Ce tome fait suite à Let's have a problem (épisodes 1 à 5) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 6 à 10, initialement parus en 2014, écrits par Ales Kot, dessinés et encrés par Michael Walsh, avec une mise en couleurs de Matthew Wilson.


La situation est rappelée au travers d'une page récapitulative en début de tome. Dans la première séquence, Maria Hill envoie Black Widow (Natalia Romanova) intervenir au Japon, à bord d'un train dans lequel se trouve Lady Bullseye qui menace de le faire exploser. Spider Woman (Jessica Drew) lui sert de renfort. Hill assigne à Hawkeye (Clint Barton) la mission de suivre la trace de Phil Coulson pour le ramener au SHIELD.


Maria Hill va ensuite faire le point avec MODOK, concernant le corps de The Fury qui semble avoir accouché (mais de quoi ?). Puis elle va interroger Artaud Derrida pour savoir pour qui il travaillait. Au cours de sa mission, Hawkeye a la mauvaise surprise de tomber sur Deadpool (Wade Wilson).


Le premier tome de cette série mariait avec bonheur une aventure à 100 à l'heure, avec une forme de dérision qui ne minait pas l'intrigue, mais apportait une touche loufoque irrésistible. Le lecteur retrouve ces 2 dimensions dans ce deuxième tome, encore plus efficaces et affinées. D'un côté, Ales Kot a imaginé une intrigue haletante, menée à un train d'enfer, avec des personnages Marvel, tous plus savoureux les uns que les autres.


Ales Kot utilise avec habileté les conventions des récits d'action, comme la poursuite dans un train piégé, ou l'expérience génétique dans une cité perdue. Il inclut avec aisance la personnalité de chaque superhéros et supercriminels, rendant ainsi chaque séquence particulière. Au fil des pages, le lecteur se rend compte que le scénario lui réserve des situations ahurissantes, tout en étant parfaitement intégrées dans la narration.


Pourtant difficile de croire qu'une histoire cohérente et logique puisse contenir un gros plan sur les chairs déchirées de The Fury (la plaie de sortie de son enfant), une séance de tir à la Guillaume Tell avec Deadpool, ou encore MODOK et Snapper admirant un soleil couchant sur une plage, Phil Coulson descendant du gros qui tâche dans les rues de Buenos Aires avec d'autres clodos, un groupe de télépathes saisis de convulsions, etc. Dans chaque épisode plusieurs scènes marquent les esprits par leur incongruité, et pourtant leur logique.


Michael Walsh dessine l'ensemble des épisodes avec un encrage un peu désagréable. Certains traits présentent des discontinuités (par exemple sourcil en 2 morceaux), trait en théorie rectiligne, en pratique légèrement de guingois ou à l'épaisseur variable, aplats de noir fait à la va-vite (comme s'ils étaient mal coloriés), etc. Certes cela confère une impression de spontanéité, mais également une impression de manque de netteté. Une fois dépassée cette impression, le lecteur apprécie un découpage fluide, rendant bien compte des faits, des actions, et des environnements dans toute leur variété.


Le travail de Matthew Wilson est en phase avec les dessins, c’est-à-dire des couleurs posées un peu à la truelle (pas de jolis dégradés progressifs et bien lissés), mais un choix de palette assez original, faisant bien ressortir chaque séquence, l'une par rapport à l'autre. Walsh choisit avec soin chaque posture pour qu'elle soit le plus parlant possible, soit du mouvement, soit de l'état d'esprit du personnage. Le parti pris graphique ne se veut pas séduisant, mais il est d'une grande efficacité, et assez personnel. Walsh et Wilson donnent à voir le récit dans toutes ses composantes, en transmettant le côté adulte des personnages, la diversité des environnements, et les scènes d'action aussi bien que celles de dialogue.


Le dessinateur et le metteur en couleurs réalisent des planches consistantes et capables de donner une apparence plausible à tous les rebondissements. Ils montrent moins d'inventivité et d'épure que David Aja sur la série "Hawkeye" de Matt Fraction (à commencer par My life as a weapon). Par contre, Ales Kot apporte plus de substance dans son intrigue que Matt Fraction. La comparaison s'avère pertinente dans la mesure où le lecteur découvre que les 2 scénaristes ont des lectures communes, à commencer par Fictions de José Luis Borges.


De séquence en séquence, le lecteur prend conscience qu'Ales Kot vise même plus haut que la série "Hawkeye", c’est-à-dire il vise le niveau de la série "Casanova" du même Matt Fraction (voir Gula). Sans oublier son intrigue premier degré, il utilise avec habileté l'art du second degré. En particulier, le nom du vendeur d'armes Artaud Derrida évoque le philosophe Jacques Derrida (L'écriture et la différence). Dans cette optique, les pitreries de Deadpool prennent tout leur sens. Dans l'épisode 7, il indique ce qui va se passer dans l'épisode 8 (mais ses phylactères sont censurés à coup de marqueur sur les mots qu'il prononce). Ainsi Kot indique qu'il joue avec les conventions des comics, les contourne et les neutralise, par le biais de ce personnage capable de s'adresser directement au lecteur (en brisant le quatrième mur).


Le savoir-faire d'Ales Kot lui permet de jouer avec le lecteur en lui adressant un clin sur le fait que même un personnage a conscience d'être dans un comics, sans nuire au suspense de l'intrigue. Cette capacité lui permet également de continuer à mettre en scène Vladimir, une bombe dotée de conscience, ou le grotesque MODOK sans qu'ils ne soient ridicules (alors qu'ils ressemblent furieusement à des idées de comics des années 1950/1960 à destination d'un public plus jeune).


Ce deuxième tome des Secret Avengers (version 2014/2015) prouve que parfois on peut avoir le beurre et l'argent du beurre : on peut avoir une histoire palpitante de superhéros, et un récit recelant des métacommentaires intelligents sur la nature même d'un récit de superhéros, tournant en dérision une partie de ses conventions.

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le 23 mars 2020

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