Les putes et moi
Alors que la société traditionnelle japonaise est un monde où les rituels sont quotidiens, les maisons closes ne font pas figures d'exception. Sakuran est un manga exceptionnel, un one-shoot...
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le 10 janv. 2015
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Yoshiwara, un paradis pour les hommes de la ville de Edo, mais un véritable enfer pour les courtisanes qui y résidaient... C'est à cette maison close qu'est vendue Tomeki dès son plus jeune âge. D'une nature rebelle, la petite fille va gravir les échelons et devenir l'oiran la plus convoitée d'Edo...
J'ai toujours eu envie de connaître cette mangaka dans un autre genre que celui de Chocola et Vanilla, un genre plus adulte où j'avais souvent lu qu'elle excellait. Avec Sakuran, la mangaka nous offre un récit dur mais sensible malgré ses maladresses...
Dans un premier temps, on va suivre Tomeki dans son apprentissage et on va peu à peu la voir évoluer dans sa mentalité. Au fil du tome, la petite fille devient de plus en plus sure d'elle, plus résignée à son sort aussi. J'ai beaucoup aimé cette grosse introduction (qui fait bien la moitié du volume, voire plus) au monde des oirans. Et pour nous montrer cette hiérarchie au sein de la maison close, Moyoco Anno ne fait pas de cadeau à son héroïne. Du fait de sa langue bien pendue, Tomeki, qui prendra plus tard le nom de Kiyoha, subit de nombreuses punitions, pour chaque mot en trop et chaque tentative d'évasion. A la manière de l'héroïne, on comprend bien vite que c'est un enfer dont elle ne pourra jamais s'échapper. Son évolution est intéressante, bien qu'étant forte tête depuis le début, elle ne change pas tant sur ce fond là. Pourtant, bien qu'elle soit parfois difficile à comprendre, elle se montre souvent touchante et on en vient régulièrement à éprouver de la pitié à son égard.
La seconde partie va faire évoluer le scénario en même temps que son héroïne. En effet, elle qui croyait maîtriser parfaitement l'art de la séduction va se faire prendre à son propre piège et finalement tomber amoureuse. J'ai regretté la rapidité dans ses sentiments, mais si on oublie ce "détail", reste que plusieurs scènes sont bien amenées. Kiyoha va beaucoup évoluer, parfois devenir très enfantine au contact de Sojiro. Elle perd soudainement tout son petit caractère pour être finalement dévouée corps et âme à ce client mystérieux, ce qui lui vaudra les jalousies des autres courtisanes d'ailleurs. C'est peut-être dans ces moments là qu'elle est le plus touchante. Tout comme la jeune femme, je trouvais un peu de paix et d'espoir dans cette relation, qui tournait tout de même à l'obsession pour elle.
Autant dire que je me suis presque sentie trahie quand Kiyoha comprend que Sojiro n'a jamais rien éprouvé pour elle, qu'il ne voyait rien de plus en elle que la prostituée qu'elle était. Toutes ses paroles en l'air, ce semblant de bonheur qu'on avait pu entrapercevoir, tout rend la fin particulièrement cruelle. Certains ont été déçus, mais personnellement, je trouve que c'est un final dans le ton de ce que nous a présenté Moyoco Anno. Une happy end aurait même été décevante. Cela renforçait le caractère dramatique et assez dur de l'œuvre.
Le point le plus intéressant du one shot reste sans conteste la description de Kiyoha au fil du volume. Plus prostituée par lassitude, par perte de volonté de se battre que par obligation, elle est tour à tour faible et forte. C'est un peu difficile à expliquer, mais malgré tout le travail de l'auteure sur sa personnalité, j'ai trouvé qu'elle aurait mérité plus de développement. Je ne sais pas si je suis la seule dans ce cas, mais j'avais souvent du mal à la comprendre et il était difficile de totalement comprendre ses choix, de se mettre à sa place. Toutefois, elle parvient la majorité du temps à se montrer touchante et compatis bien souvent à ses peines. J'aurais donc aimé la découvrir encore plus, réellement la comprendre.
A côté de cela, il y a tout de même quelques points négatifs, la narration arrivant en tête. L'introduction particulièrement, est très maladroite et bien que cela ne partait pas d'une mauvaise idée à la base, a tendance à perdre le lecteur. De plus, Moyoco Anno oscille parfois avec peu de finesse entre l'humour et le tragique. Ce premier casse parfois le rythme très "dur" du one shot, certes, mais n'est pas toujours très bien amené. J’exagérerai en disant que c'est réellement gênant, mais c'est ce que j'ai remarqué.
Pour finir, le dessin est somptueux. On reconnait sans soucis le style de la mangaka dans cette oeuvre. Les traits sont fins, il y a du détail et les expressions sont très bien représentées. J'ajouterais que les kimonos sont vraiment magnifiques. De quoi faire fragiliser une folle des tenues de cette époque (comme moi) en tout cas. Mais comme beaucoup l'ont relevé, on s'y perd parfois entre toute les oirans et les clients, qui ont tendance à tous beaucoup se ressembler. Une lecture très attentive est donc vivement recommandée.
Malgré son ton tragique, je recommanderais la lecture de Sakuran. C'est une oeuvre touchante qui nous en apprend beaucoup sur les courtisanes de l'époque. Moyoco Anno nous livre ici un titre amer mais sensible et intelligent.
Créée
le 13 juin 2015
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