Le marshall fédéral Sykes est sur la trace d'une bande de hors-la-loi qui pillent, violent, tuent et détruisent tout sur leur passage. Après une brève halte à la ferme des Starret, où vivent une veuve et son jeune fils - sur lequel il fait forte impression -, il arrive dans la ville voisine en quête d'informations sur les bandits qu'il poursuit. C'est là que, le lendemain, le retrouve Jim, qui a miraculeusement réussi à échapper aux malfaiteurs qui ont violé et tué sa mère la veille au soir, quelques heures seulement après son passage. Accompagné de son fidèle second gun O'Malley, de l'Indien Renard Gris et - peu après - du jeune garçon, Sykes reprend la traque...
Paru en 2015 dans la belle collection Signé chez Le Lombard, ce one-shot raconte une histoire à première vue typique de l'âge d'or du western : celle d'une poursuite menée par un shérif inflexible, presque infaillible, incarnant une nouvelle figure paternelle pour le garçon orphelin. Mais, après ces prémisses classiques, Pierre Dubois vire progressivement au crépusculaire, mettant en lumière les doutes, les fantômes et l'amertume de son anti-héros, qui se transforme peu à peu en vestige d'une époque bientôt révolue. Brièvement tempérée par la rencontre amicale d'un couple de fermiers, la chasse à l'homme se fera sans cesse plus lugubre, morbide, et s'achèvera sur la victoire amère de la justice. Amère car baignée dans le sang, celui des bandits mais aussi d'un compagnon ; amère car annonciatrice de la fin de l'innocence de l'enfance pour Jim. Celle-ci interviendra quelques années plus tard dans l'histoire, l'album opérant sur la fin quelques bonds dans le temps surprenants au premier abord, mais servant finalement très bien le propos.
On sent, tout au long des 74 pages, une très grande connaissance du genre, et surtout un amour authentique pour celui-ci. Certaines scènes ne manquent pas de rappeler des passages mémorables de grands films, comme celle où un abruti en quête de gloire défie vainement Sykes, hommage à l'excellent La Cible humaine de Henry King (1950). Quant aux dessins, dus à Dimitri Armand, ils illustrent admirablement ce riche scénario. Les paysages grandioses de l'Ouest américain sont livrés avec abondance et fidélité, certains donnant l'impression de sortir tout droit des métrages d'Anthony Mann ou Delmer Daves. Les expressions des différents personnages (parmi lesquels on retrouve aussi les classiques barman de saloon, docteur, shérif local ou encore prostituée) sont également très bien rendues, et confèrent à cette agréable lecture une grande intensité émotionnelle.
Sykes est un superbe hommage au western, et même une déclaration d'amour, chaudement recommandé donc - et pas seulement aux amateurs du genre !