Ring circus - Intégrale par Sejy
Je n'ai plus ni la force, ni l'envie d'écrire, aussi est venu pour moi le temps de coucher sur le papier les trois lettres qui mettront un terme à ce récit.... Cette ultime pensée d'Anthonin le narrateur, clôture du quatrième et dernier opus de la série, en sonne également le glas. C'est un dernier sentiment de frustration qui s'ajoute à une somme de petites déconvenues. J'aurais tant voulu adorer Ring Circus et dégainer sans coup férir un « dix étoiles » tellement j'aime le trait de Cyril Pedrosa. Mais j'ai beau essayer de me convaincre du contraire, il faut se rendre à l'évidence : le traitement du scénario et sa fin en eau de boudin m'ont quelque peu déçu.
L'aventure romanesque est un genre doublement compliqué. Tout en essayant d'instaurer un souffle épique, il faut en même temps retranscrire la puissance des émotions et des rapports humains. À mon goût, l'oeuvre pêche un chouia dans les deux domaines avec essentiellement la même cause. J'ai la sensation qu'à chaque germe d'inspiration, Chauvel s'arrête aux trois quarts du chemin sans jamais totalement le cultiver. Malgré toutes les bonnes idées, on se laisse embarquer dans la destinée de ce petit cirque ambulant aussi fréquemment que l'on en décroche, avec ce désagréable petit arrière-goût de « pas assez ».
Il n'y a pas vraiment de mauvais, mais plutôt une succession d'excellentes mises en bouche qui ne trouvent pas toujours leur finalité. Les péripéties et les intrigues s'avèrent d'abord surprenantes et captivantes, mais trop vite closes ou pistes inachevées, elles se montrent en définitive plus souvent frustrantes. Les personnages sont attachants et ils piquent véritablement la curiosité, pourtant la relative brièveté, voire l'absence de révélations ou d'explications sur leur vie et leur passé laisse le lecteur sur sa faim. L'approche dans les sentiments est subtile et sonne juste, mais elle mériterait certainement encore plus de profondeur et l'on s'interroge parfois sur les véritables aspirations des protagonistes. Et puis cette composante magie/fantastique. Si elle se révéle stimulante en apportant son lot de mystère elle n'en demeure pas moins irritante par son vide de réponses. Quant aux scènes d'affrontement, de forfaiture ou de bataille (en particulier la révolution), elles n'affichent pas parfaitement toute la force dramatique qu'elles peuvent suggérer. En réalité, je crois que ce qui m'a le plus manqué, c'est la démesure. Plus de transcendance, de poésie, de passion, de violence, d'énergie, de flots de colère, de bruit et de fureur.
Il reste l'enchantement du graphisme. La plume originale et délicate de Pedrosa est magnifique. Les visages précis et anguleux laissent habilement transparaître le caractère de chacun des héros. Les lignes élancées apportent aux corps une élégance, voire une certaine noblesse et prodiguent pureté et authenticité aux décors. Peaufiné par une mise en couleurs chatoyante et assisté d'un découpage très cinématographique alternant intelligemment les plans en plongée, contre-plongée ou les panoramiques, ce dessin dégage un charme, un onirisme et une fantaisie qui contrastent à merveille avec la composante grave et invitent à l'immersion dans le récit. Un gros bémol toutefois en ce qui concerne la colorisation du dernier tome. Elle « dégrade » le trait en lui procurant un aspect cartoonesque en totale adéquation avec le propos.
À la fermeture du quatrième volume, tout m'amène à penser que je viens de lire le premier cycle d'une série très prometteuse. Malheureusement, c'est sans suite, et beaucoup de mes questionnements resteront sans éclaircissement. Quant à savoir s'il faut en conseiller la lecture, j'avoue que je suis bien embêté pour ne pas dire em...dé. Allez, c'est un « oui, mais ». Car à bien y réfléchir il y a tout de même pas mal de choses appréciables dans cette histoire, et surtout, il serait imbécile de priver ses mirettes du plaisir que nous offre Cyril Pedrosa.