Cette longue série d'Histoires d'Osamu Tezuka témoigne de l'extraordinaire fécondité de son auteur, mais aussi de la variété de ses thèmes d'inspiration et des procédés de mise en scène de l'action. Rien que le dessin, simple mais maîtrisé et propre à bien rendre les personnalités, les sentiments, les expressions, donne à ces récits un intérêt autrement plus sensible pour le lecteur que les stéréotypes déshumanisés d' Astroboy.

Surtout, le côté autobiographique, humain, émotionnel de plusieurs épisodes, remue bien davantage le lecteur que les extravagances robotiques, exposées dans des cadres narratifs pas très bien balisés, qui se manifestaient dans Astroboy.

Tome 1 :

Destination 1985 : Trois enfants, promis à la misère et à la violence dans le Japon dévasté de 1945, se retrouvent magiquement en 1985; Ils constatent que, malgré leur horreur de la guerre, les Japonais de 1985 adorent les armes et la violence...
A la fois moral, tendre et quelque peu érotique.

Zéphyrus : Dans le Japon bombardé de 1945, un jeune garçon chasse les papillons pour les collectionner, spécialement dans une forêt où rôde un étrange enquêteur...
Sur la fuite des horreurs de la guerre dans une passion personnelle, un zeste de féérie, et sur l'implacable destruction de la nature par la folie furieuse des hommes...

La Montagne qui pleure : Avant la Deuxième Guerre Mondiale, un enfant, en quête de feuilles de peuplier qui lui permettraient d'échapper aux brimades dans sa cour d'école, fait la connaissance d'un curieux homme-serpent dans une forêt. Ce dernier lui prédit la guerre à venir et les malheurs du Japon...
Sur la violence scolaire, la fatalité de la guerre, la destruction de la nature par les hommes, et quelque peu de féérie mythologique.

Le Fils du parrain : Un gros costaud, fils de mafieux, terrorise ses camarades d'école. L'un d'entre eux finit par échapper à son oppression en lui dessinant des mangas...
Le dessinateur de mangas s'appelant Tezuka, difficile de ne pas reconnaître un caractère autobiographique à ce récit, où le héros, petit et malingre, finit par tirer profit de son art. Mais la guerre est au bout du couloir...

Forteresse de papier : En 1944, alors que tout le monde est convoqué au Japon pour participer à la guerre face à l'approche des Etats-Uniens, un jeune dessinateur de mangas emploie divers procédés pour diffuser ses dessins à un moment où l'on interdit les mangas pour économiser le papier. Son amour pour une jeune fille qui apprécie ses dessins va se trouver exposé aux horreurs de la guerre...
Autobiographique, et particulièrement tragique. D'autant que personne n'est à l'abri d'un retour de telles catastrophes.

Le Blues du ventre vide :
En 1945, dans le Japon occupé, un jeune dessinateur emploie tous les procédés pour manger au jour le jour, par exemple en volant des patates dans les champs. Une jeune fille intervient dans son coeur...
On dirait Seignolle parlant de la faim dans "Les Loups Verts". Bouffer devient l'obsession, et la misère radicale de beaucoup de Japonais est mise en scène. Avec l'amertume finale : entre la fin et l'amour, qui sera le plus fort ?

Décidément, bien plus intéressant que les histoires de robots géants qui cassent tout...

Tome 2 :

Le Môme Tombe-la-Pluie :

Un enfant, malheureux à l'école, rencontre dans une forêt de montagne le Môme-Tombe-la-Pluie et Papy Lave-Fayots, qui exaucent certains de ses voeux, en échange de la promesse d'une paire de bottes. Mais voilà, l'enfant oublie de tenir sa promesse jusqu'à l'âge adulte...

Nous voici en pleine féérie, avec ce relief particulier de l'imaginaire japonais qui crée des farfadets aux attributions bien précises. Le Môme Tombe-la-Pluie a beau avoir l'air sympathique, sa fonction est tellement étrange, et il rappelle tellement l'effrayant Bonhomme Pluie de Jean Ray, que nous sommes rapidement ramenés au niveau de l'imaginaire, mais aussi des terreurs enfantines. Ce récit pose la question : jusqu'à quand dure l'enfance ? Emouvant. Quelle maîtrise !

Tu-m'vois-pu Bouh ! :

Un enfant découvre un vieux tatami sale mais enchanté, habité par un farfadet, avec qui il noue une amitié étonnante...

Excellente féérie là aussi, placée au niveau de l'univers enfantin, et qui sait montrer combien la magie de l'émerveillement peut perdurer jusqu'à l'âge adulte. Magique.

Terre-Pure-Morve-au-Nez :

Après avoir hébergé une statue de bonze, un lycéen plutôt indécis de nature rencontre un gamin morveux qui exauce les souhaits quand on le mouche. Les souhaits sont parfois exaucés au-delà de ce que les héros peuvent assumer, mais ils transforment leur vie...

De vrais problèmes psychologiques et sociaux sont effleurés ici (le passage du Shinkansen ruine la buvette des parents du héros), mais l'attribut pipi-caca du magicien (ce gosse morveux) nous renvoie à l'enfance et à ses pouvoirs imaginaires. Drôle et gentil.

Aku-Emon le Mauvais :

Un guerrier d'une grande cruauté ravage une région, et il est protégé par un affreux gouverneur qui désire la peau de mille renards blancs. Ce guerrier se révèle en privé être un bon père de famille, mais les renards blancs, qui cherchent à survivre à ses persécutions commanditées par le gouverneur, vont intervenir dans sa vie.

Ce récit introduit une certaine complexité : l'affreux méchant trouve plus méchant que lui, et les animaux de rêve sont enchantés et peuvent se métamorphoser. Un quiproquo majeur constitue l'argument majeur du récit, où la férocité sanglante alterne avec des moments de vraie tendresse.


Tome 3 :

Ce volume rassemble des histoires animalières. Tezuka y fait valoir son talent à mettre en scène les us et mœurs de telles ou telles espèces animales, à les dessiner de manière différenciée (animaux jeunes, animaux adultes). Il introduit des éléments d'un merveilleux enfantin (les espèces vivantes communiquent entre elles : animaux, plantes, arbres, humains, et même une locomotive à vapeur ( !), et sont capables de sentiments de solidarité et d'altruisme.

Toutefois, la cruauté de la vie guette au coin de la page, et presque tous ces récits contiennent des éléments tragiques, ce qui en accentue le pouvoir émotionnel.

Le voyage de Roro :

Une louve meurt, tuée par un chasseur qui naturalise sa fourrure et l'expose dans plusieurs villes japonaises. Roro, son petit louveteau, d'abord accompagné de ses frères, puis tout seul, va accomplir un long voyage pour suivre cette exposition et récupérer ce qu'il pense être encore sa mère...

Récit assez mélodramatique, qui remue les tripes.



Musa, l'écureuil volant :

Musa, l'écureuil volant, est abandonné dès sa naissance par son père qui trouve qu'il a trop de petits. Un grand et vieil arbre, un camphrier, va prendre en charge la petite créature et l'accompagner dans la vie. Musa va se trouver en butte à l'hostilité des oiseaux locaux, et doit affronter un chasseur...

La relation entre Musa le grand camphrier est particulièrement émouvante, et plonge le lecteur dans une atmosphère magique.



Yaji et moi :

Un petit garçon assez en retard pour son âge vole Yaji, un rat de laboratoire sur lequel son grand frère effectue des expériences pour le rendre plus intelligent. De fait, Yaji va perturber la vie des hommes en révélant son intelligence...

Comme dans Musa, le thème de la misère par excès de natalité joue un rôle important.



Le retour de Yamataro :

Un ourson recueilli sur un bloc de glace flottant va faire l'apprentissage de la vie, aidé par une locomotive à vapeur, qui va faire preuve à son égard d'une touchante solidarité...

La nostalgie d'un Japon disparu flotte sur ce récit.



Le pont de Korosuké :

Un jeune chamois est coincé pendant des mois sur une passerelle faite de rondins. Un petit garçon, mais aussi un vieux chamois vont s'en occuper. Mais les hommes se rendent compte que les chamois deviennent trop nombreux dans la région...

Un petit mélodrame qui dresse sa cruauté face à la candeur enfantine.

Tome 4:

Muse et Don :

Une panthère douée de pouvoirs magiques protège un ancien site pharaonique de l'intrusion des fouilleurs. Don, un chien égyptien, et son maître japonais, vont s'attaquer à cette créature.

Mise en scène très réussie d'un site de fouille monumental en Egypte. Attaque de chacals, pièges mortels, parcours souterrains, extraterrestres, tendresse, amitié et solidarité entre animaux...

Sept bestioles dans le désert :

Deux policiers exterminateurs d'extraterrestres vont devoir côtoyer plusieurs de leurs prisonniers aliens lors d'une marche dans le désert. Ils en reçoivent des leçons de générosité, d'oblativité et de sacrifice.

Beaucoup de violence rageuse face à la noblesse d'âme des extraterrestres. Quelques mutations féériques.

Adachi-Ga-Hara :

Un tueur intersidéral est missionné pour exécuter une sorcière sur une planète. Laquelle sorcière ne lui est pas inconnue...

Réécriture sur le mode science-fiction d'une pièce de théâtre Nô parlant d'un démon cannibale. Tezuka y ajoute une émouvante tragédie amoureuse.


Tome 5:

Les Cent Contes :

Le samouraï Ichirui Hanri, impliqué malgré lui dans un complot contre son siegneur, doit se faire seppuku. Au dernier moment, la démone Sudama lui offre de réaliser trois de ses voeux, en échange de la signature d'un pacte lui vendant l'âme d'Ichirui.

Peu à peu, Ichirui va changer de vie, de caractère, d'identité, et devenir quelqu'un de brave et fiable...

"Les Cent Contes" sont un unique et long récit en quatre parties, qui occupe tout le tome 5. Il fait largement appel au féérique japonais (démone, magicienne renarde, sorcière et ses philtres, montagne maudite et hantée; délectable danse de démons pages 68 à 70)

Le personnage de Sudama est touchant: elle se dépense sans compter pour venir en aide à son protégé, et tombe amoureuse de lui, ce qui finit par modifier les clauses du pacte signé. D'intéressants motifs d'ingestion-déjections réciproques.

Les enjeux psychologiques de ce récit sont la réussite de sa vie après un départ malheureux, l'apprentissage du courage, de l'amour et de la responsabilité. C'est aussi un appel quelque peu anarchiste en faveur de la vraie vie, celle du labeur quotidien et de la vie honnêtement méritée, par opposition à la cruauté et aux extravagances des seigneurs et chefs politiques.

Tezuka, à trois reprises, se met en scène lui-même sous forme de clins d'oeil au lecteur, et introduit pour s'amuser une image d'Astroboy qui n'a rien à faire là (page 128). Allusions à des films de Yakuzas et à Popeye (pages 193 à 195).


Tome 6 :

Le Cerveau de Cristal :

Une petite fille, née lors d'un accident qui a coûté la vie à sa mère, est vouée à un sommeil permanent. Réveillée à 17 ans par le baiser d'une jeune garçon, elle doit grandir psychiquement et trouver le bonheur en cinq jours, avant de se rendormir.

Très jolie et mélancolique variation sur le thème de "La Belle au Bois Dormant", qui associe la conscience du réel et l'impureté.

Invitation au grotesque :

Une petite fille s'incorpore tout ce qu'elle aime, en en prenant provisoirement l'aspect. Cela peut poser problème, en amour comme dans d'autres circonstances...

Entre thème de l'ingestion-assimilation, de la mutation, et un certain mysticisme cosmique, Tezuka retrouve quelques grandes structures de l'imaginaire.

Les fiancés du Ringel-Rock :

Dans un monde où le moindre détail de votre personnalité et de votre avenir est prévu par des ordinateurs, est-il possible d'échapper à une fatalité planifiée ?

L'insertion de cette problématique dans un cadre futuriste, agrémenté de quelques jeux de mots, donne une tonalité assez légère au récit en dépit de la gravité de la réflexion.


Une fille dans le vent :

L'image d'une jolie fille sur une affiche publicitaire se met à communiquer avec le garçon qui est fasciné par elle; il ne veut plus s'en séparer, et l'emmène partout...

Tezuka développe ici le thème de la force de l'image, et des effets produits par le temps sur une représentation idéale.


La dimension zéro :

Un enfant, puis plusieurs autres, affirment qu'ils ont vécu au Vietnam, dans des circonstances tragiques, alors que ce n'est pas le cas...

Visiblement inspiré des recherches de Ian Stevenson sur les témoignages de réincarnation formulés par des enfants, ce récit comporte une dimension tragique, mais se refuse prudemment à apporter une explication bien précise au phénomène.


Tome 7 :


La Maison OBA :

Les êtres surnaturels de la forêt de Musashino (lutins et yokaï) sont bien obligés de partir quand les hommes détruisent cette forêt pour construire des immeubles à la place. Ils deviennent habitants de l'un de ces immeubles, en se métamorphosant pour dissimuler leur morphologie surnaturelle. pour se venger, ils mettent la main sur un enfant perdu, qui aspire à devenir mangaka; ils comptent l'instrumentaliser, en développant chez lui le cynisme et la violence, pour qu'il s'attaque aux hommes...

Jolie fable, au contenu hélas trop justifié par l'ignominie prédatrice des hommes. Une figure d'enfant prise entre entre la dégradation morale et le besoin d'amour maternel. Auto-mise en scène de Tezuka sous la forme d'un mangaka, qui se cite lui-même comme référence... Rendu très réaliste des bruits produits par les engins de chantier...


La Maison OBA (deuxième partie) :

Les créatures surnaturelles de la Maison OBA cherchent à se venger du promoteur immobilier qui a fait détruire leur forêt. Sortilèges et fantasmagories au menu...

Ecrit sur un ton plus fantaisiste que l'épisode précédent, cet épisode remet en scène le jeune Takashi, sous un jour plus sympathique, et son amoureuse féérique...


La marche de Tenteke :

Un vieil homme cherche sans succès à léguer à son fils son goût et sa virtuosité pour jouer du tambour japonais. Le dit tambour est fait avec le bois d'un cyprès habité par une nymphe; celle-ci ne laisse produire des sons harmonieux au tambour issu de son arbre que si le joueur est un vrai virtuose... Il faudra deux générations et les horreurs de la guerre pour que le tambour trouve un joueur au goût de la nymphe...

Très enraciné dans un art typiquement japonais, et dans des traditions animistes charmantes, ce conte met en valeur la fidélité aux traditions familiales, et introduit les traumatismes liés à la guerre...


Yotsuya Kaïdan :

Le jeune Tezuka, qui dessine ses mangas à Tôkyô pendant un été torride, est persécuté par les malfaisances d'un gamin borgne qui se réfugie dans un temple hanté par le spectre d'O-iwa, une très belle femme également borgne. L'enfant est appelé à perdre l'usage du seul oeil qui lui reste...

Derrière cette trame mélodramatique, Tezuka intervient en personne, mariant harmonieusement la féérie et les horreurs de la guerre. L'idée originale du récit est inspirée d'une pièce de kabuki de 1825, qui raconte la vengeance d'O-iwa, une femme ayant perdu un oeil à la suite d'une tentative d'empoisonnement de la part de son mari. Le mélange des époques et des problématiques donne un cachet très personnel à ce récit - un rien érotique, et l'enracine totalement dans la culture japonaise.



Tome 8 :


Shiranui :

Un jeune garçon se désole que son grand frère, engagé dans une entreprise de travaux publics, travaille à détruire la mignonne petite baie à laquelle sont attachés tant de souvenirs d'enfance. Une étrange petite fille rôde dans la zone de ce qui a été la baie autrefois. Les relations entre les deux frères s'enveniment...

Récit protestataire contre la folie bétonneuse du Japon, tout empreint de la nostalgie de l'enfance et de ses émerveillements.

Sept jours d'angoisse :

Un jeune garçon se réveille un matin dans sa chambre, complètement isolée dans un vide lourd d'une brume compacte. Puis, jour après jour, des éléments apparaissent dans l'ordre où Dieu les a créés dans la Genèse. Cette aventure marque la fin du monde voulue par Dieu, que le jeune garçon va essayer de faire changer d'avis...

Réécriture très onirique de la Genèse, mettant en scène la vision pessimiste d'un Dieu très déçu par les hommes. Des images primordiales prenantes, comme l'isolement dans un cocon de brouillard. Poétique, et fort justement pessimiste...


Effondrement :

Dans l'Antiquité, un conquérant grec s'attaque à une région de Mésopotamie ancienne, y enlève la fille d'un pauvre paysan. Le frère de la fille part à sa recherche, et invoque l'aide d'Odin, son Dieu à lui...

Toute la brutalité des conquérants et l'absurdité des conquêtes incessantes. Belle idée que de faire s'affronter des religions issues de cultures très différentes, qui ne se sont guère connues...


Planète lointaine :

Un explorateur de la planète Mars, dont seul le cerveau subsiste dans un robot pour résister aux conditions environnementales de la planète, recherche son corps humain dans lequel on a transféré un cerveau de robot, qui lui-même recherche un autre robot dont il est amoureux...

Jolie fable sur l'identité, l'amour, la xénophobie, dans un cadre de science-fiction qui sent pas mal l'esthétiques des années 1960-1970...


Tome 9 :

Les Deux Shôgun.

Un gosse de riche désespère son père en ne fichant strictement rien à l'école. Sa seule passion est d'entretenir une armée de chats dans une cabane. Une de ses chattes, Pink Lady, prend son apparence pour réussir à l'école à la place de notre fainéant...

Quiproquos, magie animale, jalousies amoureuses et conflits entre lycéens sont au programme de cette histoire qui s'amuse beaucoup avec les changements d'identité. On note, page 5, une réplique où Tezuka se tourne lui-même en dérision, et, page 79, une citation textuelle d'une chanson de Jacques Brel...


L'Etranger.

Un jeune garçon se comporte de manière paranoïaque, remettant en cause les identités, les projets, les intentions de toutes les personnes de son entourage, y compris ses parents. Il s'imagine être manipulé , observé, espionné en permanence. Est-il vraiment fou, ou bien... ?


Belle mise en scène de la paranoïa, et de l'attitude de détachement et d'incrédulité vis-à-vis du réel que nous éprouvons à certains moments. Cette fiction pousse jusqu'au bout cette logique, sur le mode onirique.


La salle de classe condamnée.

L'histoire d'une jeune garçon doté de pouvoirs psychiques, qui déplace les objets qu'il convoite pour se les approprier, et qui finit par provoquer des phénomènes catastrophiques de poltergeist, avec une jolie fille au milieu.

Intéressante incursion, évidemment quelque peu exagérée, dans le domaine de la parapsychologie. Belle montée du mystère, avec un jeune héros un peu pervers quand même...


Tome 10 :

L'Ange Impudique.

Une fillette nue débarque au Japon sur un bateau étatsunien, et compromet un journaliste, qui revient d'un reportage à Saïgon (fin de la Guerre du Vietnam), en embarquant clandestinement dans sa voiture des documents militaires. Cette fillette a des souvenirs d'avoir été jetée dans un bateau par ses parents pour être sauvée, alors que les parents restaient à terre. La fillette a de curieux talents au jeu...

Réflexion un peu cruelle sur le devenir des pays en guerre et sur la férocité de la jalousie féminine. Tezuka ne montre pas une grande confiance sur les capacités de l'humanité à s'améliorer dans le futur...


Sérénade pour un nombril.

Un jeune garçon, complètement obsédé par l'idée de devenir célèbre à tout prix, essaie tout et n'importe quoi pour y parvenir. Lors de l'un de ses nombreux ratages, il est recueilli par un femme qui l'opère et et prétend lui avoir introduit une bombe atomique sous le nombril, moyen radical de le rendre célèbre...

La fée qui réalise les voeux ici, a le look d'une chirurgienne, et la facétie sur la bombe atomique et la guerre froide date un peu. Mieux vaut en rire. C'est ce que fait Tezuka, mais le rire est un peu jaune. Ironie sur l'intelligence des mangakas formulée au passage.


La Lune et les Loups.

Deux clochards errent dans les rues d'un New York du futur. A bout de ressources, ils s'emparent d'un vaisseau spatial en espérant trouver mieux très loin. L'un d'entre eux tombe sur une planète, où un lézard alien assez décoratif entreprend d'en faire un vigoureux guerrier...


Récit finalement aimable et sans prétention, qui vaut surtout par le style graphique des décors futuristes et des vaisseaux spatiaux, très BD petit format des années 1950-1960. On aime bien l'idée d'un vaisseau spatial qui se scinde comme une cellule vivante, et qui est d'ailleurs représenté comme un virus dans les publications de vulgarisation scientifique. Dans cette atmosphère godzillesque à deux balles, un élément intestinal vient relever le parfum général de la narration... Clind'oeil d'un des personnages à la toute-puissance de Tezuka en tant que mangaka.


Le Palais de ceux qui ne prennent pas le même chemin que tout le monde.

Un jeune garçon entre au Kidôkan, "Le palais de ceux qui ne prennent pas le même chemin que tout le monde", afin d'y devenir instructeur. Il ne peut y être accepté que comme élève, et le caractère farfelu des activités pratiquées ne manque pas de l'étonner...

Fable sur la créativité personnelle, moquée par la foule et suspectée par les autorités. L'espèce d'Abbaye de Thélème où débarque le héros tient de la communauté soixante-huitarde et d'un club de Professeurs Tournesol... Soyez vous-même !


Tome 11 :

Les Chevaux du Diable / Le Club de Karaté / Les Abeilles / Le Complot des Envahisseurs.

Ces quatre histoires n'en forment qu'une : l'action se poursuit en continu d'un récit à l'autre.

Le thème central est celui d'un invasion de la Terre (mais ici, principalement du Japon) préparée par des extraterrestres : ceux-ci introduisent dans la vie quotidienne des Japonais des robots à eux, les Grandolls (Grand-Dolls = grande poupée), qui remplacent à l'identique de vrais personnages retirés de la vie courante. Ces Grandolls sont des agents dormants : ils cultivent un extrême conformisme et se font remarquer aussi peu que possible jusqu'à ce qu'ils reçoivent le signal de passer à l'action, en provoquant et soutenant des émeutes. Les Grandolls reprennent leur forme de base (un petit pantin de bois) lorsqu'ils sont piqués dans le cou. A l'inverse, ils reprennent la forme pour laquelle ils sont programmés quand ils sont stimulés de manière tactile. Sur cette toile de fond , un garçon, Tetsuo, va rencontrer une fille Grandoll...

Ce long récit met en convergence plusieurs thèmes. D'abord, il exploite le côté effrayant des manifestations de masse irrationnelles et revendicatrices des années 1965-1970. On commence d'emblée par le pullulement de la foule chinoise sur la place Tian An Men, à Beijing, pendant la Révolution Culturelle chinoise. Puis ce sont de violents mouvements d'étudiants au Japon, contre la Guerre du Vietnam et autre chose...

Tezuka, lors de ces mises en scène, place en évidence la déshumanisation de l'individu, asservi à répéter et imiter les mouvements et les vociférations de la foule. Les Grandolls ne font pas autre chose que se conformer à ce panurgisme qui, eût dit Einstein, ne nécessite nullement un cerveau, masi seulement une moelle épinière. La terrifiante identité de tous les Grandolls est suggérée par le dessin fantasmatique d'une foule composée de clones parfaits, page 25. De même, l'ordre mécanique étonnant dans lequel défilent les étudiants, pages 179 à 182, suggère l'intervention de robots, et non pas l'anarchie hurlante des manifestations spontanées.

De ce fait, une leçon morale à tirer de l'introduction de Tetsuo dans l'histoire, c'est que, pour ne pas ressembler à un Grandoll (qui a vocation à détruire la société), il faut affirmer son point de vue personnel sans craindre de prendre le contrepied de la masse, dont il est nettement mis en évidence, ici, qu'elle répond à de basses motivations (peur, cupidité...). Le conformisme grisaillant est donc destructeur, on est heureux d'entendre Tezuka le dire.

Bien entendu, Tetsuo en prend plein la gueule (au sens strict) dès qu'il contredit le club de karaté de son école, mais il va finir par se faire un copain de son épais tortionnaire pour lutter contre les extraterrestres. L'itinéraire de Tetsuo, qui remet systématiquement en question l'identité de toutes les personnes qui l'entourent, rappelle celui de "L'Etranger" (récit placé dans le Tome 9).

La variété du récit vient de ce que les sentiments amoureux interfèrent avec les projets d'invasion de la terre (thème classique), et que les Grandolls qu'on rencontre sont programmés pour prendre des formes parfois étonnantes.

L'intéressante conclusion tend à montrer que les Grandolls, extraterrestres ou pas, sont des conformistes suiveurs de mouvements de foule, et à ce titre destructeurs de la société. Il est rare que Tezuka donne une morale politique à suivre dans la dernière image de ses récits. C'est le cas ici : soyons vigilants ! Les Grandolls sont autour de nous !


Tome 12 :

Jack Raygun dans : L'Homme au Colt-Laser.

L'aventurier Jack Raygun descend de sa fusée après une longue absence. La Terre a bien changé : Tôkyô est devenue un souterrain, et la surface est un désert à cause de la radioacitivité. Jack Raygun sympathise avec les robots de surface, qui mesurent la radioactivité, mais celle-ci, justement, baisse pas mal...

Bref récit héroïque, mettant en scène un personnage inspiré de l'acteur Ronald Reagan (qui s'est reconverti depuis...). Souvenir évident de l'atomisation du Japon, avec des robots sympathiques et très humains (thème récurrent chez Tezuka). Le récit tourne court de manière plutôt âpre et décevante.

La Ferme Humaine :

Plusieurs personnages, qui vivent et travaillent à Tôkyô, sont déprimés par le caractère répétitif et prévisible de leur quotidien. Ils se retrouvent à un rendez-vous donné par un astronaute, qui les emmène sur une autre planète. Ils y trouvent un curieux double de leur ville d'origine, aménagée par des extraterrestres qui ont des projets d'invasion de la Terre...

Thème de la "ferme humaine": colonie d'humains organisée et scrutée par des aliens qui veulent en savoir plus sur leur espèce. Intéressants vaisseaux spatiaux style années 1950-1960, avec de gros ailerons pointés vers l'avant (ce qui n'est pas commun). Les vaisseaux aliens ont un forme globulaire hérissée de pointes, qui les apparente à des virus, mais aussi aux vaisseaux Atlantes de "L'Enigme de l'Atlantide", de Jacobs.

Les Trois Hommes qui pouvaient voir le futur :

Après un voyage interplanétaire, les voyageurs, ayant évolué dans une "temporalité différente", ont acquis le pouvoir de voir ce qui va se passer. Cela intéresse certains malfrats...

Bref récit sur un super-pouvoir, trop brièvement exploité en raison même de la faible longueur de la narration.

Il y a un fou parmi nous !

Dans un vaisseau spatial qui a pour mission de faire sauter une petite planète devenue dangereuse, l'information se propage : l'un des membres de l'expédition a reçu par erreur une injection qui va le rendre fou et dangereux. Qui est-ce ?

Très bonne mise en place d'un suspense en vase clos, que malheureusement la brièveté du récit ne permet pas de développer.

S.O.S. La Terre :

Dans un centre terrestre de secours aux voyageurs interplanétaires en difficulté, un message de détresse parvient en provenance d'Alpha Centauri. Le sauveteur part porter assistance aux navigateurs en perdition.

Intéressant paradoxe spatio-temporel, pas très facile à rendre réaliste...


2 moins 2 égale 2 :

Dans le futur, deux mafieux se font construire des doubles robotiques à leur image pour mieux échapper aux coups durs. Sauf que ces doubles n'ont pas tout-à-fait ni le même caractère, ni les mêmes projets que les originaux...

Intéressante variation sur le thème du double, du Bien et du Mal, et de la Robotique, si prisée par Tezuka !


L'ombre dans le filet :

Un jeune garçon devient très fort au base-ball chaque ois qu'il boit d'un petit flacon. Son rival au base-ball, très jaloux, veut lui arracher son secret...

Récit quelque peu tragique sur le thème du double, de la rivalité sportive, avec un paradoxe final...


Le Bathys n'est jamais remonté :

En pleine mer, un navire d'observation météo se fait attaquer par de curieuses masses gélatineuses lumineuses, pas loin de l'endroit où un sous-marin nucléaire, le Bathys, est supposé avoir sombré...

Bon suspense : blobs gélatineux agressifs, thème de la mutation liée à la radioactivité, avec un curieux capitaine Nemo au nez recourbé...


Zéo le Grand :

Un robot géant est trouvé dans la glace en montagne. Il est ramené et décongelé en ville, où il se met à faire pas mal de dégâts. Sauf que ces dégâts ne sont pas dépourvus de signification morale...

A nouveau un robot plus moral que les humains, en croisant avec le thème d'Hibernatus et de King-Kong...


Tome 13 :

Les Shinsen-Gumi :
* Premier chapitre : Quartier Mibu
* Deuxième chapitre : Yaé
* Troisième chapitre : Pluie Soudaine
* Quatrième chapitre : Fleur coupée
* Cinquième chapitre : Troisièlme district.

Un jeune garçon, Fukakusa Kyûjûro, s'engage dans l'organisation officielle des Shinsen-Gumi : ce sont des combattants dont la mission est de défendre la sécurité publique contre les règlements de comptes quotidiens entre samouraïs révolutionnaires et contre-révolutionnaires. Entraînement, coups de sabre, combats, traîtres brutaux, ennemis chevaleresques, sabre magique (page 99), tortures (pages 197-200), trahisons, vengeances et vendettas de clans...

Ce long récit, découpé en cinq chapitres, est charpenté par une tension suffisante pour que l'intérêt se soutienne jusqu'au bout. Beaux exploits au sabre, combattants invincibles ou presque, dureté de l'entraînement au combat, avec les thèmes classiques du père à venger, de la fille de l'assassin qui veut se venger de la vengeance (Rodrigue et Chimène ?).

Ce récit, fantaisiste dans les détails (et reconnu comme tel par Tezuka lui-même), nous renvoie au temps de l'anarchie féodale, où le shogunat (Bakufu) s'efforce de pacifier les luttes quasi mafieuses entre clans féodaux de samouraïs (souvent au chômage : les rônins), les uns anti-occidentaux, les autres favorables à la modernisation du Japon.

Belle restitution malgré tout des tenues de combats (ces longues jupes ou pantalons amples des samouraïs), des tambours japonais (page 32), de cimetières à stèles (pages 177-178, page 218), de forêts de bambous (page 66). Pluie diluvienne japonaise ("Zass !") presque hollywoodienne (pages 150 à 160). Très beau combat sur fond de feu d'artifice (pages 205 à 211).

De l'humour : les déplacements guerriers des combattants transformés en ballets de "West Side Story" (pages 80-83), l'ami du héros très (trop) friand de gourmandises à base de haricots rouges sucrés (shiruko).


Tome 14 :

Ce volume regroupe des histoires de fantastique et d’horreur. Tezuka y réussit particulièrement bien.

La Courtisane :

Sur le modèle de l’écrivain chinois Pu Songling, Tezuka attend devant sa porte des passants qui doivent lui raconter une histoire d’horreur en échange de tabac. Le premier lui raconte l’histoire de l’esprit d’un camphrier qui, promis à l’abattage, apparaît pour demander qu’on lui laisse la vie. L’histoire principale est celle d’un jeune soldat, qui refuse de dessiner des thèmes guerriers, et qui est aveuglé par ses supérieurs pour ce manque de patriotisme. Néanmoins, il persiste à peindre...

Pu Songling a réellement existé. Auteur des « Contes Extraordinaires du pavillon du loisir » (traduit chez Gallimard). Tezuka se montre ici auteur d’histoire de fantômes, mais des fantômes issus d’êtres non humains dans la tradition animiste : l’esprit d’un arbre, l’esprit d’une araignée, « La Courtisane ». Tragédie, cruauté et romantisme marquent ce récit. Tezuka se met lui-même en scène de manière plutôt comique.

O-Tsune :

Rappel de la tradition chinoise sur des renards surnaturels qui interviennent dans la vie des hommes, comme dans l’oeuvre de Pou Songling. Un passant accro au tabac raconte à Tezuka la brève histoire d’une femme-renard intoxiquée avec des pesticides. Puis Tezuka raconte une histoire où, en temps de guerre, des savants cherchent à tester un nouveau poison sur des animaux, puis sur un humain. Un jeune garçon simplet qui s’occupe d’animaux encagés est visé...

Histoire assez traditionnelle d’un renard qui prend une forme féminine pour soutenir et assister le héros innocent. L’horreur est surtout dans un des effets secondaires du poison.


Jumbô :

Une araignée mortelle épouvante les passagers d’un avion en plein vol...

Thème ultra-classique du thriller dans un espace clos et isolé. Les personnalités se révèlent, et l’araignée est en effet inquiétante. Le dénouement, relativement optimiste, pointe du doigt certaines moeurs économiques du Japon. Ce récit est particulièrement bien réussi.

La terre des Hommes-Tigres :

Un reporter de télévision, qui ne croit qu’à l’audimat et aux lois du marché, entreprend un reportage dans un coin perdu de Bornéo pour rencontrer les légendaires hommes-tigres. Ceux-ci ont la réputation de guérir les maladies en procédant à un échange temporaire des esprits entre le malade et un animal. Bien entendu, le reporter va commettre une gaffe majeure...

Plusieurs thèmes harmonieusement exploités : la tribu encore inconnue de nos jours au fond d’une jungle, l’évolution distincte d’un groupe humain à partir d’un ancêtre commun, les racines animales de l’être humain les pratiques animistes et chamaniques. Beaux décors de jungle (avec une caverne dont l’entrée fait très sexe féminin : régression vers l’origine ?), et conclusion fantastique.


Tome 15 :

L'Immeuble a des yeux :

Dans la rue, un jeune marchand de journaux croit voir des fantômes à travers les fenêtres d'un hôtel devant lequel il travaille. Il enquête...

Tezuka a pris pour source d'inspiration une illusion d'optique qui l'a impressionné quand il était jeune. Cette brève histoire de jeux de miroirs utilise le sentiment de modernité et de mystère qu'inspirent les grands bâtiments construits en béton, verre, plastique et aluminium. Un peu le principe du train fantôme des fêtes foraines...


Le Bruit de l'enfer :

Un grand criminel s'évade de prison grâce à l'aide d'un petit oiseau qui lui apporte la seule tendresse de sa vie. Mais une fois dehors, il se rend compte que la fidélité de cet oiseau peut le faire repérer...

Le côté mélodramatique de ce récit s'insère dans une aventure assez violente. Tezuka représente parfois la démarche de certains de ses personnages de manière un peu comique : la jambe qui est lancée vers l'avant semble en réalité être lancée sur le côté, ce qui donne un côté chorégraphique qui limite l'anxiété ressentie par le lecteur. Intéressante idée d'une opération de chirurgie esthétique inachevée...


Mission secrète n°3 :

Echange d'identité entre deux jeunes garçons, héritiers de deux clans mafieux ennemis, dont l'un veut détruire le tunnel sous-marin que construit l'autre...

Sur un thème qui rappelle un peu "Roméo et Juliette" (mais pas de fille à l'horizon), mise en valeur de la pureté et de l'idéalisme de l'enfance face à la sordide brutalité des adultes.


Sept heures du matin dans les sous-sols :

Des bandits cherchent à placer une bombe dans un hôtel pour tuer un savant qui y réside. Ils choisissent de l'installer dans une chambre où un jeune garçon veille sur son père malade...

Scènes de bagarres, avec une conclusion assez ironique.


Le fantôme de la base aérienne :

Sur une île occupée par l'armée pendant une guerre, un fantôme apparaît de temps à autre. Un jeune soldat enquête.

Pas de surnaturel ici, seulement une histoire assez tragique de trahison... Une particularité : un rocher en forme de pistolet.


Tu es tout seul maintenant :

Une armée étrangère envahit un village. Trois jeunes garçons risquent leur vie pour aller prévenir une localité voisine de la menace qui pèse sur elle.

Histoire de traque et de fuite. On apprécie l'ingéniosité des ruses mises en oeuvre par les enfants. La conclusion met en valeur la tragique absurdité de la guerre.


La famille Dawson :

Dans un contexte de Far-West, une famille de hors-la-loi se retrouve au moment de la mort du père, qui leur révèle l'existence de 10 000 dollars enterrés sur leurs terres. Les hors-la-loi recherchent ce trésor, ce qui devient compliqué par leur méfiance réciproque, et l'arrivée du seul frère de la famille qui soit devenu shérif...

Réécriture, dans un cadre "western", de la fable de La Fontaine, "Le Laboureur et ses Enfants". Et le thème du policier membre d'une famille de malfrats rappelle "La Honte de la famille", de Charles Exbrayat. Les abjections liées à la cupidité sont bien mises en valeur dans ce récit.


Vanité :

Un jeune homme, qui conduit une voiture, est forcé par son passager de rouler toujours plus vite. Un accident survient. Le jeune homme doit reconstituer son passé, mais il a désormais la phobie de la conduite automobile...

Histoire assez bien construite de bandits et d'amnésie. La même scène de conduite automobile suicidaire reprise plus loin dans le récit fait son effet.


Trois points d'Histoire :

Un jeune garçon, qui a raté un test scolaire, reste le soir à l'école car il est puni. Il fait la connaissance d'un étrange camarade, qui a vécu l'Histoire différemment, et à eux deux, ils voyagent dans le temps pour remettre les faits historiques dans le sens conforme à ce que l'on en sait.

Fable sur le voyage dans le temps, les univers alternatifs et les difficultés de l'apprentissage scolaire. Joli monstre coiffé d'une assiette où s'empilent les générations issues de sa descendance...




Tome 16 :

Ce volume affirme recueillir des histoires des science-fiction. Mais, manifestement, tous les récits ne relèvent pas de ce genre.


Le Chat Vert :


Un Chat Vert extraterrestre soutient un jeune garçon dans des aventures mouvementées, en particulier dans ses luttes contre des hors-la-loi. Mais le garçon perd le sens de la morale.

La densité du récit sent le travail de commande ciblé. Parmi les éléments remarquables : le thème de l'amitié entre humains et "aliens", toujours d'actualité; le thème du père qui néglige son fils; une course qui déchire les limites des vignettes (page 20). La conclusion tend à ramener le garçon à la réalité. Educatif, en somme, mais beaucoup plus violent qu'un épisode de Doraemon, pourtant proche pour l'idée de base.


Le Rayon Noir :

Dans un Tôkyô futuriste, un homme barbu se livre à plusieurs assassinats. Il se révèle qu'il s'agit d'un hors-la-loi qui, pendant son exil sur Mars, a trouvé le secret de la Vie...

Intéressante vision, un peu mystique, d'une énergie cosmique qui confère l'immortalité... à condition de se nourrir de la vie des autres. Le dessin, rond et naïf, exagère les postures et les réactions physiques des personnages. Deux personnages policiers comiques, entre le maigre qui se presse sans cesse et le gros qui prend son temps...


Les Monts de la Peur :

Un jeune sismologue est menacé par des malfaiteurs qui lui disent de s'écarter d'une région montagneuse...

A un récit classique de convoitises mafieuses se mêle un personnage de vieille femme censée prévoir les séismes. La tradition japonaise est triplement exploitée : yakuzas, sorcières, séismes... Page 110, une initiation aux mécanismes des séismes est incluse dans l'action. Tezuka est familier de ces inserts pédagogiques. Le véritable ennemi ici, c'est le tremblement de terre qui menace le Japon.


Capitaine Squelette :

Dans le futur, le Capitaine Squelette a pour mission de transporter des enfants choisis au hasard sur la face cachée de la Lune pour alléger la surpopulation terrestre. Cette fonction le fait universellement détester...

Joli essai de modernisation d'un mythe japonais mettant en scène une déesse mère des ogres. Le rappel de cette ancienne légende commence au milieu de l'action, après quoi seulement intervient le récit. C'est la technique du prégénérique. La tragédie des parents privés de leurs enfants est soulignée, et on reconnaît dans l'intrigue la hantise très japonaise de la surpopulation - à laquelle ils ont su remédier après 1945. L'introduction du Capitaine Squelette est réalisée sur le mode de l'opéra (mise en valeur visuelle du personnage principal, tandis que des choeur sont en train de chanter tout en travaillant aux ordres du Capitaine.

Sa fusée fait très années 1950 (le gros suppositoire à ailerons), et les problèmes relatifs au voyage vers la Lune ne sont pas sans rappeler "On a marché sur la Lune", de Hergé : les liquides qui se mettent en boule, les passagers écrasés ou flottants au gré des variations d'accélération... Reflet des préoccupations techniques de l'époque. La fin cherche une certaine morale, mais au prix d'un nouvel élément peu vraisemblable.


Tome 17 :

Le Spatiodrome.

Dans un décor de space opera, un bandit spatial, "Le Lézard de l'Espace", écume les alentours d'une énorme station spatiale-relais, le "Spatiodrome". Il se livre à toutes sortes de crimes et détient des enfants en otage. Deux jeunes garçons vont s'attaquer au bandit...

Conçu pour être un récit d'une certaine ampleur, le récit ne manque pas d'aspects intéressants, en dépit de la banalité de l'argument de base. Vaisseaux spatiaux et spatiodrome font très années 1955-1965 (pages 4 à 6, page 77) : anneaux, boules entourées de plusieurs cercles, parapluie vénusien (si !), hémisphères.... Phénomènes de gravitation artificielle amusants page 11; grande diversité des races vivantes dans ce spatiodrome, dont les plus sympas sont des militants pacifistes à l'échelle de l'univers, les habitants de l'étoile Capella, dont la tête rappelle les pédoncules optiques des escargots. Intéressante recherche sur les langages extraterrestres (page 79), chacun étant marqué d'un caractère consonantique ou vocalique personnel. Amusants personnages de deux "Pieds Nickelés" qui vendent tout et n'importe quoi à ceux qui déambulent dans le spatiodrome. Moralement, beaucoup d'innocents meurent, mais Tezuka n'évacue pas l'éventualité d'une rédemption pour les deux principaux méchants. Le voyage que font les jeunes héros pour trouver une "machine à rendre bons les mauvais" est d'une grande naïveté, mais témoigne d'une vision intégratrice de la société.

Vers la fin, réapparition d'un thème japonais récurrent chez Tezuka : les séismes. Naïf et cruel, mais plein de créativité.


La Frontière Folle :

Dans l'Antarctique, de nombreuses personnes cherchent à fuir le totalitarisme du pays "Red Bear" pour gagner le pays voisin, symbole de liberté, "Blue Joy". Bien entendu, la police de "Red Bear" n'entend pas laisser faire...

Métaphore très transparente des enjeux de la Guerre Froide entre le "Red Bear" soviétique et le "Blue Joy" étatsunien, le récit place la frontière entre les deux dans une portion internationale de la surface terrestre : l'Antarctique (alors que l'Arctique serait plus approprié entre Etats-Unis et U.R.S.S.). Des jeunes vont tenter de faire passer la frontière à des fuyards. Laquelle frontière se déplacer bizarrement.

Le récit n'est pas très réussi : des longueurs inutiles alternent avec des ellipses et des raccourcis déroutants. C'est une des histoires les moins bonnes de la série.


Balles sauvages :

Etats-Unis, fin de la Guerre de Sécession. Un jeune soldat sudiste rentre chez lui après avoir pris le goût de la délinquance et de crime au cours de la guerre. Sa famille ne s'attend ni à le revoir vivant, encore moins à le découvrir sous l'aspect d'un hors-la-loi...


Ca tire dans tous les coins dans ce récit, sans grande utilité. Là aussi, des naïvetés caricaturales sans grand intérêt, dont l'intervention finale des Apaches... Travail brouillon, malgré quelques points intéressants, comme le personnage du soldat "Demeuré"...
khorsabad
8
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le 2 juil. 2012

Modifiée

le 19 juil. 2012

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