Après 31 volumes, Slam Dunk parachevait son incroyable épopée au sein du basket lycéen par son héros cloué en convalescence. Il devait alors, quittant les rivages de l'adolescence, entamer sa propre odyssée mais pour un tel personnage cela ne semblait n'être qu'une épreuve de plus facilement surmontable. Est-ce à partir de là que l'idée de Real a germé dans l'esprit d'Inoue ? Ce manga est pour lui une véritable bouffée d'air frais entre deux chapites de Vagabond. Il en profite pour revenir à un trait plus classique et plus sec, celui de Slam Dunk ayant atteint sa pleine maturité quand Vagabond lorgne clairement plus du côté de la peinture.
Real dépeint le quotidien de jeunes tous un peu cassés, physiquement et/ou psychiquement et il leur faut se réparer, se ressouder et non pas se laisser couler. Ce thème était certes déjà présent comme préambule à son précédent manga ainsi que dans tout shonen/seinen qui se respecte mais ici la brisure physique est totale, définitive et loin d'être un point d'introduction artificiel aux personnages, ce qui rajoute une dimension tragique dont le socle ne peut être que le regret et l'amertume. Plus de longs matchs étalés sur plusieurs volumes où chaque chapitre se clôturait sur un flottement au suspense palpable, mais la vie en tranches quotidiennes entrecoupées de doutes, de renoncements et de flashbacks pour épaissir les protagonistes. Le basket n'est plus qu'un prétexte et non plus la colonne vertébrale du récit. Au final, il se rapproche du très mélancolique I'll de Hiroyuki Asada qui lui aussi prenait le basket pour avant tout parler de ses personnages esquintés. Quant à l'handicap il est traité sans fausse pudeur, sans pathos exacerbé, sans concessions et autre contraire de façon toute réaliste.
Real ne possède pas de véritable fil directeur, l'auteur lui-même sait-il où il va ? Cotoyer trois personnages en parallèle permet certes de traiter à la fois de l'effroyable mur psychologique qu'est la longue et lente rééducation de Hisanobu et de l'évolution de Kiyoharu dans le microcosme du handisport mais pose quelques problèmes de rythmes. Le troisième personnage central, Tomomi, corps flottant, semble servir de liant et d'exhausteur et fera sans doute la jonction nécessaire entre les deux autres destinées....Dans de longues années vu la cadence de parution rigoureusement asmathique.