Ellis ne fait pas les choses à moitié dans ce dernier volume de sa trilogie sur les superhéros.
Cette fois, il va jusqu'à invoquer les dieux sur terre.
Et à la question "est-ce que les dieux penseraient comme nous s'ils existaient" la réponse d'Ellis est claire. Non.
On assiste par procuration à l'extinction de l'humanité via une série de flashbacks illustrant le récit du docteur Redden, un des principaux acteurs de la "course au surhomme" dont la terre fut le théatre.

Que ferait-on si on avait des super superpouvoirs ? C'est une question chère à Ellis, qui explore dans les largeurs un aspect de cette question dans Authority, une de ses séries phare, mettant en scène une équipe de superhéros inscrits dans notre univers, avec nos préoccupations, nos faiblesses, nos fantasmes.

Est-ce qu'Ellis donne dans la redite, alors ?
Généralement, oui, et c'est le principal reproche que je lui fais, d'exploiter les mêmes thèmes, de façon moins impliquée qu'à la grande époque de l'excellent Planetary.

Mais ici, là où les deux premiers volumes de sa trilogie évoquaient un défouloir jubilatoire pas loin des excès d'un Garth Ennis, bien que personnels malgré tout, ce troisième volume surprend par son angle d'attaque.
L'humour caustique, bien que présent, est un peu mis en retrait, et il prend tout simplement à revers le propos de ses précédents travaux.
Au lieu d'imaginer des superhéros à coeur humain, il imagine des expériences scientifiques qui créent finalement littéralement des dieux, avec tout ce que ça implique.
Comment résout-on un problème de surpopulation quand on est un dieu ? La réponse évidente se trouve dans les premières pages de ce volume.
Tout y passe, théorie du complot, réflexion sur le fait que l'adoration d'une force supérieure serait inscrit dans notre code génétique, sur notre propension à créer nos dieux, faute de les rencontrer.
Intelligent, brutal, plutôt fin, tous ces surhommes aux noms empruntés aux diverses croyances évoluent de façon crédible, puissants et terribles.
Et bon, on a quand même droit à une apparence en guise de guest-star du grand Cthulhu.

Alors pourquoi hésiter ?

Peut-être parce que, après lecture, je n'ai pas pu me défaire de l'idée que, dit sommairement, là où Ellis finit, Grant Morrison commence à peine.
Les chose qu'Ellis effleure timidement, Morrison les manie avec assurance et les emmène encore plus loin (qui s'est remis de la lecture de The Filth ou des Invisibles ?)

Mais bon, Ellis est un athée anarchiste, teigneux, et il le revendique fièrement.
Morrison est tout simplement un génie.

Oublions donc Morrison et son ombre cruelle et envahissante, le temps d'une lecture jubilatoire, et profitons de cet excellent récit qui est peut-être ce qu'Ellis a produit de mieux ces dernières années.
toma_uberwenig
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le 29 mai 2011

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toma Uberwenig

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