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Tintin au Congo, ou la fiction colonialiste des années 30

Tintin au Congo, c'est le deuxième tome des aventures de Tintin qui avait débuté par le "pays des Soviets". Comme celle-ci, il est publié dans "Le petit vingtième", supplément jeunesse du journal belge catholique très à droite "Le vingtième siècle". Si "le pays des Soviets" répondait à la commande explicite d'une BD de propagande anticommuniste, "Tintin au Congo" doit montrer aux jeunes lecteurs la mission civilisatrice de l'homme blanc et belge dans l'Afrique coloniale.
On retrouve le Tintin des débuts, avec sa succession de gags sans vraie intrigue de fond, sa violence gratuite et ses stéréotypes ici empreints de racisme. Dès sa descente du bateau, Tintin le reporter intelligent, courageux et volontaire se retrouve opposé à des Africains paresseux, stupides, naïfs, influençables et lâches. L'homme noir est dépeint comme un enfant que le "bon blanc" (incarné par Tintin et par le missionnaire catholique) va devoir éduquer et dont il vaut mieux qu'il s'occupe pour son bien. Les chefs traditionnels sont présentés comme des souverains de pacotille obnubilés par l'imitation des rois européens, le "sorcier" est tourné en ridicule (Muganga est coiffé d'une casserole en guise de chapeau), représentés comme jaloux du Blanc qui les supplante et comme exploitant la crédulité de leur peuple via les croyances traditionnelles tournées en ridicule (alors que le prêtre missionnaire qui prêche une croyance fondée sur l'histoire d'un homme censé changer l'eau en vin et marcher sur l'eau, lui, tient le seul rôle valorisant de la BD autre que Tintin...). Coco, le "boy" que recrute Tintin à son arrivée est un gamin stupide et peureux qui sert de faire valoir au reporter qui démontre la supériorité de l'homme blanc sur ces grands enfants que sont les Noirs, paternalisme que l'on retrouve lors de la scène de l'école. Dans la publication originale Tintin donne un cours de géographie sur la Belgique (dans le plus pur style "nos ancêtres les Gaulois"), remplacé ensuite par un plus inoffensif cours de maths. Dans le langage même qu'ils utilisent, ce "petit-nègre" nauséabond de mépris, les Africains sont tournés en ridicule et ne peuvent jamais s'adresser aux Blancs en égaux.
Il faut aussi parler de l'attitude de Tintin envers les animaux... Se conduisant comme le plus violent des chasseurs de trophées, le reporter n'hésite pas à abattre tout ce qui passe sur son chemin et peut lui permettre de se photographier, triomphant, avec ses proies, préfigurant les selfies de chasse d'aujourd'hui où de riches Blancs posent devant la dépouille d'un animal protégé. Il va jusqu'à chasser le rhinocéros à la TNT!
Vous l'aurez compris, Tintin au Congo n'est pas un chef d'oeuvre de la BD, mais il a le mérite de donner à voir les représentations typiques de la mentalité colonialiste des années 30. Maintenant, il serait abusif d'en conclure que Hergé est un immonde raciste et de condamner Tintin dans son ensemble à cause de cet album.
Quand Hergé réalise "au pays des Soviets", "au Congo" ou "en Amérique", il n'est encore qu'un tout jeune dessinateur, issu d'une famille belge bourgeoise, qui travaille largement sur les instructions de son rédacteur en chef, un prêtre très conservateur proche de l'extrême-droite. Mais le jeune homme va vite reprendre le contrôle sur son personnage, avec le dyptique "Cigares du Pharaon"/"Lotus Bleu", dont le deuxième volet est l'un de ses chefs d'oeuvre et marque une rupture totale avec le "premier Tintin", se moquant désormais des racistes et des colonialistes qu'ils soient européens ou japonais, et réalisé avec l'aide de son ami chinois Tchang Tchong-Jen (qui devient un personnage secondaire qui à la différence du presque esclave Coco va entretenir une amitié respectueuse, d'égal à égal, avec Tintin, en contrepoint de la mentalité raciste des occidentaux installés en Chine comme Dawson ou Gibbons) qui permettra de montrer une Chine réaliste et présentée sous un jour positif.

ADX31
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le 27 août 2019

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