Gudule est surtout connue pour ses romans jeunesse, avec une certaine liberté de ton qui se retrouvait aussi dans ses œuvres plus adultes, parfois noires et satiriques. Elle est morte en 2015 d’un cancer, elle avait 69 ans.
De son union avec Paul Karali, dessinateur et fondateur du Psykopat, elle a eu deux enfants, Olivier Ka et Mélaka, le premier écrivain et scénariste de bande-dessinée, la deuxième dessinatrice. C’est Mélaka qui se charge de réaliser cette bande-dessinée en hommage à sa mère, puisqu’on y suit ses dernières années.
Ce sont donc des premières étapes de la découverte de la maladie à la terrible agonie que l’on assiste. Mélaka l’avoue dans son avant-propos, ce livre est « un cri d’amour, un cri d’adieu ». La famille était très présente autour de Gudule, et pour Mélaka qui assista sa mère ce fut très éprouvant, de devoir faire face, de l’aider à endurer les mauvais joursmais aussi de craindre l’inévitable. Dans les derniers temps, elle ne reconnaît plus sa mère, au corps et à l’esprit rongés par le mal. Mais malgré les difficultés, il faut tenir bon.
Le ton est humain, parfois plein d’espoir avec beaucoup de solidarités, il y a tout un monde autour de Gudule. Mais aussi dur et émouvant. Le cancer s’abat sur elle sans pitié et il n’est pas toujours possible de l’affronter avec dignité et héroïsme, il y a plus de mauvais jours que de bons. Heureusement, pour ne pas laisser de Gudule l’image d’une femme malade et pour rappeler sa riche vie et sa personnalité haute en couleurs, Mélaka intercale des passages de sa vie. Des moments plus gênants, des gaffes et des maladresses que sa mère retranscrivait dans un blog et un recueil et dont la dessinatrice reprend les derniers, pour faire cet album en commun malgré la mort. Ces petits moments embarrassants mais aussi touchants rappellent sa vie, et rappellent l’humour de Gudule, qui avait bien compris qu’on ne pouvait se moquer des autres que si on ne savait se moquer des autres.
Mélaka a eu de sa mère et de son père, entre autres qualités, un certain sens de l’humour, qui se retrouve dans son trait, arrondi et vivace. Devoir retranscrire la douleur de la maladie pour le malade, ses proches et soi-même n’est pas un exercice facile, et le trait pourra parfois sembler en décalage avec le ton. Mais il est humain, au plus proche de la situation, et Mélaka était la mieux placée pour l’évoquer.
Le livre est au plus près de la situation, et le voisinage fin est parfois éprouvant, l’émotion est forte. Les quelques anecdotes de la vie passée de Gudule sont autant de respirations que des rappels, que la maladie ne doit pas occulter la personnalité de cette auteure. La BD est autant un hommage, une collaboration posthume, qu’une tentative de se soulager de ses émotions fortes, au risque parfois de faire apparaître Gudule sous des jours moins positifs, mais qui peuvent se comprendre. C’est un livre rempli d’émotions, au risque de déborder, et qui trouvera écho dans les situations de chacun.