Thornhill mène de front deux intrigues. L’une, dessinée, se déroule en 2017 : Ella, une jeune adolescente solitaire, vient d’emménager en face d’un ancien orphelinat. L’autre raconte, sous forme d’un journal intime fictif rédigé en 1982, quelques mois des mésaventures de Mary, une jeune adolescente solitaire qu’accueille ledit orphelinat. Cela dénote une certaine ambition, d’autant qu’ici, texte et dessin se complètent véritablement, bien plus qu’ils se redoubleraient. J’imagine que cela peut agréablement dépayser les jeunes lecteurs, auxquels ce livre semble avant tout s’adresser.
Malheureusement, Thornhill ne va guère plus loin que cela. On comprend vite et tôt que Mary est un fantôme et qu’Ella va s’en faire une amie, à force d’abnégation et de réparations symboliques du passé. Si vite et si tôt, qu’on se demande si tout ça ne peut pas être un leurre, une fausse piste destinée à préparer une autre chute, la vraie. Mais non : tout hanté qu’il soir, l’orphelinat restera le théâtre assez convenu d’une histoire de harcèlement, de solitudes changées en amitié et de travaux manuels.
J’insiste : l’intrigue du livre autant que son ambition auraient pu donner lieu à quelque chose de beaucoup plus riche. À la place, on se retrouve avec un texte et des dessins qui n’exploitent jamais ni l’implicite, ni le non-dit / non-dessiné que le rythme, plutôt pépère, aurait mis en valeur. Parallèlement, comme ce rythme n’accélère jamais, rien d’épique ni de véritablement tragique ne naît de Thornhill – ce qui peut sembler un comble, s’agissant d’une histoire de mort et de cruauté. Je ne suis même pas certain que des jeunes lecteurs – en dehors des cas d’identification toujours possibles – puissent être sensibles à un double récit qui, sans les prendre pour des demeurés, n’est ni percutant, ni précis.