Stupor Mundi fait partie de ces albums dont je me suis bigrement délecté en ne connaissant rien de leur contenu, si ce n'est qu'il était censé être de qualité. Lorsqu'il y a concordance entre la surprise de la découverte -cette exquise sensation d'avancer en terre inconnue- et qu'au fil des pages la qualité supposée se vérifie, on est alors le plus heureux des lecteurs.
Je ne connaissais rien de Néjib et j'en connais à peine davantage à la clôture de son rejeton. Mais il est certain que ce franco-tunisien a de l'or au bout des doigts. Son sens du découpage, du rythme (et donc des ellipses), de la narration et plus largement de l'écriture pourrait sans peine être comparé aux premiers pas du Blain d'Isaac le Pirate qui s'était lui même abondamment nourri de son expérience avec David B. (les Ogres). Sauf qu'en plus de tenir la comparaison, Néjib se permet déjà d'aller voir plus loin et plus haut, comme si il avait déjà acquis la maturité, tant dans le dessin que dans les propos. Comme si il avait déjà fait de la BD depuis des années et digéré ses codes et ses considérables possibilités de mise en scène pour l'injecter dans cette histoire de moines, de rois et de savants.
Le dessin enlevé qui va droit au but, encore plus incisif parfois que certains cadors du style "jeté" (Sfar, Blain donc, Trondheim..) et le plaisir infini de se cultiver tout en fluidité, sans jamais que le discours scientifique ne vienne miner le cheminement brillant du récit, font de ce Stupor Mundi un régal de lecteur et une belle réussite tout court.
Vivement que Néjib se remette à sa table d'auteur, même si j'en conviens son boulot de directeur artistique chez Casterman doit être très prenant !