Autrefois, la guerre, c'était des types comme neven et ses potes, et 43 tanks en face d'eux.
Mais la guerre a délaissé Neven...
La guerre s'est déplacée et l'a laissé en rade...
Neven te dira qu'il en a fini avec la guerre...
La vérité, c'est que la guerre en a fini avec Neven.
Présentée succinctement dans un documentaire dédiée aux BD sur la Guerre en général, le graphisme de The Fixer m'avait particulièrement happé.Trognes protubérantes, trait hachuré avec des contrastes assez violents... la première page a de quoi intriguer... mais aussi révulser. Mais bon, ce genre de BD ne me fait pas trop peur... au contraire même : moins le graphisme est académique, plus il me pousse à creuser la chose et explorer son récit.
C'est malheureusement là que le désamour pour The Fixer a de grandes chances de naître. Son récit.
La démarche journalistique (un peu gonzo) de l'auteur est pourtant intéressante. Joe Sacco veut raconter le siège de Sarajevo (plus long siège de l'ère moderne, il faut le dire) à partir des témoignages de Neven. Un vétéran plus que bizarre ayant survécu au conflit.
Si la démarche ressemble au légendaire Maüs de Spiegelman ainsi que le sujet général (l'horreur de la guerre)... la tonalité est vraiment toute autre.
The Fixer ne raconte pas les aventures de son témoin. Il raconte les tristes méfaits de ceux qui en sont morts et le caractère abscons des combats ayant opposés milices croates, bosniaques, serbes, etc... Globalement, on comprends pas grand chose à la première lecture de la BD.
Qui est avec qui ?
Qui est contre qui ?
Qui protège qui ou quoi ?
La principale chose que l'on comprend, c'est que les miliciens de Sarajevo ont profité de leur statut de "défenseur" de la ville pour s'adonner aux pires crimes de guerre. Viols et meurtres envers la population civile qui subissait alors le confinement par les troupes de Milošević étaient quotidiens. C'est une guerre aux fronts multiples, où les "alliés" n'existent pas vraiment et où les "défenseurs" sont des criminels de guerre ou de mercenaires qui s'autoproclament "combattants de la liberté".
L'héroïsme, le courage et l'honnêteté sont des valeurs totalement absentes de ce récit... et c'est globalement ce qui m'a le plus plut. Joe Sacco le reconnaîtra lui-même : Neven, son informateur, est très certainement mythomane sur le sujet. Le travail journalistique de Joe Sacco en devient alors torpillé...
Dans de telles condition, un journaliste professionnel se serait éloigné de ce Neven et se serait alors tourné vers des sources plus fiables. Mais Joe Sacco a préféré garder Neven comme témoin principal. Même les menteurs ont des choses à dire sur ce conflit... et quand la réalité sur ce conflit est opaque, on se tourne vers les seuls qui veulent bien la raconter avec leur "vérité".
C'est peut-être le point le plus intéressant de cet ouvrage... mais également le plus discuttable.
The Fixer ne raconte pas la guerre depuis le point de vue d'un vainqueur. Ni depuis le point de vue d'un historien en ayant eu un recul suffisamment large pour y apporter un regard nouveau.
The Fixer raconte la guerre depuis le point d'un vue d'un gars qui y a pris part (enfin... peut-être).
Était-il une ordure ?
Avait-il des convictions ?
Se sent-il fier de ses actes ?
Est-il juste un énorme escroc qui raconte que des mytho ?
L'auteur laisse le lecteur avec ces questions et se contente de dessiner et raconter le récit de Neven avec toute la crudité et l'horreur qu'il conviendrait pour raconter un conflit aussi sanglant et aussi bordélique... à l'image de l'état Yougloslave qui était une poudrière qui ne demandait qu'à exploser.
Bref.
The Fixer est une BD obscure dans tous les sens du terme. Et jusqu'à la dernière page on reste avec plus de points d'interrogation que de réponses.
C'est ce qui en fait une bonne BD pour ma part.