Premier manga que je lis de Hiroaki Samura – auteur de L’Habitant de l’Infini – à l’occasion d’une année 2016 qui lui sera consacrée chez Sakka, le label manga de Casterman. Bonne pioche, d’autant que la série ne dure jamais qu’un seul volume, même si j’aurai tout-de-même quelques reproches à formuler.
La grande qualité du titre, sans nulle doute sa principale, c’est le contexte. Les manga se déroulant en URSS ne courent pas les rues, publiés en France encore moins, alors en pleine période de transition entre le Léninisme et le Stalinisme… Nous avons réellement affaire à un OVNI, et le mangaka s’est clairement documenté sur son sujet, intégrant des personnages historiques, évoquant des événements précis, et essayant d’exploiter les failles de l’Histoire afin de proposer un scénario vraisemblable. Vraisemblable mais non moins purement fantaisiste.
Un tel contexte suffit à rendre Snegurochka original, et la simple évocation des lieux, des protagonistes, et des faits à proposer une trame riche qui captive de bout en bout. Après, n’allez pas non plus croire que le récit ne sert que de prétexte, car si l’environnement est travaillé, il sert surtout de support à l’intrigue. Nous suivons la mystérieuse Snegurochka, jeune fille handicapée, et son non moins énigmatique domestique, chargé de la conduire où bon lui semble. Nous comprenons vite qu’ils partagent une relation d’inter-dépendance aussi étrange que potentiellement malsaine, de même que de profonds secrets et un but commun, pour lequel ils se montreront près à surmonter toutes les épreuves.
Si j’ai un reproche à faire, c’est dans le but en question. Sans rien vouloir révéler, il s’avère décevant, voire absurde, par rapport aux nombreux sacrifices auxquels nos deux héros vont consentir tout au long de l’histoire. Le jeu n’en valait pas la chandelle. Heureusement, si la destination déçoit, cela n’empêche pas le voyage de passionner ; entre le courage indéniable des protagonistes, les nombreux mystères faisant tout le sel du récit, la prestance des figures historiques, et le contexte si particulier de ce manga, il se laisse lire avec grand plaisir tout du long, malgré quelques aspects glauques et cruels, certes attendus dans l’URSS de l’époque. Snegurochka va ainsi développer un sévère syndrome de Stockholm envers son si sympathique violeur…
Je découvre le trait de Hiroaki Samura, mais il s’avère percutant et parfaitement adapté à l’histoire, les deux se marient à merveille. L’auteur nous propose une trame mélangeant drame historique et politique, nimbée de mystères, avec un duo de personnages principaux charismatiques. Il n’y a vraiment que cette fin, avec ses ultimes révélations, qui déçoit d’autant plus qu’elle oblige à remettre en perspective certains des actes commis jusque-là, qui dès lors paraissent disproportionnés et difficilement justifiables. Il semble aussi très content d’une des révélations en question, au point de nous l’expliquer avec force détails, alors qu’il avait lui-même glisser les clés pour l’anticiper dès le premier chapitre. Cela n’empêche nullement ce manga de proposer une lecture palpitante, mais une fois terminée, je n’ai pas pu m’empêcher de penser : tout ça pour ça ?