Des activistes écologistes pacifistes dans un monde ravagé par les catastrophes naturelles

Ce tome fait suite à Pacifique noir (épisodes 1 à 6) qu'il faut impérativement avoir lu avant. Il contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2013, écrits par Brian Wood.


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- Épisodes 7 à 9 "Subcontinental "(dessins et encrage de Garry Brown, mise en couleurs de Dave Stewart) - Le Kapital (le navire de l'organisation écologique Ninth Wave) fait escale à la station Moksha (une plateforme pétrolière offshore, servant de capitale à un état indépendant composé de plusieurs plateformes pétrolières). Plusieurs membres de l'équipage montent à bord de la plateforme dont Callum Israel (le commandant du Kapital et le chef de Ninth Wave), Mary, Georg, Mag Nagenda et Ryan Porter. Israel est accueilli à bras ouvert par Chandpur (le président pour 1 an de cette utopie) qui lui vante les mérites de cette société où la tolérance, la fraternité et l'égalité sont des réalités. Pour une raison incompréhensible, Mary fausse compagnie à tout le monde et se livre à un acte de sabotage sur les systèmes de communication de la plateforme.


Avec ces 3 épisodes, Brian Wood conçoit un cadre de narration plus traditionnel que dans le premier tome. Il y a une intrigue principale clairement identifiable : le régime utopique de Moksha, leur politique pour s'installer comme une nation, la possibilité de repartir de zéro pour un régime politique utopique (ou, au moins, plus juste), la position de plus en plus ténue et ambiguë de Ninth Wave. Dans un monde ravagé doivent-ils encore conserver une politique d'empêchement d'actions dégradant l'environnement, ou devraient-ils prêter assistance aux communautés en difficulté ? Quelle est cette obsession de courir après "The Massive" qui semble de plus en plus n'être qu'un écho fantôme ? Pourquoi Callum Israel reste-t-il une sorte de commandant à vie du Kapital et n'essaye-t-il pas plutôt une forme de démocratie ?


Alors que ces questions font penser à une approche très cérébrale, il n'en est rien. Le mystère sur les agissements de Mary est prépondérant, inscrivant ces épisodes dans le registre du thriller intelligent. Le lecteur éprouve toujours une forme de distanciation avec Mary et Mag Nagendra qui restent des individus à l'entraînement militaire exceptionnel, leur permettant de triompher de tout, quelques soit le nombre d'adversaires (en y laissant quand même quelques plumes). Le thème d'un lien mystique avec la mer refait surface brièvement dans une unique séquence.


Brian Wood a également inclus quelques retours en arrières, mais moins nombreux que dans le premier tome et plus circonscrits. Le lecteur n'a donc plus cette impression d'être balloté d'une séquence à l'autre, dans un flot narratif assez agité.


Le lecteur a le plaisir de retrouver Garry Brown plutôt que Kristian Donaldson, avec des dessins d'apparence plus organique. Il a toujours recours à un encrage appuyé pour les arrières plans, permettant de les rendre substantiels et instaurer une sorte menace sourde. Il applique une approche similaire pour les personnages, parsemant leur visage de quelques traits secs, ce qui leur confère une forme de tension, de fatigue, de marque de l'âge. Brown ne cherche pas à réaliser des dessins jolis, ou esthétiquement plaisants, mais à rendre compte de la tension diffuse que fait peser l'écroulement partiel des civilisations et les bouleversements climatiques et géologiques. De ce point de vue, il réalise une mise en images au diapason du récit, discrètement efficace, crédible, sans être tape-à-l'œil.


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- Épisode 10 "Breaker" (dessins et encrage de Gary Erskine, mise en couleurs de Jordi Bellaire) - Le Kapital arrive en frontière des eaux territoriales de la Bolivie. Callum Israel doit gérer la demande musclée de plusieurs membres de l'équipage qui souhaitent rejoindre la terre, pour pouvoir lutter aux côtés des boliviens qui défendent leur territoire.


La chasse au Massive a reprise le dessus et Callum Israel est confronté aux volontés divergentes de son équipage (qui reste toujours aussi anonyme, à part pour Mary, Nag, Lars, Georg et Ryan). À nouveau, Brian Wood trouve un équilibre narratif parfait entre une dynamique basée sur une situation conflictuelle source d'action, et des questionnements plus fondamentaux sur l'intérêt d'une forme de gouvernance centralisée remettant en cause l'équilibre entre intérêt général et intérêt particulier.


Les dessins de Gary Erskine restent dans une veine réaliste, un peu simplifiée, avec un encrage appuyé apportant une forme de marque d'usure adaptée au récit. Toutefois, par comparaison avec Garry Brown, Erskine a tendance à adoucir les contours des visages et de leurs formes. Cela introduit une forme de décalage entre des êtres humains plus "reposés" et un environnement toujours aussi abrasif et incertain.


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- Épisode 11 "Mégalodon" (dessins et encrage de Declan Shalvey, mise en couleurs de Jordi Bellaire) - Lors d'une sortie de reconnaissance en hélicoptère, Mary et Jon Gibson (le pilote) s'écrasent sur un récif, bientôt entouré de centaines de requins en proie à une frénésie.


Il est possible de voir une simple étape supplémentaire, à l'instar de l'épisode précédent. Callum Israel impose une nouvelle action pour essayer de trouver The Massive", toujours aussi élusif. Il y a à nouveau un questionnement sur le bien fondé de ses décisions qui induisent des conséquences pour tout l'équipage, et une situation introduisant de l'action, le vol d'hélicoptère, avec une bonne dose de risques. Cet épisode comprend également une composante écologique avec le tourment des requins. Mais en prenant un peu de recul, le lecteur constate également que Brian Wood applique au Kapital, la même évolution qu'à la planète : ses ressources s'amenuisent lentement mais sûrement, et son mode de fonctionnement ne peut plus reposer sur un modèle d'expansion infini dans lequel il y aurait toujours de nouvelles ressources.


Declan Shalvey adapte sa manière de dessiner pour ne pas créer d'hiatus visuel. Il n'y a que certains visages qui relèvent de l'exagération comique qui semble déplacé dans ce récit très réaliste. Il est très convaincant dans sa représentation des requins, et dans l'aménagement du Kapital.


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- Épisode 12 "Nunatak" (dessins et encrages de Danijel Zezelj, mise en couleurs de Jordi Bellaire) - L'équipage réduit du Kapital capte à nouveau des signaux de la balise du Massive. Callum Israel décide de remonter à la source du signal quoi qu'il en coûte. Le Kapital est rapidement prisonnier des glaces de l'arctique.


Les émissions du Massive ont à nouveau été captées par la radio du Kapital, et cette fois-ci Callum Israel a décidé de consacrer toutes les ressources du Kapital à le rattraper coûte que coûte, quelle que soit l'opinion de l'équipage, de Lars, Mag et Mary. Cette course poursuite rapide (1 épisode) donne lieu à un suspense psychologique très intense, magnifié par les dessins de Danijel Zezelj.


Enfin, cette série bénéficie d'un dessinateur de premier plan avec Danijel Zezelj qui avait déjà collaboré avec Wood sur plusieurs épisodes de Northlanders (numéros 18 & 19 dans Blood in the snow, et 48 à 50 dans The Icelandic trilogy). Il utilise un encrage qui donne l'impression que les personnages et les décors ont été détourés au burin. Cela leur donne de l'épaisseur et de la consistance, une présence remarquable. Cela confère également une forme d'ancienneté et d'intemporalité aux décors naturels, faisant ressortir leur caractère inhospitalier. Grâce Zezelj, le lecteur ressent l'âpreté du climat et les contraintes pesant sur l'équipage.


Avec ce deuxième tome, Le lecteur est moins ballotté par les flots que dans le premier, il peut reprendre pied dans une narration moins chaotique, et apprécier l'étrangeté de ce récit aux apparences écologistes, à la trame d'aventure, et aux questionnements pas si simples.

Presence
10
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le 30 mai 2020

Critique lue 32 fois

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