Plus fin qu'il n'y parait...
Dans Stratos, il est question de pauvres hères malmenés par un monde vaguement futuriste, qui n'est pas sans rappeler notre monde moderne poussé au paroxysme de ses principes, de sa brutalité et de son inhumanité. Licenciements en pagaille, sexe et corruption, individualisme assumé, injustices cachées, le propos prend parfois des airs caricaturaux de discours contestataire d'extrême-gauche (c'est la caricature qui me gêne, pas la contestation). Le fond est cependant sauvé dans la deuxième partie de l'ouvrage par une très juste pondération du point de vue, démontrant à quel point ces individus qui souffrent de la cruauté de cet univers en sont par ailleurs profondément dépendants. Jusqu'à la force de la dernière planche, grand morceau de BD, dont transpire une poésie et une mélancolie que n'aurait je pense pas pu créer un autre média.
Sur le plan graphique, on aimera ou pas le dessin tout en hachures et en contre-jours qui créent immédiatement une ambiance grise et sombre mais on sera bien forcés de reconnaître que Prado a un vrai style. Seule la structure de l'album, elle, m'a finalement semblé un peu datée. Car alors que Stratos aurait mérité 200 ou 300 pages pour véritablement explorer l'univers créé, Prado s'y cantonne au traditionnel format franco-belge / 56 pages. Dans ce contexte, le choix de conter Stratos sous forme d'histoires courtes de 9 planches maximum qui se succèdent plutôt que comme un récit filé ne s'avère pas très judicieux