Cette réédition de 2011 comprend les épisodes 1 à 8 parus en 1989, ainsi que le court épisode (8 pages) introductif parues dans "Marvel comics presents" 18.
Dans l'histoire introductive, She-Hulk s'ennuie chez elle, heureusement quelques supercriminels se manifestent. Avec l'épisode 1, le récit entre dans le vif du sujet : She-Hulk (bloquée dans sa forme, ne pouvant plus reprendre l'apparence de Jennifer Walters depuis The Sensational She-Hulk) fait une démonstration de force dans un cirque quand elle tombe sous la domination mentale d'un supercriminel de seconde zone. Puis elle doit endiguer une invasion extraterrestre. Contre les Headmen, elle reçoit l'aide de Spider-Man. Passé le quatrième épisode, c'est un festival de supercriminels de catégorie Z, avec quelques superhéros pas piqués des hannetons en prime (mais sentant un peu la naphtaline). Parmi les criminels, il y a l'inénarrable Doctor Bong (Lester Verde, en provenance direct de Howard the duck) et parmi les superhéros il y a l'inimaginable Razorback (Buford Hollis, un camionneur accoutré d'une dépouille de porc marron).
Ces épisodes de She-Hulk se démarquent des comics habituels parce que John Byrne a choisi un ton humoristique et second degré pour raconter les aventures de la géante de jade. She-Hulk s'adresse régulièrement au lecteur pour mettre en évidence les conventions narratives propres aux comics (et à la bande dessinée). Par exemple à la fin du premier épisode, tout le monde s'interroge pour savoir qui a commandité le criminel qui a manipulé She-Hulk ; dans la case suivante elle fait face au lecteur (ou à la caméra) pour remarquer qu'elle ne connaîtra leur identité que dans le troisième épisode, alors que "toi lecteur, tu le sauras dès la page d'après". Il règne donc un humour bon enfant, légèrement ironique, généré par la conscience de She-Hulk (et de Louise Mason, ex Blonde Phantom) de se savoir dans un comics).
John Byrne ne se repose pas sur ce seul registre comique. Il insère également des gags visuels, par exemple lors du combat contre Stilt-Man (Wilbur Day, autre supercriminel au pouvoir improbable). Dans une case tout en longueur, She-Hulk se mange une série de poignée dans une rame de métro. Dans ce même épisode, Stilt-Man occupe des cases de la hauteur de la page avec ses extensions d'échasse, jusqu'à s'emmêler pinceaux entre 3 cases juxtaposées. À nouveau le personnage de She-Hulk inspire des gags à tendance sexiste à Byrne Il l'avait déjà maltraitée dans la série des Fantastic Four, et là il ne se prive pas de glisser régulièrement des sous-entendus sur sa libido. Il commence par faire remarquer que ses vêtements résistent aux combats, puis il la montre en petite culotte et soutien-gorge, et il commence à lui donner des rêves à forte connotation d'amour physique, avec un bellâtre bien connu de l'univers partagé Marvel. Il indique à 2 reprises de manière très claire que She-Hulk est célibataire, et qu'elle est en manque d'un homme qui s'occupe d'elle. D'un coté il y a ces remarques misogynes, de l'autre Byrne en fait une femme forte, au caractère enjoué, très agréable.
Heureusement l'humour bon enfant, et teinté d'une légère autodérision prédomine. À plusieurs reprises, She-Hulk s'adresse à Byrne lui-même pour se moquer de ses scénarios, des criminels qu'il ressort du congélateur, et même de ses mots de transition. Pour être honnête, il faut attendre l'épisode 5 pour que Byrne commence à dépasser un humour trop sage et trop proche d'une narration traditionnelle. En effet au départ, il teste la température de l'eau et il se contente de She-Hulk effectuant des remarques primaires sur le mode de narration enfantin propre aux comics des années 1970. À partir de l'épisode 5, Byrne entre dans un autre registre, toujours à destination d'un public large, mais plus amusant. L'utilisation des Headmen (en provenance directe des Essential Defenders de Steve Gerber) était sympathique, sans être poussée jusqu'au bout de leur ridicule. Avec le Docteur Bong, Byrne dépasse les simples blagues pour entrer dans le registre de l'absurde, et il s'en sort très bien. Il y a entre autres, des parodies des dessins animés à destination de la jeunesse, l'inanité du pouvoir du Docteur Bong, et le passage par une double page de vente par correspondance de comics avec des prix ironiques, et des annotations moqueuses sans être méchantes (sauf pour les comics de Jim Shooter tels que Secret Wars). Le plus étonnant est que Byrne respecte complètement ce personnage absurde et qu'il montre une grande tendresse pour Razorback et Ulysses Solomon Archer (USA pour les intimes, c'est-à-dire des concepts de superhéros très Amérique profonde). Byrne ne montre aucun mépris pour ces personnages de série Z ; au contraire il les décrit au premier degré avec une forme de respect pour ces individus issus du prolétariat.
À la lecture, il apparaît que John Byrne s'est investi pour la partie graphique et qu'il n'a pas eu le temps de se lasser en 8 épisodes. She-Hulk est magnifique de bout en bout avec une silhouette majestueuse, impressionnante sans être massive. Byrne prend beaucoup de plaisir à varier ses toilettes, avec peut être une grosse faute de goût pour le tailleur de l'épisode 4, avec des gants dont la couleur jure avec le reste. Il aime bien aussi la dessiner en short qui met en valeur ses hanches, et il y a une petite fixation sur les sous-vêtements, pourtant uniquement utilitaire, totalement dépourvus de toute connotation de lingerie fine (presque Petit Bateau à ce niveau là). Byrne soigne ses décors et s'en sort très bien qu'il s'agisse de l'appartement meublé de Jennifer Walters, de la séquence d'invasion extraterrestre, des parodies de dessins animés (tous les originaux sont aisément reconnaissables), ou des séquences sur une station spatiale. Il s'amuse donc à plusieurs reprises à faire passer les personnages d'une case à l'autre en franchissant la bordure entre les cases. Et il pousse le bouchon jusqu'à consacrer une page composée uniquement de têtes de She-Hulk en train de raconter des vannes vaseuses jusqu'à ce qu'elle reçoive une tarte à la crème.
Ces épisodes de She-Hulk narrant ses aventures sur un mode humoristique relève d'histoires bon enfant qui sortent de l'ordinaire par rapport à la production habituelle. John Byrne réussit le pari risqué d'introduire de l'humour dans un genre (les superhéros) qui s'en accommode généralement très mal dans la mesure où ces surhommes en slip de bain sont déjà parodiques. Les premiers épisodes sont un peu timorés dans le registre comique ; les 4 derniers s'aventurent dans des territoires moins évidents, plus risqués, toujours à destination d'un public familial. Il s'agit donc d'un produit divertissant, plus parlant si vous saisissez les références pointues à l'univers partagé Marvel, avec une héroïne de bonne humeur, sans angoisse particulière et très séduisante. John Byrne était revenu sur la série à partir de l'épisode 31 en septembre 1991.