Respecter les règles au minimum

Ce tome fait suite à REDNECK T02 (épisodes 7 à 12) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier pour comprendre l'historique des relations entre les personnages, ainsi que leurs motivations. Il comprend les épisodes 13 à 18, initialement parus en 2018, écrits par Donny Cates, dessinés et encrés par Lisando Estherren, et mis en couleurs par Dee Cunniffe.


Bartlett se souvient de l'année 1966, à Austin au Texas, quand il avait rencontré July Bell, une charmante rousse. Bartlett se limait les dents, et ils ne se voyaient qu'à la nuit tombée, ce qui lui permettait de lui cacher sa véritable nature. Apprenant qu'elle avait un cancer incurable, il avait décidé de la mordre et de la transformer. Elle en avait été horrifiée, et il avait fui prenant conscience de ce qu'il lui avait imposé sans son contentement. Au temps présent, Bartlett fuit dans le désert, avec Perry dans ses bras. Cette dernière est dans un état catatonique : elle ne parle plus, ni à haute voix, ni directement dans l'esprit de Bartlett. Ils sont au milieu de nulle part et le soleil se lève implacable, sans aucun abri à perte de vue. Bartlett sent qu'il va mourir bêtement comme ça, sans pouvoir sauver Perry. Il entend le bruit d'un gros véhicule qui s'avère être un blindé à roue. Le blindé s'arrête et il en sort deux individus en tenue noire, avec des casques. Il s'agit de JV et d'un autre vampire. Ce n'est pas aujourd'hui que les vautours mangeront à leur faim.


Dans une grande demeure avec un énorme terrain autour, Rebecca (Becca) & Winny, deux adolescents, sont en train de se regarder un film d'horreur avec des loups garous. Winny commence à fumer un petit pét, sous le regard désapprobateur de Becca qui en tire quand même une latte. Ils sont interrompus par un énorme bruit : un blindé vient d'éventrer la clôture de la propriété. Becca se précipite au fond du salon pour se saisir d'un fusil. Elle lance un revolver à Winny et elle se précipite à l'extérieur. Ils voient le blindé s'embourber dans une énorme pièce d'eau. Il émerge du blindé un individu nu avec du sang sur la peau. Il lève les bras en l'air et déclare abruptement : ne tirez pas, je suis un vampire. Étrangement, personne ne réagit, mais tout le monde continue de tenir en joue le nouveau venu. Cet instant est interrompu par l'arrivée d'un femme appelée Belly qui ordonne aux personnes présentes de baisser leurs armes. En effet s'il agit vraiment de vampires et qu'ils sont blessés, ils sont les bienvenus. Elle relève alors sa capuche et révèle son visage et sa belle chevelure rousse, tout en indiquant son nom.


Le lecteur était resté un peu sur sa faim avec le tome 2 : des vampires qui s'étripent entre eux, des rednecks caricaturaux, et des dessins un peu trop lâches pour pouvoir se projeter dans les différents environnements. Malgré tout, cette histoire de vampires a un petit goût différent qui peut donner envie d'y revenir. La première page présente une vue d'une rue d'Austin, pas très soignée en termes de détails descriptifs, mais avec une sensation tangible de milieu urbain. Quelques pages plus loin, le lecteur titube dans le désert aux côtés de Bartlett : il ressent la chaleur écrasante et l'absence totale de tout endroit où s'abriter. Il est impossible d'échapper au soleil. Alors que l'artiste continue à dessiner avec un degré de simplification significatif dans ses représentations, l'arrivée du blindé dans la mare est convaincante dans sa manière d'écraser une partie de la grille de clôture. Le lecteur se rend compte qu'il sourit en voyant une évocation d'une bataille avec des vikings, ou plusieurs personnages en train de danser dans une discothèque. Il sourit encore en voyant un couple dans son lit après l'amour, en vue de dessus, puis un deuxième. Il se sent ému en regardant une cérémonie de mariage. Il en retire l'impression que le scénariste a écrit des scènes plus variées que dans le tome 2 et que Etherren continue de dessiner avec une forme de décontraction qui ne rend pas ses cases plus précises, mais qui apporte une touche de légèreté à l'histoire.


La représentation des personnages présente également un degré de simplification auquel s'ajoutent des touches caricaturales. L'artiste aime bien donner des yeux ronds aux protagonistes, ainsi que des expressions de visages exagérées. Certaines formes de visage ne semblent pas naturelles, avec en plus de petits traits secs pas très précis pour y ajouter un peu de volume. Dans le même temps, les postures des personnages s'inscrivent dans un registre naturaliste, sans exagération comique. Cela donne une impression parfois un peu étrange, tiraillée entre des tronches marquées, et des gestes normaux. D'un autre côté, chaque personnage se reconnaît facilement, et le lecteur peut comprendre que ces vampires qui ont vécu au-delà de leur temps normal soient marqués par les décennies, voire les siècles. Au global, la narration visuelle semble mieux équilibrée dans ce tome que dans le précédent, les idiosyncrasies d'Estherren faisant plus sens. Il raconte l'histoire avec une forme légère d'exagération qui ne nuit pas pour autant à la tension dramatique. Il rend peut-être plus supportables les scènes les plus cruelles ou sadiques. Il s'en tient à des cases sagement rectangulaires, alignées en bande, ajustant leur nombre et leur taille en fonction de la séquence. C'est ainsi qu'il réalise 2 pages avec 16 cases chacune lors de l'évocation de brefs souvenirs. La mise en couleurs est professionnelle avec une utilisation discrète des nuances pour rehausser légèrement les volumes et les reliefs, et faire se détacher les différents plans. Dee Cunnife réalise un travail en phase avec les dessins, sans être mémorable.


Après le final explosif du tome précédent, le lecteur retrouve Bartlett et sa protégée dans une situation catastrophique, la mort approchant à grand pas. Le lecteur sait qu'il ne peut pas trop parier sur la suite, car le scénariste a introduit assez de personnages pour pouvoir en sacrifier plusieurs tout en continuant la série. Il sait aussi que la vie de ces vampires n'est pas un long fleuve tranquille et que des ennemis ancestraux ou nouveaux peuvent surgir à tout moment. Il se demande donc dans quel direction le scénariste va développer son récit. Il choisit de se focaliser sur ce qu'il reste du clan Bowman, et de montrer les conséquences de leurs actions, ainsi que de continuer à raconter la vie personnelle de plusieurs d'entre eux. Le barouf du tome précédent risque d'attirer l'attention, et les Bowman ont besoin de trouver un sanctuaire. Finalement, cela ne s'avère pas si difficile que ça, mais une surprise les attend. Le lecteur se rend compte qu'il a fini par s'attacher à Bartlett et qu'il est bien content d'en apprendre plus sur July Bell. Il voit bien également que Donny Cates a décidé de mettre de côté plusieurs autres personnages principaux, comme JV Bowman et Perry. Il n'est guère surpris quand il est question d'un parlement des vampires. Finalement il existe bien une organisation des vampires, avec des anciens qui s'assurent que certaines règles soient respectées. En cela, Cates ne fait pas preuve d'originalité, car c'est un dispositif présent dans de nombreuses sagas de vampires. La mise en scène de ce parlement est d'ailleurs assez squelettique, sans grand intérêt si ce n'est d'édicter une sanction pour ces Bowman trop remuants. En termes de folklore vampirique, la cérémonie de mariage est plus réussie et plus intéressante.


Donny Cates met à profit la liberté que lui donne le fait d'être propriétaire de ces personnages pour surprendre le lecteur avec un ou deux développements de l'intrigue qui n'auraient pas été possibles avec des personnages appartenant à DC ou Marvel. Il continue aussi de donner de la consistance aux personnages, essentiellement au travers de leur histoire personnelle. Pour commencer, le lecteur en apprend plus sur July Bell et sur l'histoire de sa relation avec William Bartlett. À cette occasion, le lecteur peut à nouveau se rendre compte que son empathie vis-à-vis de Bartlett croît progressivement et qu'il peut se retrouver dans certains de ses états d'esprit. Même si JV Bowman occupe moins le devant de la scène dans ce tome, pour lui aussi, le lecteur ressent de la sympathie et de l'empathie pour la situation dans laquelle il se retrouve face à Ingrid. Le scénariste le surprend avec une séquence consacrée à Greg et une autre à Seamus, leur conférant plus de personnalité au travers de leur relation amoureuse respective, dans une forme adulte sans être limitée à une relation sexuelle. La dernière séquence s'avère tout aussi touchante d'un point de vue émotionnel, et se termine pas une scène d'action tellement forte que le lecteur sait qu'il reviendra pour le tome suivant.


Après un tome 2 manquant de consistance pour les personnages, le lecteur revient quand même passer un moment avec ces vampires aux mœurs un peu rustres. Il se rend vite compte que les auteurs ont amélioré leur narration que ce soit pour la diversité du scénario ou pour la capacité des dessins à montrer ce qui se passe. Du coup, le lecteur se rappelle qu'il avait commencé à développer un peu plus que le minimum d'empathie pour les personnages, et que Donny Cates passe à un nouveau chapitre dans son récit, plus intriguant, peut-être rassuré par sa capacité vivre de son écriture, du fait de son succès sur des séries Marvel en parallèle.

Presence
8
Écrit par

Créée

le 11 avr. 2020

Critique lue 44 fois

Presence

Écrit par

Critique lue 44 fois

Du même critique

La Nuit
Presence
9

Viscéral, expérience de lecture totale

Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, initialement publiée en 1976, après une sérialisation dans le mensuel Rock & Folk. Elle a été entièrement réalisée par Philippe Druillet, scénario,...

le 9 févr. 2019

10 j'aime