Space flop ?
Démarrage cette semaine chez Rue de Sèvres, de Infinity 8, une série qui se veut comme un Space opéra dans un esprit pulp. Trondeheim en supervise le scénario et Vatine le dessin. Leur volonté est de...
le 8 oct. 2016
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Si vous vous intéressez un peu à la bd et qu’en plus vous trainez sur les réseaux sociaux, ça a du être difficile de passer à côté de Infinity 8, nouvelle série de Trondheim + Zep + Vatine + tout plein de gens…
Le moins qu’on puisse dire étant que l’éditeur, Rue de Sèvres, a mis les moyens pour avoir un casting alléchant pour le jeune vieux qui n’en veut de la bonne bd.
Commençons par ce qui est bien : la publication en fascicule.
En proposant une publication fasciculée, à l’américaine, aux dates de sorties très rapprochées d’un mois sur l’autre, l’éditeur joue une carte inédite dans la bd franco-belge, et ça fait bien plaisir, d’autant que les objet sont très chouettes.
Ça ne singe pas trop le comic et ça en garde les bons côtés, notamment des superbes couvertures par des guests de prestige, alors que l’intérieur est bien chiadé, avec un dessin qui fait bien le job signé Dominique Bertail pour les trois premiers opus, puis Vatine pour la série 2, alors que sont annoncés quelques autres cadors tels Olivier Balez, Boulet, Trystram ou De Felici.
On nous ajoute aussi quelques petit bonus, fausses pubs, jeux et fanarts qui font plaisir, il faut l’avouer. C’est de la page à pas cher, mais le lecteur appréciera.
Le concept proposé est le suivant : au cours d’une croisière intergalactique, le vaisseau Infinity 8 va croiser une Nécropole regroupant des macchabées de toutes les époques et de tout l’univers. L’originalité du récit consistant en ce que, tous les trois épisodes, l’histoire est re-bootée au moment de l’arrivée de l’infinity 8 pour éviter la séquence historique exposée une première fois.
On reconnaît ici l’intérêt de Trondheim pour les jeux formels scénaristiques. On prend les mêmes et on recommence, mais en changeant la donne. Les personnages principaux gardent en mémoire la séquence précédente pour progresser dans la compréhension de la situation. Indéniablement, sur le papier, c’est pas mal. Les gamers apprécieront la référence au « same player shoot again » avec un univers changeant. Bon, dans le genre, je conseille tout de même la lecture de l’excellent « All you need is kill », roman japonais, adapté en manga, puis au cinéma dans le (pas si pire) film avec Tom Cruise « Edge of Tommorow ».
Le scénario du premier Arc, signé Trondheim et Zep mélange aventure spatiale et romance… On suit l’agent Yoko Keren, qui cherche un géniteur pour sa matrice, obligé d’intervenir pour empêcher une horde d’extra terrestre nécrophages d’aller bouloter la nécropole et détruire le vaisseau…
La spécificité de ces nécrophages étant que, quand il boulotte un macchabée, il prennent la personnalité du défunt. L’un va bouffer un chef de guerre et mener l’attaque contre le vaisseau, l’autre un poète et va tenter de séduire Yoko Keren.
Bon, là, ce genre d’idée, ça sent à nouveau fort son Donjon, mais on ne peut pas reprocher à un auteur de s’auto-plagier. Même si… bon, en fait, il y a quand même des choses plus importantes à reprocher à cette histoire, alors on passera là-dessus rapidement.
Oui, parce que tout de même, si on lit rapidement l’histoire on va passer un « bon moment de détente » mais, si on se penche un peu sur ce que cette histoire raconte dans le fond, on passe un bon moment de ringardise.
Sous sa forme apparemment novatrice, Infinity 8 propose non seulement des vieilles recettes qu’on a beaucoup vu, mais surtout qui ont un petit goût rance au niveau des valeurs. Un truc que certain défendront comme un hommage-pastiche-clin d’œil aux bd des années 90, mais que moi je perçois surtout comme un gros pavé réac qui enfonce le clou.
L’héroïne est une humaine… Une blonde décolorée… Non allez, disons le, aux cheveux blanc…
Oh surprise, elle est méta-bonasse.
Original.
Oh suprise encore, elle est court vêtu. Décolleté plongeant et ventre à l’air, petit cul bien mis en valeur par une combinaison moulante.
On pourrait penser que c’est un choix de mode perso, mais non, en fait, tous les agents de sécurité sont habillées comme ça. Et sont tous des jeunes femmes de belles apparences. Ou des métas-balaises, mais eux, pas habillés court-vétus (tiens ?).
Ces agents de sécurité portent un petit calot, du même bleu que le reste de leur uniforme, ainsi qu’un petit col bleu autour du cou et… Wait ! Mais… ça me rappelle un truc… Mais oui, allons, une autre histoire de SF particulièrement « novatrice » elle aussi.
C’est l’uniforme des hôtesses de l’air dans le cinquième élément. Un film marquant d’un réalisateur bien connu pour son inventivité, Luc Besson. Un film qui empruntait beaucoup beaucoup (beaucoup) à Valérian, en ne s’en cachant pas, mais quand même…
Ho et dites donc, ces fameuses hôtesses de l’air ont AUSSI les cheveux blancs.
Sauf que attention, elles sont en jupe, là où notre héroïne est en pantalon. C’est plus pratique pour courir contre les méchants, on avouera. Bref, une référence d’un sexisme discutable à un film bof bof qui était lui même une repompé d’une série mythique de bande dessinée.
Mais on va dire que ce n’est qu’un détail.
Et au vu du reste, c’est pas faux, comme on dit.
Dès l’ouverture, notre héroïne Yoko Keren, cherche un reproducteur.
Pas l’amour, hein, juste un producteur de gamète pour l’engrosser. D’ailleurs, elle a des critères bien validistes comme il faut. Le mec ne doit pas avoir de défauts physique ni d’antécédents médicaux pour avoir la gloire de « donner les gouttes » à notre Lara Croft de l’espace.
Tous les mecs qui passent sont juste des morceaux de viande – usine à sperme sain. Ici, on sent venir qu’en fait, elle va trouver un peu l’amour… Mais, rassurez vous, elle n’évoluera pas sur le validisme de départ. C’est juste qu’on ajoutera un peu de sentiment sur l’idée de ne pas se reproduire avec des tarés comme les asthmatiques, les myopes, les dépressifs ou les roux.
Ouf donc, tout va bien.
Sauf si on est asthmatique ou dépressif, mais on s'en fout de vous les gars.
Donc au départ, Yoko Keren est en train de nous expliquer cette sympathique vision de la vie au bar, quand soudain, trois ivrognes excités, dont un grand noir (pardon, un grand taureau noir), menacent le barman.
Ni une ni deux, Yoko Keren, dont on sent qu’elle fait dans la finesse leur envoie une grosse décharge électrique dans la gueule, dans la grande lignée universelle du flic de proximité qui sait qu’un coup de matraque, c’est quand même moins fatiguant à utiliser qu’un dialogue pacificateur.
Pas de bol, le grand noir (je veux dire, le grand taureau noir, que je suis distrait) résiste à la décharge. Bon, Yoko Keren lui marave la gueule. Le lecteur comprend que c’est vraiment un personnage « bad ass » ; c’est comme ça qu’on appelle une héroïne forte et indépendante, parce qu’elle se comporte comme un homme.
parce que quoi de mieux qu’un homme, hein ?
A ce moment là, on appelle Yoko Keren sur son portable, faut qu’elle aille voir le capitaine, y a une urgence toussa…
Quand elle arrive, dans l’impressionnante salle de commandement (le capitaine est une sorte de mix entre un dragon aquatique et un smiley géant), elle se retrouve directement confronté à son supérieur hiérarchique immédiat (auquel on a eu l’amusante idée de donner le physique d’un auteur-éditeur bien connu dans la bd indépendante, ah ah, inside joke que les fans apprécieront) lequel ouvre tout de suite la discussion par du harcèlement sexuel des plus classiques, que notre héroïne prendra avec détachement et humour.
Oui, on a bien lu.
Le supérieur hiérarchique est un homme blanc dans sa quarantaine. Il fait des propositions sexuelles à sa subordonnée, en public, et celle-ci, qui vient tout de même de rosser un noir (un taureau noir, pardon) pour avoir cassé une bouteille, celle-ci donc laisse faire. Parce que « c’est pour rire » sans doute.
He ben le moins qu’on puisse dire, c’est que, dans l’avenir, les valeurs n’auront pas beaucoup progressé. D’ailleurs un petit coup d’œil dans la salle de commandement permet de remarquer au second plan que tout le haut commandement du vaisseau est certes mélangé d’extra terrestre, mais tous dépourvus d’attributs féminins.
Youpi.
Tout au long de l’aventure, ce supérieur hiérarchique, dont on apprend qu’il est alcoolique, continuera son harcèlement et ses sous-entendus à caractère sexuels, mais, rassurez vous, c’est pour rire, c’est LOL.
Car oui, voilà, cette série, c’est un hommage à l’époque lointaine où on faisait de la bd d’aventure sexiste pour les garçons, à savoir les années 90, époque où Zep et Trondheim faisait des choses quand même moins convenues.
Mais c’est vrai qu’il faut voir ça comme un revival de ces valeurs qui nous manquent tellement…
Ne nous appesantissons pas plus, et continuons l’aventure.
Alors voilà, le vaisseau approche de la nécropole de l’espace, l’agent Yoko Karen est envoyé voir ce qui s’y passe, les extra-terrestre nécrophages du vaisseau qui sont étonnamment nombreux viennent se rassasier...
(on se demande ce qu’il bouffaient avant, by the way)
… Et puis c’est la baston jusqu’à la fin.
Oui oui, à partir de là, l’histoire n’avance pas d’un poil, c’est juste course poursuite baston.
Là, j’en profite pour dire que le découpage est aussi une référence aux films actuels de super-héros : c’est à dire qu’on n’y comprend rien du tout, on a l’impression que ça a été fait par un débutant dans les années 80 (qui sera donc publié dans les années 90) parce que vraiment la lecture donne mal à la tête avec des champ contre-champ dessus-dessous que franchement, on regrette les flèches des bd des années 60, tu sais, celle qui t’indiquaient la bulle à lire après.
Si vous avez kiffé Iron-Man 3, vous allez adorer.
Petite nuance, tout de même, ce n’est pas QUE de la baston, il y aussi, rappelez vous, de la ROMANCE.
Eh oui… Et là aussi, on rénove la romance, puisque, tout de même, il y a l’extra-terrestre gentil qui fait de la drague « polie » (parce qu’il a mangé un poète) à notre héroïne bad-ass.
Héroïne qui à la fin, se fera quand même sauver la mise par le garçon.
Ah ben oui, hein, vous vous attendiez à quoi ?
Attendez, faut pas allez trop loin dans l’innovation : ok pour la fille costaud, à condition toutefois qu’elle se fasse sauver par le prince qui pourra lui mettre son trululu dans les ovaires.
Donc à la fin, nos deux tourtereaux ramènent la paix et, normalement il va y avoir du cul entre eux, qui sont heureusement sain de corps, et sans défaut apparent.
(à part un peu de nécrophagie pour monsieur, mais c’est culturel, on peut pas juger).
Donc, à la fin du troisième fascicule, la situation est reprise en main mais… on va rebooter le temps quand même.
HEIN ? Mais... On vient de ramener la situation au calme, y a plus que les sas à... Non on reboot quand même ? Ah bon ? Mais pourquoi ?
Tttt. On reboote, je te dis !
EDIT : je viens de me ré-infliger le tome 1 en fait, c'est expliqué c'est pour "ne pas perdre de temps sur notre trajet commercial"
C’est étrange, mais visiblement, comme c’est pour les besoins de la série, pas grave, on va le faire quand même.
C’est quand même un peu bizarre, parce que on a l'impression que les seuls trois personnes ont la mémoire de ce saut temporel, ce qui est un peu limite... Pourquoi aucun des autres ET pourtant impliqué n'a t'il gardé la mémoire de la chose... Visiblement parce que ce serait chiant pour l'histoire."""
Tout de même que c’est bien la peine de nous raconter une histoire si c’est pour la foutre à la poubelle à la fin ; d’autant qu’on apprend à peu près rien de cette expérience à la fin : on sait juste qu’on a rencontré une nécropole (ça c’est du sens de l’observation) et qu’il faut arrêter les nécrophages du début.
Ça rappelle un autre film avec Tom Cruise, tiens, Minority Report, où on arrête les criminels avant qu’ils commettent leur crime. Tiré d’une nouvelle de Philip K. DICK, ça posait des problèmes moraux qu’on ne se pose pas là, pourquoi faire ?
Attends eh, merde, on est dans une bd, c’est fun.
Qu’importe donc, continuons la série… Reboutons. Re-bootons pardon.
Bon, on a la sale impression que ce premier arc, outre son message progressif pour l’égalité sexuelle, n’a aucune importance pour la suite même si j’imagine tout de même que des passerelles entre les séries, à la Donjon, sont prévues.
Tout de même, visiblement, chaque arc n’est qu’une une variation sur le même thème imposé. Du coup, passons à la suite…
Le second thème, écrit par Trondheim seul, va nous parler de Nazi de l’espace…hum.
Des nazis dans l’espace…Oh my god, comme disent les ricains « Déjà Vu ? ».
"""
Bon pour le moment, seul le premier épisode est sorti, qui nous présente les nazis du futur comme des braves types. Audacieux… bon évidemment, comme on le disait déjà dans un film, je crois « Alors quoi, OSS 117 , c’est toujours les nazis les méchants ? On n’a le droit à une seconde chance ». On va même avoir à des juifs de l’espace.
Je vous rassure, ce ne sera pas une caricature de juif…
Ah si en fait. Putain, c’est costaud, les mecs ont peut de rien.
Voilà, pour le moment, je ne suis pas allé beaucoup plus loin, mais, de ce que je retiens de cette série, c’est que, franchement, ça aurait pu sortir dans les années 90, on aurait trouvé ça génial.
Sauf que voilà, ça sort en 2016, ça n’invente pas grand chose, entre hommage à des choses pas folles et auto-plagiat, en dehors du concept initial, c’est pas fort inventif au niveau narratif, et surtout surtout, ça véhicule du caca, avec une héroïne validiste et authentiquement soumise au patriarcat d’entreprise et la louange d’une police brutale de prévention carcérale.
Ça eut été parfait chez Delcourt-Soleil il y a quinze ans, mais chez Delcourt, heureusement, on semble être passé à autre chose.
J’ai hâte de lire les prochains qui seront, je pense, d’une grande inventivité et qui nous surprendrons par leur côté fun et convenu.
Je vous laisse je vais allez faire des avances à mon assistante.
LOL.
Créée
le 2 nov. 2016
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