Long, très lon à démarrer, mais on sent le génie pointer le bout de son nez!
Depuis le temps que l’on me rabâche les oreilles avec Sandman, « Sandman c’est génial ! » « Tu dois lire Sandman ! » « T’as pas lu Sandman ? C’est scandaleux ! » « Mais tu attends quoi pour lire Sandman ? ». J’ai finalement sauté le pas. Bien au chaud sous ma couette, lumière tamisée, ma petite puce qui dort dans son berceau, blottis contre ma femme, j’étais fin prêt à faire ma première rencontre avec Sandman… avec Morphée… euh avec Rêve… bref avec lui.
1916, Angleterre. En quête d’immortalité, un mage du nom de Roderick Burgess, emprisonne par erreur le jeune frère de la Mort, Morphée, l’un des sept Infinis incarnant les forces primordiales de l’Univers. Craignant pour sa vie, le sorcier garda le Maître des Rêves captif durant sept décennies, perturbant le sommeil du reste de l’Humanité. Libéré, Morphée se mit en quête de ses attributs de pouvoir, un masque, un joyau et un sac de sable, afin de rétablir l’ordre universel et chasser du territoire des Rêves les démons, usurpateurs de ses pouvoirs. De son royaume onirique dévasté aux terres infernales de Lucifer, l’Infini croisera l’horreur sous toutes ses formes, qu’elle soit humaine, magique, démoniaque, ou née des tourments causés par les membres de sa propre famille. (contient les épisodes #1 à 16)
Rarement une review m’aura donné autant de difficulté, tellement il m’est difficile à coucher des mots après cette lecture. Non pas parce que je reste sans voix derrière un chef d’œuvre, non pas parce que je n’arrive pas à m’exprimer sur une bouse. Non, juste car je n’arrive pas à me dire si j’ai adoré ou non cette lecture. C’est un sentiment bizarre qu’il me reste en fermant ce premier volume de Sandman. Le sentiment d’avoir fait le plus formidable des voyages, littéralement emporté au pays des Rêves, je me suis laissé prendre au jeu. Mais d’un autre côté, malgré l’excellent travail de narration de Neil Gaiman, j’ai trouvé cela, bien souvent trop long, trop pompeux, trop lourd.
Ce premier tome est divisé en trois parties. Les épisodes #1 à 9 sous le titre « Préludes et Nocturnes », les épisodes #10 à 16 sous le titre « La Maison de Poupée » et les bonus.
Les neuf premiers épisodes servent clairement d’introduction à Sandman, et c’est sans doute de ces épisodes, souvent répétitifs, de temps en temps chiants, que le sentiment de lourdeur provient. On y découvre Sandman, et la première chose qui choc c’est son aspect, il semble si jeune, si pâle, si fragile, si quelconque. On a du mal à se dire qui est le seigneur du monde des Rêves. Et plus on réfléchi, plus on se dit qu’il en fait parfait, il a la tête de quelqu’un qui passe son temps à dormir, les cheveux en bataille, oubliant de manger, toujours plonger dans le noir. Sa cape est magnifique et on a l’impression que l’on pourrait tomber dedans. Je mets néanmoins un petit bémol sur le masque…
Neuf premiers épisodes où l’on assiste à la capture de Sandman, à sa fuite, à sa vengeance et à sa quête de ses trois objets. Et je reconnais que si cela est long, lourd par moment, on apprend à connaître Sandman. Sous ses airs de gamin fragile et tout maigre se cache quelqu’un d’effroyablement doué. Il n’y a qu’à voir comment il arrive à manipuler Lucifer et les milliers et milliers de démons qui l’entourent. Il arrive à se défaire de tous ces démons sans armes, sans bouger, rien que par la parole. Il est charismatique, il tient toujours sa paroles, sait se montrer intransigeant, il n’agit pas par envie mais par devoir, qu’il met au dessus de toute chose. Son rôle est primordial, il le sait, il s’y soumet.
Si cette première partie est chiante par moment elle nous offre néanmoins des chapitres d’exception qui nous savent nous titiller. Comme le chapitre #6 : « 24 Heures », où l’on assiste au jeu macabre de John Dee, dans un huit clos habillement oppressant voir dérangeant par moment. Où le psychopathe s’amuse à torturer mentalement ses futures victimes. Les voir se faire torturer aussi longtemps, c’est violent.
Autre épisode fort, le #8 « Le Bruit de ses Ailes » où Gaiman nous prend tous à contre pied en nous présentant la sœur de Sandman : la Mort. Mais il en fait un personnage touchant, sympa, agréable, gentil, en empathie avec ses « victimes » qu’elle est obligée de prendre. Scène choc et violente avec le nouveau-né, petit serrement de gorge.
Puis vient la deuxième partie du chapitre « La Maison de Poupée », on y découvre un Sandman à nouveau en pleine possession de ses moyens, de retour chez lui au pays des Rêves. Et c’est en même temps que naît vraiment la première intrigue dans ce volume. On découvre également Rose, petite-fille, de l’une des personnages frappée par l’absence de Sandman, pendant sa captivité. Grand force de Gaiman d’ailleurs de distiller ici ou là des personnages qu’il réutilisera des chapitres plus loin. Du coup on ne voit rien venir.
On découvre donc Rose, qui sous des allures d’innocente jeune fille, se retrouve, sans le savoir, à mettre en péril le royaume des Rêves, ne laissant d’autres choix à Sandman que de la tuer. Qu’il le veuille ou non, cela n’a aucune importance, c’est son rôle, son devoir. Je vous laisse lire ce petit pavé, qui passe comme une lettre à la poste pour découvrir la suite.
Cette partie est moins indigeste, on suit cela avec une certaine faim, une certaine envie, les personnages sont tellement imprégnés de leur propre essence, de ce qui fait qu’ils sont eux, que l’on s’attache très vite. Qu’ils soient des personnages principaux ou non. Les gens habitants avec Rose font presque partis du décor et pourtant certains sont fascinants, comme Zelda et son amie. Là aussi nous avons le droit à de savoureux chapitres comme le #14 : « Collectionneurs », qui devient très vite dérangeant voir très malsain lorsque l’on comprend que tous ces gens sont des tueurs, allants au plus morbides, réunis en convention… Et pourtant cela est tellement bien écrit que l’on ne peut qu’apprécier.
Le chapitre #13 « Hommes de bonne-encontre » est également un pur chef d’œuvre dans son genre. Sandman et sa sœur, la Mort accordant la vie éternelle à un homme ne croyant pas au concept de la mort. Sandman s’amuse à le rencontrer tous les cent ans au même endroit. Nous voyons ainsi évoluer le monde mais aussi les gens, les façons de penser et nous découvrons Sandman sous un jour nouveau à travers des dialogues savoureux.
Au niveau du dessin, plusieurs artistes se succèdent, mais l’on reste le plus souvent sur la même lignée graphique. Ce n’est pas vilain mais cela a pas mal vieilli. Hormis lorsque les artistes nous emmènent au pays des Rêves, ou tout simplement du côté de chez les Infinis (chez Désir par exemple), on voyage littéralement, naviguant au gré des songes des gens que croise Sandman.
Pas mal de bonus, très intéressants en plus, avec des croquis et surtout un entretien instructif et passionnant avec Neil Gaiman. Où l’on comprend beaucoup de choses sur ce que l’on vient de lire. Petit bémol enfin pour ma part, avec mon premier bouquin chez Urban Comics dont la reliure est en miettes à la fin de ma lecture, les pages tombant toutes seules.
Bref, le tout est un peu indigeste, la faute sans doute à une introduction beaucoup trop longue et monotone. Et même si cela s’emballe un peu avec la deuxième partie, je suis loin d’éprouver la joie intense dont certains m’ont parlé après leur lecture. Je sens néanmoins le génie de Neil Gaiman attendre patiemment, il nous offre déjà quelques chapitres absolument fabuleux, et j’espère que le tome #2 m’emportera définitivement au pays des Rêves.
Car malgré la lenteur monotone et l’ennui passager de certains chapitres, j’ai pris un pied fou dès que l’histoire s’envole dans la magie, dans la mythologie, dans les Rêves. Me retrouvant alors propulser dans un formidable voyage, me sentant flotter et pousser par le vent à travers les Songes que Sandman traverse à sa guise. Que j’aimerais être le Sandman et contempler ainsi les rêves et les cauchemars de chacun, voir les provoquer.
J’ai malgré tout hâte d’entreprendre mon prochain voyage au pays des Rêves.