J'aime beaucoup le dessin et le style de Lauffray qui avaient fait merveille sur son emblématique série LONG JOHN SILVER aux côtés de Dorison. L'annonce d'un VALERIAN VU PAR LAUFFRAY était donc une très bonne nouvelle. En revanche, étant moins client des histoires de Lupano (sauf AZIMUT), mon enthousiasme s'est un peu émoussé en voyant que c'était lui qui commettrait le scénario (Le bonhomme prône notamment le vol sous couvert de justice sociale dans le tome 2 des VIEUX FOURNEAUX ; série encensée partout car elle brosse dans le bon sens le poil des démagos en tout genre - et si on n'aime pas, c'est forcément qu'on est réac').
Mais bon, s'agissant de science-fiction, je me disais qu'il pourrait, peut-être le temps d'un album, mettre un peu de côté ses tendances anar de salon.
Les planches présentées en avant-première donnaient l'eau à la bouche et lorsqu'on entame la lecture de l'album, les bonnes impressions initiales se confirment effectivement. On entre immédiatement dans le vif du sujet, l'argument est clairement exposé, les personnages sont en place, c'est parfaitement rythmé et les vingt-cinq premières pages défilent avec un plaisir certain. Même si l'on peut regretter que Valérian soit transformé exclusivement en bouffon de service au tempérament post-adolescent.
C'est malheureusement ensuite que ça se gâte. Pierre Christin a toujours été un scénariste engagé qui faisait intervenir des connotations politico-sociales plus ou moins adroites et revendicatives dans ses récits (dans VALERIAN, mais aussi avec Bilal etc..). Connaissant les idées de Lupano, on ne pouvait donc pas s'attendre à moins de sa part. Et si, dans la première partie de l'histoire, celles-ci sont suffisamment diluées dans le texte pour passer comme une lettre à la poste, il n'en est pas de même dans la seconde. A en devenir vulgaire. Ses intentions sont trop voyantes. Ses dialogues sont chargés et il nous fait encore la morale sur la vilaine humanité polluante, sur le boursicotage des affreux patrons/chefs/dirigeants/nantis, sur l'immondice des groupes financiers et sur l'attitude du business sexuel internetteux (tout le délire sur Laureline est plutôt idiot). Lorsqu'il débute Shingouzlooz.inc en évoquant la retraite des agents spatio-temporels, on se dit qu'il tient un bon sujet au potentiel comique évident. Mais lorsqu'il s'embarque dans ses discours anti-capitalistes de base, il ressasse. Il est lourd.
Il y a bien quelques gags sympathiques (la bouée du môme, le bâbord/tribord, les couilles en or et le clin d’œil à L'Empire contre-attaque), mais on a bien souvent une sensation d'artificialité. Les dialogues sonnent trop comme du "fait comme..." ou du "à la manière de..." Bref, il y a quelque chose qui "sonne" faux dans tout ça, mais qui conviendra sans doute à son public.
De son côté, Lauffray déçoit également un peu, même si c'est grâce à son talent graphique que l'album est sauvé du ratage. Ses créations (décors et personnages) ne sont toutefois pas particulièrement inspirées ; on a d'ailleurs souvent la sensations de les avoir déjà vues plusieurs fois dans d'autres séries SF et sa mise en couleur est trop terne.
Une déception au final, sans pour autant être une catastrophe. Il aurait juste fallu que Lupano mette un peu en veilleuse son rabâchage politico-social (sans pour autant taire ses convictions ; ce n'est pas ce qu'on lui demande) et que Lauffray soit plus magique dans ses créations.