoir si ce scénariste est capable de maintenir un tel jaillissement d'idées sur le deuxième tome. Réponse : les doigts dans le nez. Encore une fois, chaque histoire tient en 1 épisode, sans autre lien avec les autres que le principe même des interventions de GF. Ce type d'écriture exige une concision rigoureuse (chaque page est comptée) et des concepts forts rapidement expliqués. Warren Ellis excelle dans cet exercice. Alors bien sûr, chaque lecteur aura ses histoires préférées et celles qui lui parlent moins. Sur les 6 présentes ici, il y en a 2 qui m'ont moins intéressé : une que j'ai trouvée un peu facile et une autre où le concept (la force par la douleur) ne m'a pas convaincu. Pour le reste, Ellis se déchaîne avec les risques biologiques liés une technologie toujours plus complexe et puissante, toujours difficile à maîtriser, mais avec des risques augmentant exponentiellement. Il a recours à quelques concepts qui font appel à des notions de physiques qui me dépassent. Ce qui est plus inattendu et très savoureux, c'est qu'il trouve l'espace nécessaire pour développer plusieurs personnages dont Aleph et Miranda Zero. L'attitude de cette dernière face à son kidnappeur apparaît parfaitement cohérente avec la fonction qu'elle occupe tout en prenant le lecteur par surprise.
Comme dans le premier tome, chacun des épisodes est illustré par une personne différente. Simon Bisley fait un travail honnête avec une belle case de tête qui explose, et un agent menaçant avec une hache ; pour le reste c'est efficace et maîtrisé comme l'exige le découpage au millimètre du scénario. Chris Sprouse illustre la séquestration de Miranda Zero. Il a légèrement densifié son encrage par rapport aux aventures de Tom Strong et le résultat est d'une fluidité exceptionnelle. Le personnage de Miranda devient aussi séduisant que dangereux, les scènes d'action sont crédibles et tous les agents qui participent aux recherches disposent d'une identité visuelle spécifique. Lee Bermejo illustre le troisième épisode dans son style aisément reconnaissable utilisé pour Joker et Lex Luthor. Il s'agit d'un style très réaliste qui transcrit avec détails les horreurs que découvre l'agent dans l'hôpital. Tomm Coker porte la lourde responsabilité de mettre en images une longue scène de combat de 17 pages. Il construit des cases avec une forte densité d'à-plats de noir. Le résultat plonge le lecteur dans des locaux relativement confinés, en mettant en valeur les coups et les blessures. Ce dernier élément est atteint en dosant savamment les détails montrés et ceux sous-entendus dans ces zones noires. Il s'acquitte bien de sa tâche, même si ce scénario m'a paru un peu moins dense. L'épisode consacré à Aleph est illustré par Jason Pearson, plus connu pour son mariage entre des éléments cartoony et une violence sèche, comme dans Il faut sauver le soldat Wilson ou Body Bags. Pour cet épisode, il a eu la présence d'esprit de gommer toutes les touches cartoony afin d'accentuer le réalisme de ses illustrations. Le résultat est très efficace qu'il s'agisse des cènes d'actions ou des scènes de dialogue. Cette adaptation de son style lui permet de s'intégrer sans dénoter parmi le reste des dessinateurs. Le tome se termine sur un épisode magnifique illustré par Gene Ha, surtout connu pour sa collaboration avec Alan Moore dans The Forty-Niners. Il dessine des cases de toute beauté. Gene Ha est le seul à oser illustrer le scénario compact de Warren Ellis, sans rien sacrifier d'une ambition visuelle. Son savoir faire lui permet de faire honneur au scénario en lui laissant le premier rôle, tout en réalisant une mise en scène inoubliable. Aucun des 11 autres dessinateurs (en prenant en compte le premier tome) n'a su aussi bien transcrire l'atmosphère visuelle des interventions d'Aleph. Chaque scène bénéficie de son camaïeu de couleurs propres, de ses détails de décors qui les rendent crédibles, de ses personnages qui s'impriment dans la rétine. C'est magnifique et Ellis est sommet de son art car il aborde un thème qui lui est cher : l'espace.
Avec l'aide d'illustrateurs expérimentés et doués, Warren Ellis entraîne son lecteur dans une suite de missions originales à haut risque, avec à chaque fois une dimension sociale ou politique de bon niveau. Qui plus est, Ellis transpose admirablement bien la notion de réseau développé sur la base des nouvelles technologies de l'information et de la communication, en bandes dessinées.