C’est au tour du Shadowman, personnage emblématique de Valiant, de connaître une sortie en intégrale comme Bliss Comics sait si bien les faire. Au menu : bayou, Monde des morts et conflits intérieurs.
On peut diviser le pavé en deux gros arcs totalement différents. Le premier, scénarisé par Justin Jordan, présente le personnage principal, Jack Boniface, l’univers du Shadowman et ses enjeux. Le tout est clairement orienté action et très agréable à suivre, bien aidé par les chouettes dessins de Patrick Zircher. Quelques pistes vraiment intéressantes sont lancées et l’univers vaudou est suffisamment rare dans ce médium pour laisser entrevoir une série plutôt cool (avec un héros au design terrible !).
Après un court intermède, notamment avec deux très bons épisodes présentant les origines de la némésis du héros, le terrible Maître Darque, Valiant prend le contre-pied total pour proposer un second arc beaucoup plus sombre, jouant sur le conflit intérieur entre le héros et son loa (l’esprit vaudou qui fait de lui le Shadowman).
Ce choix éditorial fort souffre d’un gros manque de liant entre les deux parties. La phase d’exposition à peine terminée, Valiant ne prend pas le temps de développer le background de son héros et choisi de le déconstruire au bout d’une dizaine d’épisodes à peine. Milligan confronte le héros à ses propres démons intérieurs (au sens propre et figuré), un peu à la manière d’un Bendis sur Daredevil. Mais Milligan n’est pas Bendis, Shadowman n’est pas Daredevil. Le lecteur ne connaît pas encore assez le personnage et n’a pas l’empathie nécessaire pour apprécier pleinement ce type de récit. L’arc arrive trop vite et on a l’impression d’avoir loupé les épisodes amenant à cette situation.
Milligan ne loupe pas totalement le coche pour autant car quelques bonnes idées émergent de son run, magnifiquement illustré en partie par Robert de la Torre, dont notamment une fin audacieuse. Mais le tout laisse clairement un goût d’inachevé. On en voudrait clairement plus.
Niveau édition, Bliss fait encore une fois du très bon boulot (malgré les quelques coquilles récurrentes) avec pléthore de bonus, dont les superbes couvertures de Dave Johnson.
En somme, un récit de qualité mais un peu schizophrène. Les deux parties sont intéressantes à suivre dans leur genre mais l’ensemble souffre d’un trop grand manque de continuité. On aurait aimé un univers et des personnages plus étoffés, car le potentiel est vraiment là. Il faut plutôt voir cette intégrale comme une longue introduction au personnage avant de le retrouver dans la série Ninjak, le one shot Rapture et surtout sa nouvelle série régulière avec Andy Diggle aux commandes (à paraître chez Bliss en 2019). Une lecture franchement conseillée donc pour découvrir le personnage mais en connaissance de cause.