Ce tome contient les 6 épisodes de la minisérie du même nom, initialement parus en 2002, écrits et dessinés par Jim Starlin, encrés par Al Milgrom. Dans la chronologie de Thanos, ce récit se situe entre Infinity crusade (1993) et Marvel Universe: the end (2003).
Quelque part dans un lieu confiné et sombre, un être à la peau verte et à l'apparence extraterrestre s'interroge sur l'endroit où se trouve une autre personne indéterminée. Ailleurs dans l'espace, Adam Warlock soliloque, faisant état de la folie qui s'est emparée de lui et évoquant la situation en cours. Gamora, Captain Marvel (la version Genis-Vell, voir First contact de Peter David), Spider-Man et Doctor Strange se trouvent sur Terre dans le terrain autour d'une maison de banlieue, tous désemparés par une menace invisible et inéluctable. Warlock remonte plus loin dans le temps pour montrer comment tout a commencé pour Thanos (avalé dans un trou noir). 2 superhéros (Gengis-Vell et Doctor Strange) ont découvert chacun de leur côté une singularité en forme de cube lactescent. Pip le troll s'est fait passer pour un psychiatre pour récupérer Adam Warlock dans un asile et le ramener dans son cocon à Thanos. Pendant ce temps là, Gamora découvrait un Thanos dans une sorte d'armure technologique convertissant les foules à un nihilisme primaire, sur une planète écartée.
Presque 10 ans après le dernier crossover estampillé Inifinity, Jim Starlin revient à ses personnages de prédilection dans l'univers Marvel : Thanos, Adam Warlock et les personnages secondaires afférents (Pip, Gamora et Moondragon, il ne manque à l'appel que Drax pour reconstituer l'Inifnity Watch). Cette fois-ci, il n'est pas question de crossover généralisé à l'ensemble des séries Marvel, mais d'une histoire auto-contenue qui ne doit pas mettre le bazar dans d'autres titres. Les Avengers font une courte apparition 2 pages), les Defenders originaux également (Hulk, Namor et Silver Surfer, 2 pages aussi). Starlin n'emprunte donc que Spider-Man, Doctor Strange et Captain Marvel pour étoffer son équipe de sauveurs de la réalité. Même les apparitions de personnages cosmiques sont limitées à 2 entités, à nouveau pendant une poignée de pages seulement, pour un peu de figuration (et puis un comics de Starlin sans Eternity, ça n'aurait pas fait sérieux). Côté péril, il a imaginé une nouvelle menace originale mettant en danger la survie de toutes les réalités, qui ne trouve sa source ni dans Thanos, ni dans Adam Warlock. Pour être sûr de faire bonne mesure, il a saupoudré le tout de quelques clones de Thanos.
Donc cette fois-ci, Starlin ne ridiculise pas les autres superhéros de l'univers Marvel en insistant sur leur manque d'efficacité, il se cantonne à son récit. Il ne peut quand même pas s'empêcher par le biais des clones d'invalider tous les récits où Thanos apparaît et qui n'ont pas été écrits par lui en indiquant clairement qu'il devait alors s'agir de clones et pas du vrai Thanos. En faisant attention, le lecteur constate également qu'un personnage souligne avec insistance que Thanos ne règle pas ses conflits à coups de poing ou de décharges d'énergie, mais qu'il gagne à chaque fois grâce à ses stratégies préparées de longue date (une deuxième petite vacherie à l'égard des affrontements physiques basiques permet au lecteur distrait de garder à l'esprit que Thanos est au dessus de la mêlée).
Pour ce qui est de l'intrigue, Jim Starlin plonge le lecteur au milieu d'un mystère à plusieurs facettes. Quel événement a bien pu provoquer la folie d'Adam Warlock ? Quel est l'objectif des clones de Thanos ? Quel est ce mystérieux extraterrestre qui attend quelqu'un ? Quelle est la nature du risque pour la réalité ? En quoi Atleza Langunn est-elle spéciale ? Si ces mystères sont intrigants en eux-mêmes, Jim Starlin emploie un dispositif narratif un peu gauche pour passer d'un point de vue à l'autre : Adam Warlock réalisant ces transitions en parlant tout seul à haute voix. Ce dispositif alourdit sensiblement la narration, la rendant pataude, voire indigeste à une ou deux reprises. Cela ressemble à un mode narratif hérité des années 1970 (ce qui est vraisemblablement le cas, Starlin ayant débuté sa carrière dans ces années là).
D'un point de vue visuel, Jim Starlin a conservé son style propre sur lui, minutieux, avec un bon niveau de détails dans chaque case. Il prouve à nouveau qu'il maîtrise comme personne la corpulence et le langage corporel de Thanos, ainsi que les mouvements théâtraux d'Adam Warlock. En y prêtant attention, le lecteur peut déceler que chaque personnage dispose de ses postures spécifiques, que ce soit la grâce de Gamora lors des affrontements physiques, les postures altières de Moondragon, ou les attitudes crasses de Pip (avec son cigare et sa veste à poche). Il cite à bon escient les éléments visuels qu'il a introduit avec ces personnages des les années 1970, que ce soit le vaisseau aisément reconnaissable de Thanos (Sanctuary II ou III), ou les différents costumes de Warlock (page 37 de l'épisode 1). Il a conservé son goût pour les affrontements chorégraphiés, sans excès, mais avec cohérence dans les mouvements, et les déplacements. Enfin il n'a pas perdu la main pour rendre les dangers cosmiques impressionnants et menaçants. Al Milgrom réalise un encrage soigné et appliqué perdant un peu de sa propension à utiliser des traits secs et cassants, pour plus arrondir les contours. Il n'y a que le visage de Warlock qui semble étrangement bâclé avec sa coiffure en pétard et ses rides disgracieuses. Le lecteur pourra également regretter un manque de nuances dans les expressions des visages, et des personnages qui ont souvent la bouche ouverte comme principale expression.
Cette histoire ne s'inscrit pas dans les meilleures réalisées par Jim Starlin, mais elle est d'un bon niveau. L'intrigue est prenante et complexe, même si son exposition manque de fluidité. Starlin prouve qu'il sait toujours marier les menaces cosmiques avec dextérité, même si la dimension métaphysique et les métacommentaires se sont raréfiés.