Ce tome fait suite à SWING T01 (2018) qu'il vaut mieux avoir lu avant, mais ce n'est pas indispensable car le présent tome commence par 3 pages de résumé en bande dessinée. Cette histoire est initialement parue en 2020 sans prépublication, écrite par Matt Hawkins, dessinée et mise en couleurs par Yishan Li, avec un lettrage de Troy Peteri. La page des crédits précise qu'il s'agit d'une histoire et de personnages développés par Linda et Stjepan Sejic, Jenni Cheung et Hawkins. Le tome se termine avec une histoire courte de 9 pages par Hawkins dessinée par Linda Sejic, un texte de 3 pages d'Hawkins sur les femmes qui prennent l'initiative, la vérité des situations mises en scène, les imposteurs, les licornes, etc. À la fin se trouvent les 9 premières pages de Sugar de Cheung, Hawkins et Yishan Li.


Cathy a donc pris l'initiative de proposer à son mari Dan de tenter l'aventure de l'échangisme pour briser une routine souffrant de l'étiolement de leur désir réciproque. Celui-ci n'étant pas très sûr de vouloir voir son épouse dans les bras d'un autre homme, elle a commencé par arranger un plan à trois avec une de ses amies. Il a accepté de tenter l'aventure et elle a pu éprouver le sentiment de compersion. Elle-même s'est donc retrouvée pour la première fois à faire cette expérience, mais également celle de se retrouver au lit avec une autre femme. Elle estime ne pas être bisexuelle pour autant. Ce jour-là, ils sont à la plage avec leurs deux enfants Ashley et son petit frère Blake. Le papa se rend compte que sa fille sortira avec des garçons d'ici quelques années, et il n'est pas sûr d'accepter ses copains facilement. Cathy lui demande de lui étaler de la crème solaire sur le corps : il s'exécute tout en lui indiquant qu'il s'est remis à l'écriture de son livre. Elle se moque de lui en lui demandant si c'est d'avoir couché avec ses copines qui a ravivé son inspiration. Il poursuit la discussion dans la même veine : avec un peu de temps passé pour prendre du recul, il se dit que ce n'est pas juste pour elle d'en rester à du triolisme et qu'il est prêt à essayer avec un autre couple. Elle se redresse et lui demande s'il est bien sûr de lui. Il y a bien réfléchi et il estime qu'avec quelques règles bien établies entre eux, cela ne devrait pas engendrer de frictions.


Après un peu de réflexion, les deux époux ont consigné par écrit les dix règles : que des aventures ensemble, aucune communication d'informations privées autres que l'adresse courriel commune, que des choix de partenaire conjoints, pas d'engins monstrueux, transparence et honnêteté en toute chose, des préservatifs si pénétration, etc. Toutefois, Dan a bien conscience de son insécurité quant à la perspective d'un rapport de sa femme avec un autre homme. Étant d'accord, ils passent à la phase d'établir un profil sur une application pour rencontres libertines. Alors que le profil est prêt, leur ressenti diffère : elle est plutôt excitée par l'anticipation de l'aventure, et lui reste craintif. Néanmoins, ça les a mis tous les deux dans l'ambiance. La découverte des premiers profils commence.


Le premier tome prenait son temps pour établir la personnalité de Cathy Chang, comme de Dan Lincoln, afin qu'ils acquièrent l'épaisseur requise pour que le lecteur se sente impliqué par leur vie, et leur envie de tenter l'aventure de l'échangisme. Il ne s'agit ni de sportifs obsédés par la performance, ni d'une pulsion malsaine, simplement de l'envie d'expérimenter cette forme de sexualité, de satisfaire cette curiosité. Le lecteur les retrouve donc avec plaisir, tout en sachant qu'il sera essentiellement question de leur vie privée et de leurs relations sexuelles, avec une fibre de vulgarisation quant à ce genre de vie, et des dessins restant plutôt dans l'érotisme doux que dans la pornographie explicite. Il remarque d'ailleurs la saveur plus romantique qu'érotique de la couverture, ainsi que le fait que la dessinatrice initiale Jenni Cheung a laissé sa place à une autre. Un rapide feuilletage le rassure : le dosage reste le même avec une représentation de la nudité frontale aussi bien homme que femme, mais sans jamais représenter le sexe masculin (à l'exception d'un petit centimètre très discret lors d'une fellation), ni le sexe féminin.


L'enjeu pour ce couple marié jeune depuis une dizaine d'année est de retrouver le goût du plaisir sexuel, l'envie. Ils sont bien faits sur le plan physique, l'un et l'autre, et en phase dans leur vie personnelle, avec de beaux enfants. Il n'y a rien de malsain, juste une envie d'avoir une activité en commun, des sorties de loisir d'un genre particulier, pas particulièrement approuvé par la société normative. Les auteurs ont pris le parti de ne pas s'arrêter à la porte de la chambre à coucher ou du club échangiste, mais sans aller jusqu'à réaliser un reportage sur chaque partie de jambe en l'air. La dessinatrice dose ces passages entre description factuelle et romantisation en cohérence avec la nature de la série. La première scène chaude montre une partie à trois entre Dan, son épouse et une de ses copines. Les femmes portent des bas résille et l'activité a lieu dans une chambre spacieuse, avec une lumière tamisée rouge. Les caresses sont montrées, ainsi qu'un cunnilingus, avec des silhouettes et des postures très élégantes, sans aucune difficulté physiologique, et même une bordure de rose pour l'un des cases. La scène suivante correspond à la prise d'une photographie des époux assis nus sur un canapé, pour leur profil, à nouveau sans vision de leur sexe. La première scène avec un autre couple dure trois pages, et tous les dessins montrent des personnes consentantes, souriantes, sans aucune forme de rapport de force ou de recherche de domination coercitif. Le scénariste continue à dérouler la découverte très progressive du monde de l'échangisme par Cathy et Dan, tous les deux consentants, avec leurs envies, leurs hésitations, leurs interrogations, et leurs déconvenues. Il ne s'agit pas d'une œuvre pédagogique, mais de mise en scène de cette démarche.


Le récit ne réduit pas la vie de cette femme et de cet homme à une suite de moments pour préparer la prochaine rencontre avec des libertins, la partie de plaisir, et le cycle recommence. Il n'y a pas de phénomène d'addiction et leur vie privée et professionnelle continue. Les auteurs ont choisi de ne pas encombrer leurs personnages, et donc leur histoire, de difficultés quotidiennes et banales. Ils sont les parents de deux enfants de moins de 6 ans qui ont l'air équilibrés et normaux, sans problèmes particuliers, bénéficiant d'une saine relation avec leur mère et leur père. La grand-mère, la mère de Cathy, est présente pour les garder quand nécessaire. De son côté, Dan sent que cette ouverture et cette découverte d'un nouveau territoire lui redonne de l'envie et pas que sexuelle, mais aussi créatrice pour reprendre l'écriture de son roman. Quant à elle, Cathy mène une vie professionnelle épanouie, pleine de réussites. Là aussi, l'artiste met en scène des êtres humains normaux, avec une forme de jeunisme pour la plupart dans leur apparence. Les expressions de visage restent dans un registre naturel, sans être forcées, parfois un peu appuyées, avec une très discrète influence shojo, bien assimilée. L'artiste prend soin de représenter les environnements très régulièrement, parfois sommairement, d'autres fois de manière détaillée, avec une proportion importante en couleurs directes à l'infographie. Le lecteur apprécie de passer un moment à la plage, dans la cuisine de la famille (bien qu'elle semble vraiment très grande et sommaire), dans un café un peu huppé, dans une très grande chambre d'hôtel, dans une soirée costume, dans un jeu vidéo, dans une salle de réunion pour une présentation de Cathy, dans une salle de classe et une bibliothèque scolaire avec Dan. Les dessins sont très propres sur eux, parfois un peu légers, montrant un monde sans problèmes matériels.


Dans la postface, le scénariste indique qu'à l'origine il avait intégré beaucoup plus de flux de pensées dans des cellules de texte et qu'il a élaguées, tout en donnant la priorité à celles de Cathy, puisque c'est elle qui a initié la démarche. De temps à autre, le lecteur sent que la distance avec la banalité de la réalité se distend un peu : les parents faisant l'amour la nuit sur le canapé sans crainte d'être surpris par les enfants, les parents nus dans leur lit sans précaution non plus pour accueillir leurs enfants le matin. D'autre fois, la justesse d'un instant frappe le lecteur : la découverte des imposteurs sur l'application de rencontre pour libertins (de photographies très flatteuses, à des hommes ne recherchant que des photographies de nu), ou encore le retour à la maison après une soirée, en remerciant la grand-mère qui s'est occupée des enfants, et en s'excusant pour le retard. À une ou deux reprises, le récit combine les deux : par exemple quand Cathy se retrouve face à un partenaire lors d'une réunion professionnelle. Avec une certaine élégance, les auteurs parviennent ainsi à conserver une forme de romantisme fleur bleue au sein du récit qui s'avère très doux, et très prévenant vis-à-vis à des personnages et vis-à-vis du lecteur. Celui-ci s'est attaché à Cathy et à Dan, espère que leurs projets réussiront et qu'ils trouveront de la satisfaction dans leurs loisirs qu'ils réalisent en commun. La dernière petite histoire illustrée par Linda Sejic emmène le lecteur dans un rêve de Dan, de type Heroic Fantasy, pour lui donner envie de tester une pratique sexuelle inédite.


Deuxième tome de cette exploration du territoire échangiste : le lecteur retrouve des dessins doux sans être hypocrites, ne versant jamais dans la pornographie, avec une touche de romantisme fleuri. Cathy et Dan restent un couple uni souhaitant découvrir ce nouveau territoire ensemble, pour vivre un loisir de couple. Le récit se déroule dans un monde et un quotidien aseptisés, afin de ne pas perturber le fil directeur du récit. Pour autant, le lecteur s'est attaché à ces jeunes gens, et prend plaisir à satisfaire sa curiosité avec eux.

Presence
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le 13 nov. 2021

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