Burton y fait tout ce qu'il fait de mieux comme de pire.

Ce que j'adore au cinéma, c'est que les cinéastes sont tous capables du meilleur comme du pire... les plus illustres d'entre eux comme les plus modestes.
Parfois... le chef d'oeuvre est accouché après une gestation difficile... voir pénible pour le cinéaste.
Et parfois... dans un processus inverse, un cinéaste avec plus de latitude pendant le tournage est capable de pondre une oeuvre personnelle, certes, mais bancale... qui peut lorgner avec le grotesque.
Et lorsque montré à la vue du spectateur, un nouveau prisme opère... le résultat critique en devient aussi aléatoire que le résultat d'un lancé de dés.
Et le hasard, j'aime ça.


Batman Le Défi, a été réalisé dans la bienveillance. Après le succès de du premier Batman en 89 (dont le tournage s'avéra particulièrement pénible pour Burton), les producteurs de la Warner ont laissé à Tim Burton toutes les libertés dans la réalisation.
Donc on peut en déduire que le film est une oeuvre burtonienne dans sa plus pur tradition (je trouve d'ailleurs que c'est l'adaptation cinéma de Batman qui s'inspire le moins de son média d'origine, à savoir la BD).
Donc sur le coup, c'est banco ! On n'est sûr et certain d'avoir quelque chose de vraiment neuf sur l'Homme Chauve-Souris dans ce film (quand le premier film s'inspirait pas mal de Killing Joke de Alan Moore et du Dark Knight de Miller).


Mais l'ennui c'est qu'à mes yeux, Burton n'est pas un si bon réalisateur que ça. Honnêtement, ses films ont été capable du meilleur (Sleepy Hollow, Edward aux Main d'Argent, Ed Wood) comme du pire (Wonderland, Charlie et la Chocolaterie, Beetlejuice... NON je n'aime pas Beetlejuice... je trouve ce film visuellement hideux... OUI vous me pendrez plus tard).


Batman le Défi, c'est un film qui a l'honnêteté de montrer tout le talent de son cinéaste comme tous ses travers.


Par exemple les personnages y sont extrêmement expressifs. Tout est mis en oeuvre dans le jeu d'acteur, dans leur gestuelle, dans les cadrage et dans la lumière pour esquisser les personnages. 100% du savoir faire de mise en scène de Burton sont mis en oeuvre lorsque Danny de Vito et Pfeiffer sont à l'écran... mais l'ennui c'est que dés que les acteurs s'approchent trop près du grotesque, Tim Burton les rend complètement ridicules.
La scène où Max Shrek rencontre le Pingouin, par exemple, est géniale. C'est loufoque, mais le Pingouin se révèle être un personnage plus subtile qu'il n'y parait. Sa façon d'exposer son chantage à Max Shrek me plait car on montre un personnage plutôt monstrueux d'apparence capable d'un méfait extrêmement humain. Mais sa deuxième scène (où un espèce de clown vient voler un bébé pour disparaître dans une bouche d’égout et que le Pingouin en ressort avec le bébé) m'a semblé beaucoup trop ridicule pour justifier le point de départ de toute l'intrigue qui va tourner autour de l'image médiatique du Pingouin.
La scène où Selina Kyle rentre pour la première fois chez elle est dantesque. Elle est sublime. Toute en retenue, Pfeiffer arrive en trois lignes de dialogue à nous faire comprendre quelle genre de femme célibataire elle est. Sa solitude, la boîte vocale de son répondeur qui résume globalement sa triste vie... et même lorsqu'elle pète un câble et détruit son appart... je trouve son personnage attachant et très humain. Le jeu de Pfeiffer y est alors subtile. Dosé. Puis, dés qu'elle met le costume... je trouve ça grotesque. Surjoué. Catwoman qui se lèche le cuir avec la langue pour faire sa toilette ou qui gobe un oiseau vivant ou qui se prélasse dans de la litière pour chat... NON, c'est pas la Catwoman de mes fantasmes.


Et le film fait globalement un peu comme ces personnages : il alterne le sobre subtilement décalé (comme le personnage de Max Shrek et ses problèmes de centrale énergétique) avec le grotesque sans limite (le Pingouin en train de piloter la batmobile depuis une minivoiture pour enfant). Ou alors insuffler à dans une scène de canapé une sublime tension sexuelle... avant de tout conclure sur une Sélina Kyle qui suggère à Alfred de composer pour Bruce "Une chanson porno".
Ou alors cette scène où Bruce et Selina dansent ensemble au bal de Noël... et révèlent leurs identités respectives et au moment où l'alchimie des deux personnages atteint son point culminant... PAF ! Le Pingouin arrive sur son canard jaune géant pour faire son "NIARK NIAK NIAK !!! JE VAIS KIDNAPPER VOS ENFANTS !!!"


Et les deux registres n'arrivent pas, selon moi, à bien coexister. Les deux registres s'empiètent l'un l'autre mais n'arrivent pas donner une forme homogène au film.
Et ce qui est curieux, c'est que le premier film le réussissant très bien. Tim Burton arrivait très bien à faire un Joker menaçant avec comme plan d'empoisonner toute la plèbe avec un gaz hilarant... pour lui faire hurler dix secondes après "IL M'A VOLE MES BALLONS !!!!" tout en restant dans le ton. Dans le premier Batman, Tim Burton arrivait à faire coexister le sérieux avec le décalé.
Dans Batman le défi, il essaie de faire coexister le sérieux avec le grotesque... et j'y arrive pas.


Et ce qui est saoulant c'est que techniquement... Batman le défi est une réussite. Les décors sont splendides. Gotham City y est diesel punk et gothique à souhait. L'atmosphère de Noël y donne un ajout féérique que je trouve plein de charme... plus la musique de David Elfman qui est à la fois miscible au cinéma de Burton et miscible à l'univers dérangé de Batman.
Dans l'audio comme dans le visuel... le film est solide.


Pour moi, le problème, c'est le propos. Comme si Tim Burton n'arrivait qu'à s’adresser à un jeune adulte ou à un enfant de moins de 10 ans... mais jamais aux deux en même temps.

Zefurin
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le 3 avr. 2020

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