Publié pour la première fois en 1930-1931 dans Le Petit Vingtième, Tintin au Congo est le deuxième album des aventures de Tintin, une œuvre où l’on sent encore un Hergé en rodage, influencé par son époque et les attentes de son éditeur. À cette époque, les récits d’aventures exotiques destinés à exalter les valeurs coloniales étaient très populaires, et cet album s’inscrit pleinement dans ce courant. Colorisé en 1946 et réédité à plusieurs reprises, l’album a également été retouché pour atténuer certains des éléments les plus polémiques, sans pour autant effacer son caractère profondément marqué par les stéréotypes de l’entre-deux-guerres.


Relire cet album aujourd’hui, c’est plonger dans une œuvre volontairement naïve, où l’humour burlesque et l’exagération occupent une place centrale. Certes, l’image de l’Afrique et des Africains véhiculée par Tintin au Congo est datée, parfois caricaturale, mais il est indispensable de replacer cette œuvre dans le contexte de son époque pour en apprécier les intentions et en relativiser les maladresses. Ce qui frappe surtout, c’est le ton léger, presque enfantin, de l’album, et son enchaînement de situations complètement loufoques.


Au-delà des polémiques, Tintin au Congo est une aventure étonnamment divertissante. L’absurde règne en maître dans cet album, à commencer par la façon dont Tintin est vénéré comme une figure messianique par les populations locales. Les scènes cocasses s’enchaînent, avec des personnages hauts en couleur comme le sorcier coiffé d’une casserole ou des soldats africains aux accoutrements improbables. Même si ces représentations relèvent de clichés dépassés, leur exagération grotesque peut prêter à sourire, presque comme une satire involontaire de la mentalité coloniale de l’époque.


L’humour de l’album culmine dans le "massacre animalier" orchestré par Tintin. De la dynamite utilisée contre un rhinocéros à une véritable hécatombe parmi la faune locale, Tintin semble déterminé à affirmer sa domination sur la savane. Cet excès, invraisemblable mais jouissif, renforce l’impression de lire une œuvre qui ne se prend pas au sérieux et flirte parfois avec l’absurde total. C’est ce côté décomplexé et décalé qui donne tout son charme à l’album, même si certains y verront un témoignage d’une époque où la conscience écologique n’existait tout simplement pas.


Sur le plan narratif, l’album reste simple et décousu. Plus qu’une véritable intrigue, on a ici une succession de saynètes humoristiques, parfois sans réel lien. Cependant, cette absence de structure claire est compensée par un rythme effréné et des idées visuelles marquantes, qui rendent la lecture agréable. Le final, où Tintin démantèle par hasard un trafic de diamants orchestré par des gangsters de Chicago, paraît anecdotique, mais il s’inscrit dans cette logique décontractée d’un album qui ne cherche pas à être sérieux.


En conclusion, Tintin au Congo est une aventure à la fois datée et délicieusement exagérée, où le plaisir de lecture réside dans son humour burlesque et ses situations invraisemblables. S’il faut le lire avec un certain recul historique pour en apprécier les qualités sans en ignorer les défauts, cet album reste un moment de pur divertissement. Le plaisir que j’ai pris à le lire réside dans son absurdité totale, ses excès caricaturaux et son rythme dynamique.

Shinova
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