Dans le ciel étoilé, il y a, pêle-mêle : des comètes, des astéroïdes, des naines blanches, des naines rouges, des pulsars, des quasars et des constellations, peuplées d'envahisseurs fantasmatiques et de héros old school, leurs zap-gun à la main, une belle héroïne plantureuse à leurs côtés, qui fendent le vide galactique dans leurs fusées vintage.
Et puis à l'opposé, à l'envers des trous noirs, il y a The Five Star Stories : un univers d'une richesse narrative vertigineuse, façon Dune, mais à la sauce nippone (c'est-à-dire avec des robots géants, c'est un point fixe dans le tissu de l'espace-temps), un graphisme atypique, foisonnant, qui évoquera aux connaisseurs une Ère des Cristaux avant l'heure, mâtinée d'un chouïa de Yoshitaka Amano (l'héroïne de son Radio City Fantasy, notamment), la valse martiale, cosmico-politique, de plusieurs dizaines de protagonistes, intégrés à autant de factions, affiliées à autant de planètes, tourneboulant dans l'infini de ce récit-fleuve étiré sur plusieurs siècles, dans un écrin Space Opera à la fois personnel, original, intimiste, antimanichéen et d'une ambition démesurée.
Il faut dire que l'auteur n'est pas la moitié d'un perfectionniste, la densité de ses planches en témoigne, comme la complexité de sa chronologie ou la méticulosité avec laquelle il conçoit ses mécha-designs jusque dans leurs moindres articulations (modéliste forcené oblige). Ce même auteur qui a boudé l'adaptation animée de son oeuvre (pourtant esthétiquement remarquable, même si sans doute un peu trop mièvre), et qui s'est opposé à la mise en chantier d'une suite. Celui-là même qui a boudé sa propre adaptation filmique (GothicMade) au point de s'opposer à sa sortie sur support DVD/BluRay, et de priver les fans de toute possibilité de le voir, au point qu'il aura pris l'envergure d'une légende urbaine. Et encore celui qui, à ses heures perdues, a composé pléthore de thèmes musicaux expérimentaux pour accompagner la lecture, qui a confié à son épouse le soin d'en chanter les chansons, un control freak génial et sur-talentueux, le grand mais trop méconnu Mamoru Nagano, ayant oeuvré entre autres sur Brain Powerd et certaines séries Gundam historiques.
36 ans qu'il peaufine son grand oeuvre, qui est également celle de sa vie, déclinée en seize tomes à ce jour et un nombre ébouriffant de publications annexes, des artbooks aux guide books en passant par les Tales of Joker, une myriade de satellites qui gravitent autour de la publication-mère et lui ajoutent en densité, à tel point qu'elle pourrait finir par s'écrouler sous sa propre masse si elle n'était pas aussi prodigieuse.
On s'étonnera alors qu'il ait fallu autant de temps au "deuxième pays du manga" pour publier ce titre culte autant qu'intemporel, voué à faire le bonheur des amateurs de titres exigeants, à l'esthétique soignée et à la portée artistique certaine.
Remercions l'éditeur Noeve Grafx d'avoir osé ce pari fou que les "grands" de la concurrence n'ont jamais daigné relever (shame on them, shame !) : mettre ce diamant brut à la portée du plus grand nombre francophone, et envoyer au Cinquième Ciel toute une nouvelle génération de futurs nouveaux fans.
C'est bien le moins que méritent Amaterasu et ses Mirages Knights.
Ses Fatimas, elles, n'ont décidément pas fini de nous tourner la tête.
Et avec elles : le ciel étoilé.