Ce tome fait suite à Tommy Taylor and the war of words (épisodes 31 à 35 + 31,5 à 35,5), et il est fortement conseillé d'avoir commencé la série par le premier tome. Ce tome-ci contient les épisodes 36 à 41, parus en 2012, écrits par Mike Carey et Peter Gross, dessinés et encrés par Gross (avec des finitions de Rufus Dayglo pour l'épisode 36).


Épisode 36 - Milton Walzer junior (The Tinker, un proto superhéros) se retrouve sur au milieu des cadavres de la grande bataille de l'escalier où Pauly Bruckner avait entraîné les animaux anthropomorphes des contes pour enfants (mais si, souvenez-vous dans l'inénarrable épisode 24 dans le tome 4 Leviathan). Or voilà que l'escalier se dérobe sous ses pieds, qu'il se dissout littéralement et que Walzer atterrit au beau milieu d'un exode massif de ces personnages fuyant la Vague. Après leur passage, il ramasse un chapeau dont il tire... un lapin bien sûr ! En l'occurrence, Pauly Bruckner qui n'est vraiment pas d'humeur à perdre son temps avec un superhéros gériatrique.


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Épisodes 37 à 40 - 1 an a passé depuis les événements ayant provoqué l'effondrement du bâtiment Radcliffe Camera à Oxford. Tom Taylor a repris ses tournées de conférence à travers le monde, mêlant lecture de classiques à haute voix, échanges avec la salle et morceau de jazz interprété à la trompette. Sa prochaine étape a lieu à Brisbane, en Australie. Plusieurs individus ont disparu dans cette ville ou dans les environs. Ils avaient tous pour point commun d'avoir rejoint récemment l'Église de Tommy, dirigée par un illuminé du nom de Lucas Filby. Sandra Didge Patterson enquête sur la dernière disparition, celle d'Eric Sadler. Conformément aux recommandations de la Baleine, Daniel Armitage a enfin pu se rendre à Brisbane, après avoir économisé un an. Pendant ce temps, Richie Savoy se rend au chevet d'Anna Elizabeth Rausch.


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Épisode 41 - Juste après les événements survenus dans le bâtiment Radcliffe Camera, Richie Savoy a emmené Tom Taylor à l'abri pour qu'il puisse se remettre. Le début a été difficile pour tous les 2.


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C'est toujours un plaisir de retrouver le temps d'un épisode ce malfrat mal embouché dans la peau d'un lapin de conte pour enfants. Et voilà que la menace imprécise et sous-jacente du précédent épisode qui lui était consacré se dessine. Encore mieux, la suite permet enfin de découvrir comment Pauly Bruckner est lié à l'histoire de la famille Taylor, et ce qui arrive à son environnement. Pour la suite, Carey & Gross utilisent un dispositif narratif qui a fait ses preuves : après un affrontement décisif, avançons dans le temps pour découvrir ce que sont devenus les héros de l'histoire, après une période plus calme, correspondant à une période de gestation. En une demi-douzaine de pages, Carey et Gross ont établi les événements survenus pendant l'année écoulée (avec un retour en arrière placé de manière bizarre dans le dernier épisode). Le lecteur découvre les conséquences des blessures infligées lors de la grande bataille du tome précédent, mais pas seulement. Les auteurs utilisent pleinement les possibilités du médium en insérant quelques facsimilés de page de site internet, le temps d'une page de comics, ainsi que 2 pages consacrée à des écrans de journal télévisé (présenté par les très lisses Lorna & John). Ces écrans se lisent à 4 niveaux différents : le dialogue des présentateurs, les images de fond, les titres et les informations déroulant en bande en dessous de l'écran. À la lecture, il s'agit de 2 pages finalement très copieuses, et qui correspondent pourtant à la densité d'informations que le spectateur assimile face à son écran de télévision. Le reste du récit revient à un format de bandes dessinées traditionnelles.


Ces 6 épisodes utilisent une forme de narration traditionnelle, linéaire facile à suivre avec presqu'aucune référence littéraire. Par contre, Carey et Gross commencent à pouvoir utiliser à plein leur propre mythologie interne développée dans les tomes précédents. Par exemple, Sandra Patterson porte un teeshirt avec l'inscription "Who are you ?" qui fait allusion à la question posée par Lizzy Hexam à Tom Taylor, dans le premier tome. Le récit révèle plusieurs points clefs de l'intrigue, du rôle de Pauly Bruckner à l'évolution du culte voué à Tommy Taylor (une véritable secte voyant dans ce personnage un messie incarné dans Tom Taylor), en passant par ce qu'est "Unwritten" (la signification profonde du terme). Carey et Gross continuent bien sûr de parler des rapports complexes entre la réalité et la fiction, à travers cette église de Tommy, par le biais du sort de Léviathan, mais aussi avec l'irruption de Shrdlu Silverhoof, une licorne, dans le monde réel. Mais le récit est avant tout porté par les personnages, leur caractère et leur devenir. À ce titre, Daniel Armitage gagne un peu d'épaisseur. Sandra Patterson vole la vedette dans chaque scène où elle apparaît grâce à son caractère bien affirmé et son cynisme cassant. Sa présence doit également beaucoup aux dessins (toujours aussi simples en apparence) de Peter Gross. D'un coté ses dialogues établissent son cynisme et son pragmatisme ; de l'autre les dessins montrent ces mêmes traits de caractère. Alors qu'elle évolue en petite culotte et débardeur devant Armitage qui est dans son lit, elle est indubitablement maître de la situation, sans qu'Armitage (ou le lecteur) ne puisse croire que sa tenue la mette dans une position d'infériorité, ou qu'elle induise Armitage en erreur sur ses intentions. Malgré cette tenue et la situation d'Armitage (dans le lit de Sandra), on est à l'opposé de tout racolage, ou de toute ambigüité sur une potentielle relation sexuelle. Comme à son habitude, Gross réussit à faire coexister dan une même image des éléments difficilement compatibles (telle la licorne dans ce hangar). Il crée des paysages australiens plausibles et crédibles, sans jouer sur le spectaculaire. Lorsque Tom se trouve sur scène, sa scénographie est plausible dans sa simplicité et dans gestuelle.


Malgré son apparence de pièce rapportée étrangement située, le dernier épisode constitue un bon exemple du savoir faire des 2 créateurs. D'un coté, Carey met en scène la rébellion d'un personnage secondaire, remettant par la même en cause le concept de base de roman moderne qui veut qu'il y ait un héros (ou à la rigueur personnage principal, plus rarement un groupe de personnages) et des personnages secondaires qui gravitent autour, totalement dépendant du personnage principal. Dans la perspective de cette série, ce questionnement renvoie à la nature du roman, et à la perception de la réalité, par nature égocentrique pour tout être humain, c'est-à-dire un récit écrit avec un point de vue dominant pouvant aller jusqu'à être exclusif. De son coté, Peter Gross a fort à faire pour mettre en scène un tête-à-tête dans une maison désaffectée, habitée de spectres. Seul son style d'apparence simple et son art de la mise en scène permettent d'éviter aux images de tomber dans les clichés bon marché des comics ordinaires (et quel plaisir de voir repasser Miriam Waltzer !).


Ce tome 7 s'inscrit dans les tomes faciles d'accès à faible niveau de références littéraires, et à intrigue linéaire et simple. Toutefois, en faisant preuve d'attention, ou de recul, le lecteur constate que les thèmes principaux de la série sont bien présents, que plusieurs intrigues secondaires arrivent à maturité, que les personnages (anciens comme nouveaux) sont étoffés et développés, et que les images continuent de faire exister des instants difficiles (voire impossibles) à créer en prose.

Presence
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le 4 avr. 2020

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