Ce tome regroupe les 9 épisodes de la minisérie parue en 1985/1986. Cette histoire tire son titre de Secret Wars (existe également en omnibus avec tous les épisodes liés dans Secret Wars Omnibus) car il s'agit d'une certaine manière d'une suite. Mais il n'est nul besoin d'avoir lu "Secret Wars" pour lire ce récit.
Dans "Secret Wars", une mystérieuse entité appelée Beyonder avait réuni plusieurs superhéros et supercriminels pour les faire s'affronter sur une planète artificielle. Ce conflit a engendré une curiosité inextinguible chez le Beyonder et il a décidé de se rendre sur Terre pour comprendre la condition humaine. Il s'agit d'une entité qui vient de prendre conscience de son existence relativement récemment ; elle a donc les réactions d'un enfant devant acquérir la connaissance par l'expérience (même si le Beyonder dispose d'une certaine forme d'omniscience). Il s'agit d'une entité omnipotente : le Beyonder est un univers conscient, différent du notre, il dispose d'un niveau de pouvoir similaire à Dieu. Il suffit qu'il veuille quelque chose pour qu'il en soit ainsi ; ça va de changer la couleur d'une fleur à supprimer la mortalité. Évidemment la qualité de son apprentissage et les dommages collatéraux afférents vont être fonction de ses tuteurs. Parmi eux, il y aura un parrain du crime organisé, Owen Reece (Molecule Man, assisté par Marsha Rosenberg, alias Volcana), Peter Parker, Alison Blair (Dazzler), Luke Cage, Tabitha Smith (Boom Boom), etc. Quelle place peut-il y avoir pour un être omnipotent au sein de l'humanité ?
Cette histoire jouit d'une réputation particulièrement détestable pour plusieurs raisons. De la même manière que le Beyonder est omnipotent, ce crossover fut omniprésent, avec pas moins de 33 apparitions du Beyonder dans d'autres séries Marvel (chiffre astronomique pour l'époque). Jim Shooter était alors éditeur en chef de Marvel, et il a purement et simplement imposé la présence du Beyonder dans les autres séries, avec une acceptation plus ou moins rétives de la part des scénaristes concernés. C'était le premier crossover d'ampleur de ce type : une série mère, avec des conséquences dans les autres, et l'obligation pour le lecteur de tout acheter pour avoir l'histoire complète.
Au-delà de ces aspects éditoriaux, la narration souffre également de défauts. Pour commencer il y a la partie graphique. Jim Shooter avait une idée très précise de ce qu'il voulait et il a choisi un dessinateur capable de travailler dans le temps imparti (dans les délais mensuels) : Al Milgrom. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas joli à voir. Les dessins sont tassés (à moitié mangés par les phylactères), les formes sont plus esquissées que dessinées, les perspective deviennent parfois étranges (page 219, les personnages en arrière plan sont plus grands que ceux au premier plan). Les pièces semblent toutes disposer d'une hauteur de 2,50m sous plafond, même l'appartement de Peter Parker. Au gré des cases, Milgrom s'inspire librement de John Buscema, Steve Ditko, ou Mike Zeck, créant une disparité de styles pas forcément maîtrisée. En outre l'encrage de Steve Leialoha est assez raide, assez sec, ce qui accentue l'impression esthétique désagréable.
Il faut quand même reconnaître que malgré les maladresses, Milgrom et Leialoha arrivent à caser tout ce qu'exige le scénario, tout en faisant en sorte que chaque case reste lisible. Ce n'est pas très joli, c'est parfois une vision enfantine, mais les dessins arrivent à décrire l'action, porter leur part de la narration.
En tant que narrateur, Jim Shooter veut raconter beaucoup de choses en l'espace de seulement 9 épisodes. La conséquence première en est une profusion de phylactères et de cellules de texte qui peuvent occuper jusqu'à la moitié de l'espace de la case. La contrepartie est que l'histoire est dense. Au fil de la lecture, il apparaît que Shooter raconte l'histoire du Beyonder, ses expériences pour trouver sa place dans notre univers. Shooter se sert de "Secret Wars II" non pas pour mettre en valeur l'univers partagé de Marvel (et ses cohortes de superhéros et supercriminels), mais pour examiner plusieurs valeurs morales. Ce qui peut être agaçant à la lecture, c'est que ces interrogations philosophiques baignent dans une continuité complexe de superhéros, et des événements entièrement dédiés à modifier le statu quo de l'un ou l'autre (Rachel Summers, Doctor Doom, etc.). Toutefois le parcours du Beyonder, ses aventures et ses rencontres s'inscrivent dans un cheminement sensé, bien structuré et intelligent. La fin se révèle être une ode à la création de toute nature, presqu'une profession de foi pour Jim Shooter.
Alors, oui, Secret Wars I" est un gros pavé qui souffre de plusieurs dichotomies telles que superhéros/questionnement existentiel, dessins moches/illustrations fonctionnelles, crossover/récit complet. À condition d'être bienveillant et patient, il se dessine au fil des épisodes une histoire moins convenue que prévue, et plus intelligente. Cette histoire a également été rééditée avec tous les épisodes des autres séries dans Secret Wars II Omnibus (1.184 pages). Il est difficile aussi de ne pas faire lien avec la fin de cette histoire et l'apparition quelques mois plus tard du New Universe avec des séries comme Star Brand (par Jim Shooter & John Romita junior), D.P. 7 (par Mark Guenwald & Paul Ryan) et Psi-force (par Danny Fingeroth & Mark Texeira).