Thématiquement, Sains et Saufs ?, dont le titre original Safety Behind Bars est explicite, fait peut-être passer ce qu’un comic destiné à une consommation de masse peut faire passer de plus paradoxal : la sécurité se trouve en prison. (Et on nous épargne toute référence externe à une société dans laquelle la vidéo-surveillance porte le nom de sécurité…) D’un point de vue strictement narratif, c’est une autre paire de manches. L’album se place sur deux terrains, prolonger l’exposition et proposer une intrigue indépendante.
Il est logique, une fois qu’il apparaît clairement que Walking Dead durera, de donner de l’épaisseur aux personnages, d’approfondir l’intrigue, de développer les thèmes – bref, d’étoffer un univers. Ici, rien ni personne n’évolue vraiment dans toute la première moitié de l’album : les anciens continuent de se méfier des nouvelles rencontres, les adultes de protéger les enfants, Lori d’être enceinte… À la rigueur, on aménage le refuge qu’on s’est trouvé, comme dans l’Île mystérieuse – et c’est tout.
Parallèlement, le drame qui se joue dans la prison a d’abord quelque chose de forcé, d’artificiel : la tension née de la présence des quatre nouveaux personnages passe sans transition du statut de menace à long terme à celui de danger mortel, comme si l’on avait manqué des épisodes entre la découverte des détenus et le meurtre des jumelles. En d’autres termes, il faut attendre la moitié du volume pour entrer dans le vif du sujet ; les planches véritablement marquantes de Sains et Saufs ? se trouvent toutes dans la seconde partie – voir ces pages 73, 86 ou 102 très réussies.
D’ailleurs, il faut bien ça pour rattraper des dialogues particulièrement ratés – c’est le reproche récurrent que j’adresserais à toute la série – : trop explicites, trop nombreux, trop creux et souvent artificiels. Prenez par exemple cette page 117, dans laquelle Rick demande à Allen, qui gardait Carl, Sophia et les jumeaux, de le laisser seul avec sa famille. La case suivante pourrait simplement montrer Allen quitter la cellule avec les enfants concernés, en silence. Or, Allen quitte la cellule avec les enfants concernés en déclarant : « Bien sûr, Rick. Venez, les enfants. La famille Grimes a besoin de discuter. » Autrement dit, tous les éléments de la réplique sont redondants par rapport aux informations livrées par le dessin, par le reste de la planche, ou simplement par la sagacité d’un lecteur moyen.
Critique du volume 2 ici, du 4 là.