Enfant, la découverte de Samurai Deeper Kyo valait son pesant de cacahuètes : le dessin était stylé, les personnages étaient stylés, les rebondissements étaient stylés… notamment la révélation finale, elle-même gravement stylée. Mais tout stylé qu’il soit, le manga bénéficiait de l’indulgence d’un regard alors naïf, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui : le dessin est assez plat, les personnages sont archétypaux, les rebondissements sont téléphonés… et la fameuse révélation finale, tartinée à l’excès, n’en est pas vraiment une. Fichtre.
De fait, sa relecture se sera avérée proprement laborieuse : la faute à une profusion de dialogues venant commenter l’action, elle qui aurait pourtant mérité davantage de place pour correctement se déployer. À force de tout souligner et de littéralement sur-réagir, le manga d’Akimine Kamijō y aura perdu bien des plumes en termes de fluidité et narration. Néanmoins, là n’est pas le seul écueil du schmilblick, loin s’en faut : le cadre historique revendiqué ci et là, démarrant de la Bataille de Sekigahara et s’appropriant nombre de figures de l’époque, tient du décorum alléchant mais creux, l’auteure préférant broder un shonen s’enfonçant dans les travers du genre plutôt qu’en user astucieusement.
Peut-être faut-il y voir la marque d’une inexpérience relative, Samurai Deeper Kyo étant après tout le premier manga édité de la susnommée : il peut d’ailleurs se prévaloir d'un joli succès dans son registre. Cependant, force est de constater que le vernis historique ne relève que du prétexte, l’essence même de l’œuvre reposant sur des secrets gardés artificiellement sous silence et des power-up... tout aussi artificiels. À l’instar de l’art du sabre et de l’escrime s’effaçant au profit d’une magie omniprésente, l’intrigue progresse laborieusement à grands coups de techniques grandiloquentes, débauches de puissance surhumaine et pouvoir de la volonté/amitié.
Tête de proue d’une galerie pléthorique, Kyo aux yeux de démon n’a également de démon que le nom : Samurai Deeper Kyo entretient à ce titre un portrait sombre et craint de tous, sans que cela ne se traduise dans ses actes (si ce n’est le sort réservé aux crapules, mais cela va de soi). Ses acolytes multiplient pour leur part les belles paroles et objectifs contradictoires (Akira), si ce n’est que le gentillet Kyoshiro est celui qui détient la palme dans ce registre : le gap conséquent entre l’introduction et ses motivations finales nous fait sourire... de dépit. Un trait d’incohérence de toute façon commun aux Mibus dans leur ensemble, ou même concernant ce taquin de Yukimura Sanada.
Une expérience pénible en somme, dont la seule grâce serait l’humour (parfois) efficient et l’apport de rares personnages (Luciole) s’attachant notre sympathie. Il faut donc croire que le pouvoir de la nostalgie, contrairement à celui de l’amitié, a ses limites.